Legends of Olympia : La Ballade des Mémoires - Les Contes de Luminae
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Les Contes de Luminae
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Dernière réponse le 13/04/2011 à 23:30

hs Par Raksha  le 13/04/2011 à 23:30

Séléné et Adamant se paraient de leur plus belle robe pour éclairer cette nuit de la saison de l’Engourdissement. Leur clarté conjuguée transformait les longues étendues de sable bordant les ruines de Sigdil en un paysage onirique, le sable prenant une teinte lunaire tandis que les rares plantes semblaient jouer avec leurs ombres sous la haute surveillance des tours à moitié ensablées qui attestaient de la présence de l’ancienne cité rebelle. Au milieu de cette étendue désertique, deux sauvages se réchauffaient comme ils pouvaient.

: « C’est étrange, Hosl. Je suis là à contempler la cité fantôme de Sigdil et je ne peux m’empêcher de penser à notre premier foyer, lui aussi abandonné à présent… »

L’ermite comprit que le jeune sauvage était d’humeur nostalgique. Il avait fait de nombreuses allusions à son ancien passé lors de la journée.

: « Tu te souviens qu’à Luminae, il y avait de nombreux troubadours ? Ils racontaient toujours d’anciens contes extraordinaires… C’est dommage qu’il n’y en ait plus temps à Fernliae. Ce désert m’en rappelle d’ailleurs une… Tu t’en souviens, Hosl ? »

Le vieillard opina.

: « Celle du Faiseur de Mirage ? »

Raksha sourit avec ravissement en acquiesçant. Son sourire s’élargit encore plus quand le vieillard poursuivit.

: « En ce temps là,… »

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Les Contes de Luminae vous présentent :



Le Faiseur de Mirage

En ce temps-là, peu de personne osait troubler la tranquillité de la forêt des Ombres, le domaine des hommes sauvages. Les disciples de Gaia gardaient avec zèle l’ultime héritage de notre mère tandis que d’autres s’acclimataient de leur condition simiesque en virevoltant dans les hautes cimes des arbres. Il en était un cependant que la malédiction de Chronos ennuyait. Il se trouvait faible et redoutait chaque fois de tomber sur un prédateur qui n’hésiterait pas à faire de lui sa proie. Néanmoins, ce sauvage était particulièrement rusé et il comprit bien vite l’utilité de notre talent métamorphique pour imiter les voix et grognements des autres êtres de la forêt, un peu moins amicaux à notre égard. Il chercha à imposer son sens de la duperie à l’arcane du chant de Gaia et découvrit que, comme il pouvait en prenant son temps modifier son corps, la nature répondait à son appel lorsqu’il tentait de modifier son spectre lumineux. Son talent lui permettait au début de faire apparaître de petits feux follets dans l’air afin de détourner l’attention de quelqu’un mais, au fil des ans, se fut des illusions plus complexes qu’il parvint à maîtriser.

Un jour qu’il patrouillait vers le sud de la forêt, il reconnut le bruit régulier d’une hache s’enfonçant dans l’écorce d’un arbre. Un braconnier sévissait dans la forêt, sans doute un de ces petits êtres trapus qui vivaient dans la montagne méridionale. Ses frères avaient tendance à massacrer sans sommation ses impudents visiteurs pour leur faire payer le viol de leur sanctuaire mais l’illusionniste préférait user de son art pour faire fuir l’indésirable, non sans lui avoir fait connaître la frousse de sa vie. Il comptait ainsi renforcer les plus féroces légendes qu’on pouvait bien raconter sur la Forêt des Ombres dans le monde extérieur. Bien entendu, ça lui était arrivé de tuer par inadvertance des personnes avec ses illusions. Certaines de ces petites créatures trapues s’étranglaient dans leur barbe lorsqu’il les piégeait dans une illusion aquatique.

Arrivé sur les lieux du « crime », il se trouva face à un de ces êtres grands et robustes sauf que celui-là ne ressemblait pas à ceux qu’on pouvait croiser de temps à autres dans le nord-est de la forêt. Celui-là avait un teint cuivré, comme si on l’avait laissé trop longtemps sous les Titans et il portait un drôle d'accoutrement. Le sauvage l’observa un long moment tout en réfléchissant à quelle illusion il utiliserait aujourd’hui face à cet étranger qui semblait venir d’ailleurs.


: « Va pour le Monstre de Brumes ! »

Il commença à appeler la nature l’environnant pour la modifier autour de lui. Il était toujours plus facile de se fondre dans sa propre illusion pour la manipuler ensuite, même si c’était plus dangereux. Il se nappa ainsi de ténèbres aériennes qui le recouvraient comme une armure et son visage se transforma en un épouvantable facies figé dans l’écorce. Il modifia sa voix pour qu’elle émette un son guttural et commença à jouer avec les nerfs du braconnier. Celui-ci fut tout de suite aux aguets, vigilant, cherchant son tourmenteur du regard mais se refusant à abandonner son précieux butin en prenant ses jambes à son cou. Lorsqu’il apparut pour l’intimider, l’illusionniste se mit à émettre un rire d’outre-tombe comme si l’impudent tombait sous le joug d’une sombre malédiction liée à la forêt.



