L’aurore se lève sur Olympia. De timides rayons s’étirent paresseusement jusqu’à la Forêt des Cendres où les premiers chants d’oiseaux percent déjà le silence de la nuit. C’est là, au cœur de ces bois, que réside l’ancestral peuple des elfes. Na’helli, cité des arbres, commence à rutiler sous l’épaisse canopée tandis qu’une à une les somptueuses demeures s’illuminent, frappées de l’éclat des deux Titans. Au centre de la ville, dans le plus noble des quartiers, se dresse un grand frêne noir complètement nu. Entre ses branches calcinées repose une fragile cabane stabilisée avec peine, que le vent fouette dans de lugubres grincements. Doucement, la lumière s’infiltre à travers le mince rideau de fibres tressées et vient caresser le visage de l’elfe endormie. Elle cligne des yeux, remue la tête en laissant échapper quelques murmures incohérents, puis repousse le drap de coton aux teintes grisâtres et s’étire longuement.

« Que… quel jour on est déjà ? »

Elle se lève, une cascade de cheveux nacrés déferlant immédiatement sur ses épaules osseuses, et s’approche de l’unique fenêtre, un sourire narquois aux lèvres. Tout en se coiffant négligemment , elle observe la large rue pavée qui se peuple petit à petit.

« C’est ça, allez œuvrer pour la "grandeur de Na’helli"… La sagesse des nobles est tellement indispensable… »

Après un soupir désabusé, elle se laisse tomber sur un tas de tissus fripés faisant office de fauteuil et se prend la tête dans les mains, songeuse… Depuis combien de temps n’est-elle pas sortie ? Elle-même ne se le rappelle plus. A rester cloîtrée l’elfe sait qu’elle commence à perdre la notion du temps. Et puis vivre totalement seule, ce n’est pas sain. Avant, il y avait Luvia… avant… mais sa sœur ne reviendra pas. Elle cherche à se remémorer la dernière visite de ses cousins. C’était il n’y a pas si longtemps, mais voir de la famille ne lui suffit pas. Il lui faut de nouveaux visages… Il lui faut de l’air aussi, une elfe ne saurait vivre enfermée infiniment, et surtout pas une elfe comme elle… Et puis…

« J’ai un défi à relever bon sang ! Allez ma vieille, tu t’es jurée de récupérer ta fortune… Tu t’es jurée de t’immiscer dans les hautes sphères… Faut p’têtre te lancer un jour, sinon… »

Résolue, elle se remet debout et ouvre en grand son armoire délabrée. A l’intérieur, rien que deux vêtements. Une longue robe de soie rose aux immenses manches, ornée de deux traînées de spirales argentées s’entrecroisant savamment pour mettre en valeur les formes de sa porteuse… et à coté, une armure. Une armure elfique ordinaire, sombre et désagréablement moulante. Il ne lui faut que quelques secondes d’hésitation avant de refermer sa main sur le cuir noir. Une fois vêtue, l’elfe avise le coin de sa cabane où sont appuyés contre le mur une vieille épée rentrée dans son fourreau et un énorme pic métallique assorti au reste de son équipement. Elle accroche le fourreau dans son dos et enfile le pic à son bras droit, puis d’un pas lent elle sort. Du haut de son perchoir, elle balaye une nouvelle fois la cité du regard, avalant sa salive de plus en plus douloureusement. Pas question de reculer. Elle descend le long de la liane, pose un pied à terre, puis l’autre…

« Héhéhé… tremblez elfes, Sylia Leïthael est de retour ! »

hrp// Elle est pas un peu courte ta chro . J'attendrai un supplément pour te féliciter ^^.

On en veut plus. On en veut plus !!!

*donne un coupon anti-lapidation à Sylia comme récompense*

court mais vraiment sympas

Trés bien !

Vivement la suite Sylia (je connais déjà un passae ! ) !

