Le chemin... | |
Topic visité 51 fois Dernière réponse le 04/02/2005 à 20:28 |
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Les nuages de Lardanium se pâmèrent d’un teint pâle, puis exsangue et finalement noirâtre alors que, dans un furieux claquement semblable à celui d’un fouet, la foudre s’abattit subitement sur Raziel, répandant une désagréable odeur d’ozone et de chair grillée. Contemplant ses blessures profondes, ravivées par la pluie ininterrompue s'abattant sur sa cité, le vampire essayait désespérément de masquer un désespoir insidieux. Ses yeux cherchaient un point de fuite, semblaient perdus dans une lande de doutes et d'incompréhensions. Il ne devait pas faillir, opposer son corps comme un frêle rempart à la puissance démesurée d’elfes puissants. Mais sa force morale s'amenuisait au gré des coups encaissés. Amas de pensées vivaces et combatives, seul son esprit tenait encore à la vie. Il périt soudainement, sans appréhension.
Sa vie certes le quitta, mais avant de mourir, il eut un fugace aperçu de son assassin, le nain Kidini, un ennemi qu’il aurait aimé combattre… Puis ses paupières s’écroulèrent sur ses yeux couleur de feu, une éclipse passa sur les deux soleils et les oblitéra définitivement. Quand il put se targuer de pouvoir voir à nouveau, le décor avait changé. Il était dans une vaste plaine qui s’enfonçait dans un brouillard profond. Le paysage était éclairé par une lumière fade qui semblait provenir de partout et de nulle part, avec une intensité égale, si bien qu’il n’y avait ni ombres ni lumière véritables et tout avait la même couleur terne. Les limbes, macabre royaume d’Hadès. Raziel prit pied sur ce qui apparaissait comme un sol sablonneux, se levant énergiquement, entraînant dans son sillage son épée. Plus de temps à perdre. Lardanium allait être envahi, il devait y aller pour protéger femmes et enfants, proches et aimée. Il entama une furieuse course mais il fut brutalement tirée en arrière par une force si violente qu’il fut fauché dans son élan, s’étalant de tout son long sur le sol des limbes. Son regard fut attiré par son épée qui pulsait comme un soleil noir, flottant loin du sol, comme soumis à quelque force mystérieuse. La lame semblait luire dans ce monde insipide, un tourbillon de nuages teintés semblaient affleurer à la surface du métal : violets, bleus, ocres, gris et d’un vert profond comme la voûte des arbres touffus. L’épée semblait être à la merci d’une puissante magie ou était-ce enfin cette maturité prophétique que Crovax avait énoncé qui devenait soudainement réalité. Les deux tranchants n’étaient pas identiques. L’un des deux possédait l’éclat étincelant du métal, avant de se fondre dans les reflets irisés de la lame, mais l’on devinait un acier d’une incomparable dureté. L’autre tranchant, tout aussi affilé, était de couleur argentée. Comme happé par sa puissance, la main trouva le manche de l’arme, dentelé et manufacturé de façon telle qu’il facilitait l’emprise de la lame et assujettissait le contrôle de l’épée. L’arme commença à tracer des sillons larges et puissants à travers l’air spongieux des limbes, le faisant même trembloter, cherchant, cherchant encore une cible invisible. Soudain Raziel le sentit, comme un accroc dans l’étoffe du monde, une fenêtre sur un autre plan. Féar’Kanor. Car il en était sûr. Cette lame nuageuse et sombre avait décelé la faille dans le plan de Crovax le Premier Olympien. Celui qui avait été banni par les dieux pour sa soif de pouvoir il y a des siècles de cela. Celui dont l’existence avait été narrée dans des contes pour enfants. Avec la transformation de l’épée, quelque partie enfouie de son enfance était revenu à la surface de sa mémoire. Il connaissait maintenant tout de lui. Tout fils de paysan connaissait l’histoire de l’Olympien déchu. Il