Légan était, comme à son habitude depuis de nombreuses semaines, seul en train de flâner dans les rues désertes de la Cité Blanche. Il était tard, probablement plus de minuit ... Légan se dirigeait au hasard, là où ses pieds le traînaient, malgré le froid glacial de cette nuit, et le vent qui tentait de l'entraîner.

Il s'arrêta brusquement lorsqu'il aperçut un coin d'herbe isolé du reste. Cet endroit était totalement en désaccord avec les batîments autour, et Légan ne voyait vraiment pas ce qu'il faisait là. C'était un morceau de tranquillité entouré d'une quantité impressionnante d'agitation lorsque les rues sont pleines. Il n'avait jamais remarqué qu'ici même, à proximité des étalages, se trouvait ce carré de verdure. C'était comme une fillette au milieu d'un champ de bataille, un soleil en pleine nuit. Etonnant, surprenant, mais tellement agréable à voir !

Il s'y allongea un moment. Il n'avait rien de mieux à faire de toute façon. Légan n'était pas au bout de ses surprises, à peine était il étendu sur l'herbe humide qu'un spectacle inimaginable et inimaginé s'offrit à lui. De là où il était, Légan pouvait contempler les étoiles. Ses délicates taches blanches plus ou moins lumineuses étincelaient dans le noir profond de cette nuit froide. Les mots ne lui venaient pas, les sensations étaient trop fortes. Il aurait du inventer des mots qui n'existent pas pour décrire l'émotion qui le gagnait peu à peu ... Ce sublime rêve éveillé, ce magnifique cadeau du ciel ...

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Lorsqu'il se releva, Légan ignorait l'heure qu'il pouvait être. Combien de temps avait il pu rester allongé ici à regarder les étoiles ? Ba qu'importe. Ca valait tous les sacrifices du monde !
Il reprit ses affaires, et rentra chez lui ...

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Dès le petit jour, Légan sortit, il n'avait pas beaucoup dormi, mais il s'en fichait. Il s'y était habitué. Il alla dans la rue principale. Cette rue comportait bien sur la plus grande partie des commerces, et pas les moindres. Outre les étalages de fruits et légumes, d'huiles de vin et autres produits, on trouvait un commerçant que Légan appréciait. Non pas qu'il fut particulièrement sympathique, mais son magasin regorgeait de richesses que Légan affectait ! Des instruments de musique ! Luth, violon, flûte, harmonica, ocarina et autres oeuvres d'art ! Légan se plaisait dans ce magasin. Et aujourd'hui, il avait décidé de s'acheter cette petite lyre. Délicate, simple, sublime, un bijou d'orfèvrerie. Il avait hâte de l'essayer ...

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La nuit venue, Légan se rendit à l'endroit qu'il avait découvert la veille. C'est là qu'il aurait l'inspiration nécessaire pour jouer de sa lyre. C'est là que ses doigts pourraient glisser sur les cordes et les faire résonner. C'est là ...

C'était avant tout la simplicité de ce spectacle divin qui touchait Légan au plus profond de son être. Il attendit quelques minutes, puis posa sa main sur la lyre. Il tira une corde, une note s'en échappa. Légan était parfaitement incapable de jouer quoique ce soit, il n'avait ni la formation pour, ni l'oreille musicale, et pas la moindre trace de créativité. Ou du moins pas encore, car il savait que la musique était le seul moyen d'exprimer ce qu'il ressentait, et que ce serait elle qui le sauverait.

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Au fil des nuits qui passaient, le ciel et le temps changeait, et Légan continuait son apprentissage de la musique. Il n'avait ni professeur, ni admirateur de sa musique, mais il s'en fichait. Il jouait pour lui, parce qu'il en avait besoin. Il connaissait les différents sons qui s'échappaient de son instrument selon qu'il tirait telle corde ou telle autre. Les notes commençaient à se succéder, créant des mélodies. Selon le spectacle qu'il avait sous les yeux, Légan jouait différemment, plus lentement, plus rythmé, plus doucement, parfois il ne jouait pas du tout, de peur de déranger les étoiles ! Il ne voulait pas casser la magie du ciel.