La réaction de l’olympien fut étrange. Il ne ressentait pas tant que ça la peur, il semblait cependant hésiter, plissant les yeux vers la forme obscure.

: « Je ne suis pas dupe, créature ! Tu n’es pas celle que tu parais »

L’illusionniste fut décontenancé. Il sentait que le braconnier était sincère et qu’il avait démasqué sa ruse. Son instinct lui disait à ce moment-là de fuir car une personne capable de discerner ses illusions ne pouvaient qu’être dangereuse mais ce fut la curiosité qui l’emporta. Il dissipa ses atours pour se montrer tel qu’il était. Il écarta les bras en signe d’apaisement.

: « Comment as-tu deviné ? »

L’étranger semblait hésitant sur la marche à suivre mais quelque chose de pur émanait de la voix de l’étrange créature de la forêt.

: « Là d’où je viens, le désert, nous devons toujours lutter pour discerner le réel du mensonge. C’est une question de vie ou de mort… et tu ressemblais tant à ce que nous appelons un mirage que je t’ai percé à jour. Ton tour est si imparfait par rapport à ce que nous pouvons vivre chez nous. Je suppose qu’en-dehors du désert, les illusions sont moins fortes… »

: « Qui produit ses mirages ? »

: « Le désert lui-même… », Hésitant un instant, « C’est comme s’il cherchait à se défendre par ses propres moyens. Me laisseras-tu partir avec ce bois ? Chez nous, il y en a si peu que nous devons parfois voyager loin pour en trouver et ne pas détériorer nos oasis »

Le sauvage répéta lentement les mots qui lui étaient inconnus il y a encore quelques instants : désert, mirage, oasis.

: « C’est le désert qui produit les mirages, c’est bien ça que tu me dis ? »

: « Oui, c’est bien ce que j’ai dit. Me laisseras-tu partir maintenant ? »

: , tiraillé entre des sentiments contraires : « Montre… Montre moi tes mirages et je te pardonnerais le fait d’avoir violé notre forêt », avant que l’olympien ne puisse ajouter un mot, « sans moi, tu risques de tomber sur mes frères qui sont loin d’être doté de la même clémence que moi »

Le braconnier réfléchit un instant à la proposition et acquiesça en silence. Il ramassa le bois coupé tandis que le sauvage caressa longuement l’arbre meurtri pour qu’il le pardonne et tout deux quittèrent la Forêt des Ombres.

Ce n’est que bien des années plus tard que notre peuple découvrit la fin de l’histoire, lorsque nous fûmes suffisamment courageux pour partir à la découverte d’Olympia et que nos troubadours rencontrèrent les héritiers du braconnier. Ils leur apprirent que l’illusionniste était bien parvenu dans le désert méridional, craintif au début car il était loin des ramures protectrices des arbres mais il s’était vite fasciné pour les mirages naissant dans les environs. C’était d’ailleurs étrange. Au début, c’était comme s’il voulait comprendre le phénomène. Ensuite, c’était comme s’il essayait de les dominer, de montrer qu’il était le plus puissant des deux et finalement, au moment de sa disparition, c’était comme s’il leur parlait, voir même comme s’il courtisait quelque chose à travers eux. Les descendants n’en savaient pas plus. Leur aïeul, qui s’était lié d’une amitié sincère avec le sauvage, leur racontait que son ami était parti la rejoindre une nuit. Quand il lui demandait qui, il répondait simplement :
« son amante, le désert »

Encore maintenant, lorsqu’on traverse le désert, on peut parfois apercevoir cette ombre lointaine, cet illusionniste que l’on appelait Yaacov.



Yaacov s’unissant au désert, sous le regard bienveillant de Séléné.

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: « Encore maintenant, lorsqu’on traverse le désert, on peut parfois apercevoir cette ombre lointaine, cet illusionniste que l’on appelait Yaacov. »

Tandis qu’il racontait son histoire, Hosl avait joué avec des lueurs fantomatiques, montrant que lui aussi était un disciple du père du semblant.

: « A l’époque, j’avais simplement compris que le désert n’était pas fait pour nous. Que ce sauvage était fou… »

: « … mais ce texte nous enseigne aussi que, même dans les terres les plus désolées, Gaia a laissé son empreinte »

Le jeune sauvage s’allongea alors, prêt à s’endormir, des rêves plein la tête alors que les dernières lueurs de l’ermite le berçaient de leur danse hypnotique.

: « Merci Hosl… je veux dire… de toujours veiller sur moi… »





Au loin, une silhouette d’air et de sable avait assisté à toute la scène. Elle sembla approuver et se dissipa, laissant les deux sauvages se reposer. Nul ne troublerait leur abri cette nuit.