avait été le premier crée par les Dieux, celui dont la puissance et l’intelligence auraient du conseiller les autres olympiens, il était plus proche des Dieux que des mortels en vérité. C’était sa mission et Crovax se battait pour le mener à bien avec une loyauté rarement égalée. Il tenait à son rôle de « Surveillant des Olympiens » très à cœur et il en était fier. Cependant, chaque olympien était un échec, et petit à petit, il avait perdu patience. Ils n’égaleraient jamais les elfes « fils des Titans. » Pourquoi ces « étrangers » se voyaient-ils offrir les faveurs divines ? N’était-il pas mieux préparé pour devenir un chef ? Ces questions ne furent d’abord que des plaisanteries, mais chaque échec les rendait plus cruciales. Cependant, Crovax ne montrait pas qu’il commençait à douter. Il n’osait pas, il serait tombé en disgrâce. Et les siècles passèrent. Son désir de satisfaire les Dieux de l’Olympe devint insatiable et il fut encore plus vicieux que nécessaire. En secret, il nourrissait le dessein de renverser ses maîtres dans le seul but de mieux les servir. Mais ses doutes et ses intentions cachées le poussèrent à fauter. Pendant l’une des ses missions, il faillit et fut banni sur un plan crée par les Dieux qui avait comprit quel danger il représentait pour les Olympiens et eux-même. Crovax était un être d’une intelligence supérieure et d’une magie qui dépassait le simple commun des mortels. Aucune barrière, même divine ne pourrait le retenir éternellement. Mais il était logique. Les dieux ne créèrent aucune barrière, la porte resta perpétuellement ouverte. Et malgré tous ses efforts, Crovax ne pourrait jamais la trouver car il ne soupçonnait même pas l’existence d’une porte sans clôture. Il cherchait désespérément cette porte. Combien de fois était-il passé et repassé si près de cette porte ? Quelle mordante ironie, songea Raziel à ce moment. Il était aller quérir tous les érudits, tous les plus grands savants alors que le savoir se trouvait chez ceux qui ne le possédait pas encore…. Dans un sens, il était bien le digne « héritier » de Crovax. Trêve de plaisanteries cependant. Le temps était compté. Raziel avait depuis longtemps compris que s’il ne réglait pas ses comptes avec Crovax maintenant, il ne le pourrait plus jamais. Il se tut, et s’agrippa à la lame. Il laissa son âme fluctuer de son épaule à son bras, de son bras à sa main, de sa main au rebord ciselé de la lame qui brillait comme un croissant de lune dans la mer grisâtre des limbes. Il sonda l’ouverture et commença à la dilater. C’était comme chercher un minuscule espace entre deux points de suture dans le seul but de l’élargir. Il sentait déjà l’air frais et marin de Féar’Kanor lui titiller les narines, et il se rappela que ce lieu était un domaine flottant au-dessus de la mer. Sans plus d’hésitation, il y plongea et fut happé par l’existence même du plan………… |
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Le ciel bleuté, à présent dégagé, laissait voir un croissant de lune et quelques piètres étoiles dont l’éclat hésitant caressait avec peine Féar’Kanor et ses alentours. A la lueur ternie de Séléné, presque invisible dans la tourmente hivernale, accroché à la falaise telle une statue de bronze, Crovax veillait. Les lourds flocons qui tombaient en tourbillons furieux depuis le crépuscule le recouvraient jusqu’aux épaules, les vents glacés qui soulevaient et dispersaient la neige tombée de frais ne semblaient pas l’incommoder. Il ne craignait pour ainsi dire plus le froid. La nuit est déjà arrivée, les rares serviteurs encore debout s’en allaient quérir le sommeil dans leurs couches, mais toujours il demeurait, faisant face aux tourmentes hivernales. Là-haut, les reliquats de la tempête s’effilochaient, poussées par les vents d’altitudes en longs lambeaux brumeux.
