Bernic n’avait jamais vraiment fait l’expérience de l’enfer. Les barrières qu’il avait lui même construites pour se protéger de cette violence, de la douleur de voir la terreur apparaître dans les yeux de ses amis lorsqu’ils le voyaient approcher l’avaient empêché d’avoir pleinement conscience de ce qui se passait pendant toutes ces années. Tous ces géants et ces nains qu’il connaissait depuis longtemps, même Teträm, Faust et Hagen Daas, tous avaient eu la même réaction en le voyant où plutôt en voyant son corps. Il avait vu leurs regards se diriger vers lui puis s’assombrir. Petit à petit, au gré des rencontres sur les champs de bataille la peur se transformait en colère, en rage, en haine.

Bernic tremblait à l’idée qu’un de ces amis puisse encore le regarder de cette façon maintenant que le spectre était mort. Le verraient-ils encore comme un monstre ou devieneraient-ils le géant meurtri qui se cachait dans ce corps ?

Il vit le couloir et hâta le pas. Quelques minutes plus tard il marchait dans Zagnadar. Que la ville avait changé ! ! Cette cité, hâvre de paix pour les géants avait été transformée en citadelle. Des tours défendaient maintenant la ville, ses portes étaient gardées et surtout quelle odeur ! ! La pourriture des spectres était partout. Ils avaient disparût depuis quelques temps déjà mais leur puanteur imprégnait les murs, l’air, la terre, l’eau. A tel point que les occupants actuels de Zagnadar étaient obligé d’aller chercher de l’eau dans les montagnes en attendant que les puits soient nettoyés. Des dizaines de géants qu’il ne connaissait pas travaillaient autour de lui à la reconstruction. Les marteaux et les scies avaient remplacé les arcs et les hâches...

Bernic errait à travers la ville en essayant de retrouver les lieux où il avait vécu, où il avait été heureux. Partout où il passait, les géants détournaient les yeux ; lorsqu’il s’approchait d’un groupe, les conversations cessaient et les géants se dispersaient. La peur était encore partout...
Soudain, le cœur meurtri du géant se souleva de bonheur et de soulagement. Là ! Enfin ! Il se souvenait de cette colline, il y venait souvent avec Einrich et Philkas pour observer le coucher du soleil autour d’un tonneau de rhum.
Il vit une silhouette assise au sommet et remplit d’espoir accélera le pas. Voyant le géant se lever et s’éloigner, il se mit à courir. Il gravit la colline plus vite qu’il ne l’avait jamais fait, mais, arrivé au sommet, il n’y avait déjà plus personne. Pourtant, il était certain d’avoir reconnu la silhouette de Philkas. Se pourrait-il qu’il ait lui aussi survécu ?
Retrouvait-il un jour ses amis ? Ou avaient-ils tous, comme Einrich, succombé à l’emprise des spectres ?

Du haut de la colline il vit le bâtiment qui abritait la salle du conseil et les salles réservées aux différents éléments. Philkas était peut-être retourné là-bas...
Il pénètra dans le bâtiment, un des seuls qui avait été nettoyé des immondices laissées par les spectres, en passant devant la salle du conseil il entendit des voix. Il entra et vit un jeune géant debout devant beaucoup d’autres. Il présentait à la foule un géant. Delem Samor... Bernic l’avait rencontré une ou deux fois dans le passé. C’est alors que quelqu’un s’apperçut de sa présence. Petit à petit les chuchotement se turent et tous se tournèrent vers lui. Le géant qui présidait l’assemblé le dévisagea puis se présenta :

-Bonjour à toi, je suis Korndürr, je suis le nouveau Gardien Sacré
-Et Mastok ? Il n’a pas réussi à reprendre contrôle de son corps ? Où est-il ?
-Mastok est mort. Il n’a pas survécu à la mort de Guerre.

Une larme perla au coin de l’œil de Bernic. Mastok, non, pas toi...
- Et les autres ? Que sont-ils devenu ?

Ce fût Delem Samor qui répondit :

-Haplo et Nixxa sont morts des suites de l’emprise des spectres qui les habitaient mais la plupart des anciens membres de l’AGIR sont encore en vie, certains dans un état critique. Des Gardiens il ne reste donc plus que Kal Su mais il a perdu tout pouvoir. D’autres Gardiens ont été élus par les éléments. Déflagrator est le nouveau Gardien de l’Eau, Memnarch le Gardien de la Terre, Arngrim celui du feu et moi je suis le Gardien de l’Air.

Bernic resta un instant assommé. Trop de révélations en une seule fois. Il avait perdu ses repères, il était complètement désemparé.

- Si vous avez besoin de moi, envoyez moi chercher, je vais pleurer mes amis perdus et essayer de retrouver les vivants...

Il sortit de la salle lourdement, comme un vieillard...


Edit by le Nain blagueur : j'ai ajouté le nom du gardien du feu, ça fait plus classe