Plus Légan jouait de son instrument, plus il avait envie d'en jouer ... il s'impatientait quand il ne jouait pas, et se libérait quand il jouait. Grace a cette lyre, Légan pouvait faire libérer ses émotions, et exprimer ce qu'il ressentait ! Il conservait tellement de choses en lui que ça en devenait insupportable. La musique était donc un moyen d'extérioriser ses pensées.

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Un autre soir, Légan était toujours assis dans l'herbe, et jouait. Inlassablement, il jouait. Mais désormais, c'étaient des mélodies qui s'échappaient de son instrument, il maniait sa lyre avec habileté. Ses doigts flottaient sur les cordes, tendrement, comme s'il la caressait pour ne pas la mettre en colère. Il avait besoin de cette lyre, plus que tout en ce moment. Elle ne servait pas à combler la solitude qu'il connaissait depuis quelque temps, car Légan cherchait à tout prix la solitude. Mais elle avait un pouvoir, le même pouvoir qu'ont les amis les plus proches. Le pouvoir d'écouter ce que vous avez à dire, et de vous rendre plus heureux, plus sereins.

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La dernière note s'échappa, et le silence reprit ses droits. Légan avait interrompu sa mélodie sur cette note aigüe, il ne pouvait aller plus loin, c'était au dessus de ses forces ... Il posa sa lyre, prit sa tête entre ses mains, et se mit à pleurer. Longtemps, calmement, seul, il pleura. Pour la première fois depuis qu'il était venu à Lardanium avec ses frères, Légan pleurait. Il ouvrait son âme en jouant de la lyre, et cette mélodie venait de porter le coup de grâce pour briser l'armure de glace qui entourait son coeur, cette armure qui le protégeait de la souffrance, de la peine, cette armure dont il s'était servi très souvent, trop souvent, elle venait de s'effondrer. Il pleurait, enfin, à chaudes larmes, mais en silence, il pleurait.

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Cette mélodie, c'était celle qu'il avait entendue, des années avant, de longues années avant, il ignorait qu'il s'en souvenait, mais elle était restée gravée dans sa mémoire. Il avait pourtant essayé de s'en débarasser, mais elle était revenue au grand galop pour achever Légan ...

Une dixaine de jours passèrent, avant que Légan ne se mettent à ressentir à nouveau le besoin de jouer. Il avait été tellement surpris par la dernière fois qu'il n'avait pas osé recommencer. De toute façon, il n'en avait pas eu la force ...

Il n'avait parlé de cette mélodie ni à Shaolan ni à Lujan. Il aurait pourtant pu leur rejouer s'il en avait eu le courage, mais c'était au dessus de ses moyens. Cette mélodie avait quelque chose d'inexplicable, mais qui pourtant était bien réel. Elle parlait à Légan. De quoi ? Même Légan l'ignorait ...

De toute façon, ça n'aurait servi à rien d'essayer d'expliquer la mélodie à Shaolan ou Lujan ... Ils n'auraient pas saisi, Légan était persuadé au fond de lui d'être le seul à la connaître ...

Alors, d'où lui venait cette mélodie ?

Légan avait peur de rejouer, il craignait que l'effet produit par la musique sur lui soit plus puissant encore que la dernière fois. Il avait déjà craqué si facilement avec ces quelques notes, alors il imaginait l'ampleur que pourrait avoir la répétition de cette musique ...

Seul, il était incapable de rejouer, et personne ne pouvait l'aider ... car personne ne connaissait la musique, et personne ne comprendrai l'impact de la mélodie sur Légan. Il était seul, face à lui même ...

Il paraît que la musique a le don d'apaiser les maux du coeur ... Cette musique là en tout cas fait tout le contraire. Elle rouvre certaines plaies du coeur de Légan, des plaies qui proviennent d'anciennes souffrances qu'il s'était juré d'oublier et de n'y plus penser, des plaies qu'il avait soigné, ou du moins, qu'il croyait avoir soigné.

Jouer cette mélodie encore une fois revenait à frapper à nouveau et avec plus de puissance sur ces blessures. Mais d'un autre côté, il savait, tout en ignorant pourquoi, que ce serait cette mélodie qui le ferait avancer, et tirer un trait définitivement sur ce mal qui le ronge de l'intérieur.