De son perchoir, situé dans l’arrière cour, il entendit distinctement les cloches de la demeure proche sonner minuit. Qu’importe, les heures n’étaient pour lui que des esquisses de secondes, lui qui avaient passé des millénaires dans l’attente. L’attente de quoi exactement ? De quelqu’un qui viendrait le libérer de sa solitude morbide et de ce « domaine » répugnant. Mais pour l’instant cette personne n’arrivait pas. Il ne viendrait probablement plus, l’heure était trop avancée. Crovax secoua la tête, ses long cheveux bruns ondulant dans l’air, son regard noir et insondable s’assombrit un peu plus. L’armure et le glaive qu’il le paraît ne lui servirait pas aujourd’hui. Il se pivota soudainement et dans un claquement de talons s’apprêta à rentrer « chez lui ». Il se figea, visiblement étonné. Raziel se tenait à la lisière de l’arrière cour, comme jailli de nulle part. Même Crovax ne l’avait pas vu arriver. Silencieux, il n’essayait ni de se dissimuler ni de cacher la large épée qui reposait sur son épaule. Il attendait que son ennemi remarque sa présence, s’interdisant toute précipitation. Son maintien, sa manière d’observer la scène qui se déroulait sous ses yeux avec une totale indifférence rappela à Crovax combien ils se ressemblaient. Oui, Ténèbre avait fait là un fantastique travail. _ Raziel ! Quelle coïncidence je pensais justement à toi. Avec une lenteur délibérée, Raziel le toisa du sommet de son crâne emmitouflé de neige jusqu’au bas de sa cape qui claquait dans l’air comme un serpent affolé. - Tu m’as dit de venir. Je suis là, répondit-il sans la moindre nuance dans son ton parfaitement neutre. - Ah oui c’est vrai. Toujours aussi obtu et concentré sur ta tâche n’est-ce pas ? Il secoua la tête en gloussant. Raziel lui hocha la tête, comme s’il venait de confirmer ce qu’il pensait de lui. Il laissa son arme couler de son épaule comme une mer d’acier nuageuse, la manipulant avec aisance. - Je t’écoute. - Ton épée a déjà mué à ce que je vois. Je ne t’attendais pas si tôt ; Tu te sens à l’aise ici ? Il parlait sur le ton de la conversation, comme le ferait un homme à un vieil ami qu’il n’avait guère vu depuis longtemps. - Il fait froid, répondit Raziel négligemment. - Oh, il est vrai que vous autres… - Finissons en, trancha le vampire d’un ton sec. Comme tu le sais je n’ai pas de temps à perdre, Lardanium est actuellement soumise à un déluge de forces dont elle ne peut résister. Il ramena son épée devant lui dans un mouvement fluide, lame pointée face à l’ennemie, à l’horizontale. Ses yeux virèrent de l’orange au noir le plus profond. Des boucliers se dressèrent entre lui et ses émotions, froids et opaques. Il n’y avait plus rien de juvénile en lui, plus rien de vulnérable. - Finissons en, acheva-t-il. Crovax ne dit mot. Il se contenta de lever la main, paume ouverte vers le ciel. Un assemblage hétéroclite de couleurs frémit entre ses mains et le rayon percuta les nuages de plein fouet. Le temps se mit à changer. Pas immédiatement, mais progressivement. La neige arrêtait de tomber, le vent se faisait plus clément. Raziel constata que celui qui avait probablement la force d’un demi-dieu était enfin redevenu sérieux. Son ennemi dégaina son glaive, jusque là au repos dans une encoignure de son armure dorée. L’arme revêtait la même parure ombrageuse que sa propre épée, mais elle était plus courte. Elle ne semblait ni trop légère, ni trop lourde, un parfait équilibre entre précision, puissance et rapidité. - Cette lame fut forgé par les Dieux et me fut personnellement remise, expliqua Crovax d’un ton neutre. Le silence régna un moment , aussi froid que la neige tombée de frais, aussi glacial qu’une brume qui se répand. Crovax avait adopté la posture générale des soldats. Lame dressée vers le haut, bras gauche replié brandissant un bouclier invisible. Les deux adversaires se fixaient, ivres d’une même appréhension et d’une même volonté d’en découdre, de se jeter l’un sur l’autre afin de mourir sur l’autel d’un combat brutal, animal et honorifique. - Lardanium est perdue. Quoique tu fasses tu ne pourras changer cette vérité. Elle mourra elle aussi. Puisse sa mort guider ta lame jusqu’au confins de ma gorge. Il récitait comme l’on récitait une prière, et Raziel savait la portée prophétique qu’apportait ses paroles, il ne songeait qu’à les oublier à ce moment mais elles résonnaient à l’intérieur de ses veines avec violence, comme cette soif rouge qui l’emplissait une fois le soir venu. Une froide lumière hivernale embrassa le champ de bataille