HRP : Mirchi, surtout Necrid... snif... on ne m'avait jamais fait de si belle récompense


L’elfe arpentait les ruelles les yeux luisants, hésitant encore entre émerveillement naïf et mépris amusé. Aucun doute, sa ville était belle, magnifique même… mais tellement… noble ! Tout ne lui semblait qu’orgueilleux étalage de richesses, comme si les grandes familles elfiques s’étaient livrées à une sorte de compétition inavouée pour savoir laquelle avait le plus de prestige à extérioriser. Pourtant, en dépit de cette pensée dérangeante, elle se laissait malgré elle captiver par les grandes arches resplendissantes surplombant les vastes jardins multicolores, par les mille reflets qu’offraient les pierres polies des luxueuses bâtisses, par les douces mélopées qui s’échappaient des salons aux fenêtres entrebâillées… Elle ferma un instant les yeux, légèrement honteuse. Et puis après tout, pourquoi résister ? Oui, Na’helli était belle…

« Comme un cristal… Ça ne durera pas éternellement et un jour tout se brisera. J’espère juste être là pour applaudir votre chute de tout en haut. »

L’esprit quelque peu ailleurs, elle continua sa marche, toujours sans savoir où elle allait. Les maisons devenaient de plus en plus simples et les rues de plus en plus encombrées. Des cris retentissaient, de plus en plus proches, de plus en plus irrités…

« Mais reste pas là ahuri ! Tu bloques le passage à tout le monde !
_ Ouais, ben c’est bon, pouvez attendre un peu non ?
_ Non, dégage !
_ Messieurs, ayez l’obligeance de vous décaler hors de l’avenue pour régler vos différents…
_ On t’a sonné toi ?
_ J‘ai du travail au chantier moi ! Z’allez nous laisser passer, oui ? »

Un attroupement bruyant commençait à se former autour de deux elfes visiblement furieux. Chacun y allant de son petit commentaire contrarié sur les "gêneurs qui bouchent toute la circulation", on n’entendit bientôt plus qu’un brouhaha de protestations incompréhensibles. Sylia sentit sa tête lui tourner. Elle n’aimait pas la foule. Et les elfes convergeaient de partout, se resserrant inexorablement autour d’elle…

« Rhaaa, de l’air ! Barrez-vous je veux partir d’ici !
_ Aïe ! Mon pied ! Non mais faites attention où vous marchez !
_ BARRE-TOI JE TE DIS ! »

Elle leva son pic, menaçante. Indigné mais impuissant, l’elfe au pied endolori fut contraint de reculer, bousculant au passage trois ou quatre de ses congénères qui le bombardèrent allègrement de jurons bien sentis. Sylia, le pic aidant, se fraya ainsi un chemin à contre sens et s’engouffra dans la première rue périphérique. Elle déboucha sur une petite place quasiment déserte. Soupirant d’aise, elle se laissa tomber sur un banc et resta de longues minutes à reprendre un rythme de respiration convenable… Jusqu’à ce qu’une main se pose tendrement sur son épaule…

« Je recherche l’amour de ma vie, l’auriez-vous vue ? Ou mieux, est-ce vous ? Accepteriez-vous de prendre un verre avec moi ? »

L’elfe a qui appartenait la main la fixait avec de grands yeux brillants, comme si sa vie allait dépendre de la réponse… "Jamais vu de ma vie ce guignol… qu’est-ce qu’il me veut ?" Elle se leva, repoussant l’inconnu avec méfiance.

« Euuuh… tu te sens bien ? Là j’ai vraiment pas le temps, je dois sortir de la cité… trop de monde par ici… Salut ! »

Et sans attendre la réponse, elle s’éclipsa en se retenant de courir avec peine.

« Et ben elle commence fort, ma réadaptation ! Pfff… »

Elle leva son regard vers les Titans pour repérer le Sud et prendre sa direction. Dans ses souvenirs, la porte Sud était la plus jolie, mais elle ne se rappelait plus très bien… l’occasion rêvée de vérifier, puisque de toute façon elle voulait sortir. Avançant toujours tout droit, elle traversa de minuscules ruelles rapetissant au fur et à mesure, pour finir par se retrouver devant un grand mur lisse.

« Loupé… Bon, c’est par où ? »

L’elfe revint sombrement sur ses pas. L’air de Na’helli avait désormais quelque chose d’oppressant. Sortir… Porte Sud… Elle tourna au hasard et se mit à accélérer. Sortir… Elle dépassa à vive allure une immense tour bleutée, tourna à nouveau, puis encore une fois… Sylia courait à perdre haleine, un profond agacement la gagnant peu à peu. Il fut porté à son comble lorsqu’elle retrouva la petite place d’où elle était partie…

« C’est pas vrai, c’est un cauchemar ! »

Un horrible grincement la fit sursauter alors qu’elle s’apprêtait à se réfondrer sur le banc. Le vent faisait crisser une vieille enseigne de bois suspendue à quelques mètres de sa tête. Taverne.

