Une fois de plus l'elfe se tenait au même endroit, ses vêtements agrémentés de magnifiques plumes noires.
Il parlait en faisant de grands gestes, contant son histoire d'une voix grave. Plusieurs enfants s'était naturellement regroupé autour de lui et l'écoutait en ouvrant de grands yeux avides, bouche bée, complètement absorbé par le récit.

Le Lac de l'Etoile
-----------------------

Vous connaissez sûrement ce nom, cette étendue d'eau douce à l'est de la Forêt des Cendre est alimentée par la Dryade qui coule depuis Zagnadar, mais savez d'où il lui vient ?


Il y a bien longtemps, alors que les Premiers-Nés étaient encore parmi nous et que le Loup avait encore ses deux yeux, la Forêt abritait nombre d'animaux fabuleux et parmi eux, un grand Daim Blanc.

C'était un animal à nul autre pareil, plus rusé que le plus rusé des renards, plus vif que le plus vif des serpents, plus fort que le plus fort des ours et plus rapide que le plus rapide des lièvres.
A peine aviez-vous pu apercevoir sa silhouette immaculée qu'il se dérobait à votre regard, d'un bond traversait la Dryade et disparaissait.

Évidement tous les elfes, des plus vaillants aux plus sages avaient tentés de s'arroger sa fourrure, mais rien n'y faisait, il évitait les pièges comme si il les avaient lui même posé, les plus féroces molosses finissait la gueule broyée sous ses sabots et aucun archer ne put jamais se vanter d'avoir pu ne serait-ce que tirer une flèche dans sa direction.

L'Animal refusait même de s'incliner ou ne serait-ce que parler devant le chaman du Cerf, ni un esprit de la forêt, ni un animal , ce ne pouvait être qu'un Dieu qui se riait des elfes.

Le bruit finit par courir qu'il s'agissait de la Déesse Artémis en personne parcourant les bois.


Appolon sur son char, ne manqua pas d'entendre les paroles des sylvains et les rapporta sans tarder à sa sœur, aussi étrangère à cette affaire que le feu à la neige.
Il lui promit de lui ramener les bois de la bête mais celle-ci refusa et choisit de s'occuper elle-même de l'animal, car si celui-ci était à la hauteur de sa réputation, seule la Déesse Chasseresse était digne de l'abattre.
Furieux de voir son aide ainsi écartée par sa propre sœur, et ses talents de chasseur ainsi ignorés, il descendit de l'olympe et alla se pencher sur un elfe endormi du nom d'Hygin. Prenant sa voix la plus mielleuse, il le réveilla et lui proposa de partager un secret qui lui apporterait gloire et reconnaissance parmi les siens. Séduit par ses artifices, le naïf accepta et Apollon lui révéla l'endroit où la nuit s'abreuvait le Grand Daim en lui recommandant de se cacher là avec son arc.

Toute la journée, la Déesse donna la chasse au cerf albinos avec ses suivantes et ses chiens, ne lui laissant aucun répit mais jamais elle ne parvint à le blesser.

Durant le jour, par trois fois un corbeau vint voir l'elfe qui se tapissait dans les fourrées, lui apportant tour à tour : un poisson mort, une grive blessée et une flèche brisée . Chaque fois, l'elfe ignora les signes funestes de son totem et le chassât avec des pierres.


Et lorsque les Titans se levèrent, le daim épuisé apparut entouré d'une lueur diaphane, et se pencha sur l'onde pour étancher sa soif. Mais il ne put jamais goûter à sa fraicheur car une flèche lui perça la gorge de part en part.
Le cri d'agonie fût si bruyant qu'il retentit dans toute la forêt, guidant la déesse vers sa proie mais lorsqu'elle parut dans la clairière avec sa troupe, le daim avait déjà rendu son dernier souffle et l'elfe penché sur lui s'apprêtait à prendre ses bois.

Selon les lois de la Chasse, le gibier était sien, et même une déesse ne pouvait le contester. Mais Artémis était fière, elle ne pouvait retourner sur l'olympe sans la dépouille de son adversaire ou son frère ne manquerait pas de lui rappeler sa défaite.
Aussi, pareille à son frère, elle tenta de séduire le jeune chasseur et lui susurra à l'oreille :
"Donne moi ta chasse et à mon tour je te donnerai un trophée à nul autre pareil, surpassant tout ce qu'un mortel pourrait jamais chasser."


Encore ivre de sa gloire, il acceptât sans réfléchir.
La Déesse banda alors son arc, et sans un bruit décocha une flèche qui fusa vers la voûte céleste. Le trait disparu dans le néant, et une lumière éclata subitement puis une étoile tomba à la vitesse d'un faucon pour s'abîmer au milieu du lac.

Devant le prodige, l'elfe se jeta à l'eau en oubliant toute prudence, laissant à la déesse la carcasse blanche.
Toute la nuit durant, et tout le jour suivant, et la nuit encore après, l'elfe chercha désespérément le trophée promis.
Sans dormir ni manger, il plongea encore et encore dans l'eau froide sans jamais l'atteindre, jusqu'à ce qu'à bout de forces les flots l'avalent sans cérémonie.

Encore aujourd'hui certaine nuit, on peut voir au fond du Lac une étrange lueur, celle du Trophée d'Hygin mais prenez garde car si on la fixe trop longtemps, elle vous envoûte et vous attire vers les profondeurs.


La morale est qu'un bien sûr vaut mieux qu'un autre meilleur mais incertain.
De plus, il faut toujours suivre le signes des Esprits et se méfier des Dieux.