enténébré, repoussant les ombres de ce qui s’annonçait déjà comme le plus grand des chaos. Au moment même où ils furent baignés par cette clarté diurne, les adversaires s’élancèrent. Galvanisé par sa volonté d’en finir au plus vite, Raziel attaqua avec puissance. Il poussa l’avantage, portant une série de frappes qui acculèrent Crovax dans ses derniers retranchements. Aux coups de taille succédaient les coups d’estoc ; aux feintes succédaient les ripostes et les contre-ripostes. Soudain, il croisa les jambes, genou gauche fléchi vers l’extérieur, le droit s’encastrant dans le creux ainsi formé afin d’assurer un équilibre que les non initiés trouveraient précaires. La lame s’envola avec une puissance rare, transcendée par un mouvement brusque du bassin. Le coup circulaire porta au coté droit de la nuque. La lame de Crovax surgit alors, déviant le coup sans le repousser. Ceci, Raziel l’avait prévu. Pivotant sur son appui avec souplesse, il déroula sa jambe droite et étendit son tibia jusqu’à la mâchoire de son adversaire. Crovax accueillit le coup en pleine bouche, du sang jaillit du plus profond de sa gorge et bruina le sol couvert d’une fine pellicule blanche. Crovax recula céans et porta une main à sa bouche, stupéfié. - Tu avais oublié ce qu’était la douleur, n’est ce pas ? ironisa Raziel. Ivre de rage, Crovax fondit sur lui et la bataille reprit de plus belle, encore plus brutale et sauvage. Le vampire avait gagné un point oui, mais pour combien de temps ? Les lames virevoltaient, se cherchaient, se trouvaient, s’entrechoquaient dans un bruit de ferraille. Crovax pris de fureur attaquait encore et encore, à s’en démettre l’épaule. Raziel paraît en rompant sur quelques pas. Crovax rompit quelques unes de ses ripostes avant de se fendre soudain. Raziel s’effaça de profil en creusant le ventre, saisit son adversaire au poignet et, profitant qu’il trébuchait, l’obligea à continuer sur sa lancée. Au passage il lui lacéra le flanc. Jusque là, Crovax et Raziel avaient échangé des coups d’une telle violence, d’une telle précision que leur combat avait ressemblé à une sorte de ballet de la mort. Où les forces étaient équilibrées. Mais à ce moment, le vampire semblait prendre le dessus. Le rapport de force avait basculé d’un côté. Mais alors qu’il repartait à l’assaut, il se passa une chose surprenante. Crovax sourit. Il attaqua soudainement et Raziel rompit le coup en catastrophe, et para plusieurs fois avant de se désengager. Le premier des Olympiens bougeaient de façon rythmée, pareille à une course. Il piétina un peu le sol avant de se ruer sur son adversaire avec une puissance inhumaine. La force de ses attaques n’avaient d’égales que la rapidité terrifiante dont il faisait preuve. A plusieurs reprises, le bras, la jambe et le flanc du vampire furent touchés. Crovax s’avança encore et fouetta l’air devant Raziel jusqu’à ce qu’il se retrouve dos au mur. Le vampire tenta de riposter mais sa lame fut balayée par le glaive divin. Il fit mine de découvrir un espace au niveau de son épaule et, comme l’autre donnait dans le piège, il roula sur le côté afin d’éviter un coup si puissant que le roc se fendit. - Les forces te manquent, Garde Impérial. Raziel recula un peu, pantelant et faible. La lourdeur de son arme lui pesait un peu plus maintenant qu’il n’avait pas les réserves suffisantes pour la maintenir haute. Le combat reprit, ainsi que les sons des armes s’emmêlant, encore et encore à travers l’arrière-cour immaculée. Au terme de l’assaut, Crovax saisit son glaive de deux mains et l’abattit comme un bourreau vise une nuque sur un billot. Raziel interposa sa lame. Le choc fut rude mais il l’accueillit en tentant son épée à deux mains. Crovax pressait son glaive sur son arme, gagnant centimètre après centimètre dans ce duel où leurs deux forces rivalisaient. Soudain, il lâcha complètement son glaive afin de mieux le récupérer. L’arme privée de son porteur tomba mais Crovax fut rapide à la récupérer et à taillader sans pitié le ventre du vampire. Raziel surpris par la manœuvre ne put se garantir d’un coup d’épaule porté au sternum. Trois côtes explosèrent sous l’impact et Raziel fut renversé. Il essaya de se relever de suite mais il ne put que ramper pitoyablement sous ses genoux lorsqu’il sentit la pointe de la lame de son ennemi posée sur sa gorge. C’était fini. - Tu fus un valeureux adversaire, conclut Crovax amusé. L’homme soudain leva l’épée et s’apprêta à le décapiter. ... |
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bien bien! |