- Hey ! Mais traite-nous de soiffards tant que tu y es ! S'exclama Gaver à l'adresse de Faceo en riant.
- C'est pratique ce petit.. hum… sort, concéda Cathy, bien sûr elle ne soit pas férue de magie.

Au mieux les Humains avaient-ils des capacités psychiques améliorées, de ce qu'elle en savait, mais elle n'en avait jamais vu pratiquer la "vraie" magie comme l'Elfe des Lunes l'entendait.

- Mais pour être honnête, je ne bois quasiment pas. C'est de toute façon interdit pendant le serv… Quand on est de garde, vous voyez ? Alors je ne vais pas abuser, je n'ai pas votre recette de grand'mère pour éviter les drames !

Faceo s'absenta quelques minutes et tandis qu'ils discutaient à trois la clairière se vidait. Autant que leurs assiettes à dessert. La tarte était très réussie et Gaver en avait une part de plus, qu'il avait réservée pour la Reine.

- Merci, fit Cathy à Faceo qui était revenu, en prenant le citron. Cette bête est une calamité !

Elle espérait avoir l'occasion de viser juste, directement dans les petits yeux rouges de la bestiole, pour se venger de toutes les griffures qu'elle avait subies.
Mais il se faisait tard, l'après-midi avait filé.

- Je crois que nous allons nous reposer un peu. Au plaisir de vous revoir, Faceo ! Et bonne sieste sous les arbres !

Les trois amis se levèrent et prirent la direction du palais. Dakon et Cathy accusaient le coup du voyage et de la célébration. Gaver les retrouverait plus tard, après quelques heures de repos.

L'Elfe se dirigea vers les appartements de la Reine, une petite assiette de tarte à la main, et traversa le vestibule où le Scribe royal avait son bureau. Il ne comptait pas laisser à Darwor le temps de l'annoncer avant de pénétrer dans la suite privée mais le vieil Elfe le rabroua.

- Un moment Seigneur !
- Dites-moi seulement si elle est là, Darwor.
- Et si elle était en rendez-vous ? Voudriez-vous la déranger ?

Gaver marqua un temps de surprise, les sourcils haussés.

- Est-ce le cas ? répliqua-t-il.
- Non mais…
- Est-elle là ?
- Oui bien sûr mais…
- Alors pourquoi, par les doux astres du soir, nous faites-vous perdre notre temps ?!
- Mais je…

Gaver laissa Darwor en plan derrière son bureau et alla taper quelques coups secs à la porte de la suite. Sans attendre de réponse, il entra et referma derrière lui.
Le salon était vide mais dans la pénombre qui s'installait dans la pièce, Gaver vit des piles de parchemins sur le bureau de No'irin. Certains étaient déroulés et tenus à plat par des bibelots posés dessus. D'autres avaient été rangés rapidement, le papier spiralé sur le manche. La brise qui entrait par les portes-fenêtres en soulevait mollement quelques-uns.

- Litihn ?

Gaver rejoignit No'irin sur le balcon. Comme souvent au coucher du second Titan, No'irin prenait le frais, assise à moitié sur la balustrade de pierre, son dos appuyé à l'un de ses fins piliers qui la prolongeaient jusqu'au balcon d'au dessus.

- Tiens, fit-il en lui tendant l'assiette de tarte. Tu avais dit que tu reviendrais pour le dessert.
- C'est vrai… Excuse-moi. J'étais dans le courrier, je n'ai pas vu l'heure.
- C'est rien.

Gaver déposa un baiser fraternel sur le front de la Reine, puis s'assit à ses côtés. Il l'observa un moment, concentrée qu'elle était sur la découpe, à petits coups de fourchette, du gâteau qu'elle picorait sans grand faim.

- Tu as l'air fatigué, lui demanda-t-il doucement.
- Non… Juste un peu lasse, concéda-t-elle du bout des lèvres.

Une grande partie de la journée avait été longue et exécrable. Aussi s'était-elle réfugiée dans ses appartements, l'esprit occupé par les affaires de routine.
Elle était restée toutefois assez longtemps à l'inauguration pour donner le change. Il aurait été impensable de commettre quelque impair au protocole devant toute cette foule.
Mais pour être honnête, si elle voulait discuter avec Athéna, il suffisait qu'elle l'invite à boire le thé, comme cela arrivait de temps à autre. Tout le reste n'était que décorum et convivialité populaire, agréable certes, mais épuisante.

- Te joindras-tu à nous ce soir ? Tenta Gaver.
- Tu sais… Dakon est charmant. Mais vous discuterez plus librement sans moi.

Il y avait un fond de vérité, elle se sentirait un peu comme un cheveu sur la soupe durant la veillée des deux anciens frères d'armes.
Pour le reste, il n'était plus besoin de jouer les intrigantes. Anastase n'était plus là pour avoir un œil sur la rencontre entre le Chef rebelle et la Reine des Elfes, la représentation s'en trouvait terminée, faute de spectateurs.

- Je comprends, la rassura-t-il. Je suis content que tu aies vu Dakon. Et son amie. Tu as pu te faire une opinion sur eux par toi-même.
- Ce que tu m'en avais dit me suffisait, Gaver. J'ai confiance en ton jugement. Mais les croiser a été sympathique, je te l'accorde.

Gaver sentait pourtant que l'enthousiasme n'y était pas. Etait-ce simplement la fatigue ? Autre chose ? La Reine avait peut-être tout simplement envie d'être seule, mais il répugnait à la laisser ainsi.

- As-tu besoin de quelque chose ? demanda-t-il avant de prendre congé.

No'irin secoua la tête en signe de dénégation puis reprit :

- Nous aurons à discuter. De plusieurs sujets.

Son regard vola vers le salon où s'entassaient les parchemins.

- Des problèmes ?

No'irin répondit d'une petite moue. Des problèmes sûrement, encore fallait-il en déterminer l'importance. D'un mouvement de la main, elle les chassa de l'instant présent :

- Quand tes amis seront repartis. Nous avons un peu de temps.
- Très bien… Bonne nuit Litihn.
- Amusez-vous bien, lui souhaita-t-elle en souriant.

- La Reine ne recevra plus ce soir, précisa Gaver au Scribe quand il retourna dans le vestibule.
- Bien, Seigneur.
- Je repasserai plus tard.
- Mais vous venez de dire que...

Gaver se pinça l'arête du nez, en signe de renoncement.

- Oui, je sais je sais... Merci Darwor. Bonne soirée.