« Boh… après tout… »

Elle retira son pic pour l’accrocher dans son dos à côté de l’épée, et poussa la porte de l’établissement…

Encore mieux que la première !

Par contre , on peut dire que tu as eu de la chance de te faire remarquer par ce magnifique elfe !

Des interressées sinon ?!!

Continue ainsi !

hrp// Moi qui te félicitais et paf tu me traites de Necrid...

*part se lapider*

Très bien aussi pour cette partie. J'ai hâte de voir la suite. En espérant qu'elle parle si possible de mon auguste personne. (peu probable vu où je suis ^^).

Continue et fais plus long.

hrp// Je te propose une aide à la lapidation Kyrion... c'est dur de s'auto lapider .

Sylia continue ainsi j'aime beaucoup. Vite, la suite..

HRP/*lapide Sylia*

Niark niark niaaaark. Toutes mes ficelles de caleçon, jeune Leïthael^^.

*part trouver une moyen d'upper sa propre chro avec style et finesse*

/HRP

HRP: *cachée sous un bouclier pour parrer les éventuelles pierres* Oui je sais, elle est trop courte la chro


C’était une pièce circulaire au plafond bas, sombre et étouffante. La maigre lumière qui parvenait à filtrer à travers les vitres opaques prenait une triste coloration jaunâtre avant de se faire happer par la pénombre environnante. Quelques bougies à moitié fondues avaient été disposées çà et là sur les coins de table inoccupés, permettant tout juste de distinguer les visages alentour. Des visages fermés, délibérément inexpressifs. On ne parlait qu’à son voisin, à voix excessivement basse. Les rares regards croisés reflétaient une méfiance croissante, voire une hostilité emplie d’obscurs sous-entendus. Sylia apprécia immédiatement l’ambiance. Ouaah, me voilà déjà dans les bas fonds ! Parfaitement à l’aise, elle traversa les lieux à grandes enjambées et frappa joyeusement sur le comptoir de cèdre.

« Une bière, s’vous plait ! »

Tous les regards se tournèrent vers elle, inquisiteurs à souhait. Enjouée, elle prit le temps de les soutenir un par un, jusqu’à ce que l’un d’eux l’interpelle : dans le coin le plus mal éclairé de la salle se tenait une elfe recroquevillée qui elle aussi la fixait avec insistance. Mais son expression n’avait rien à voir avec celles des autres occupants… Sylia la dévisagea, interdite. Une fine tunique blanche, une taille menue, des traits enfantins… Seule au milieu de ces individus tous plus louches les uns que les autres, elle semblait sortie tout droit d’un autre monde, contrastant avec le reste de son entourage de manière si frappante qu’on avait peine à y croire… Et ses grands yeux bleus restaient braqués sur la nouvelle venue, lui adressant une requête muette et suppliante qu’elle ne comprenait pas…

« Excuse-moi, on se connaît ? Comment tu t’appelles ? Qu’est-ce que tu veux ?
_ N… non… non non je ne crois pas… non… nous ne nous connaissons pas…
_ Je peux faire quelque chose pour toi ?
_ N… non… Merci…
_ Alors qu’est-ce qui se passe ? Tu ne me lâches pas des yeux ! Y a un problème ?
_ Ri… rien… Non aucun…
_ Tu te moques de moi ou quoi ? »

Délaissant le comptoir où de toute façon on ne paraissait guère pressé de la servir, Sylia alla s’asseoir auprès de sa timide interlocutrice qui eut un petit tressaillement à son approche.

« Bon… comment tu t’appelles ?
_ Kyra… Kyra Lissesul.
_ Eh bien Kyra Lissesul, faut-il que je répète mes questions ? »

Les yeux bleus se fermèrent tandis que leur propriétaire prenait une grande inspiration. Du bout des lèvres, elle murmura, tête basse :

« Est-ce que vous connaissez Monsieur Thyrias ? »

Hébétée, Sylia resta d’abord sans voix, puis voyant que le visage lui faisant face devenait de plus en plus rouge elle s’empressa de trouver quelque chose de ne pas trop railleur à répondre…

« Tout le monde connaît Thyrias, c’est l’ancien consul !
_ Oui… oui je sais… mais… enfin je voulais dire… plus personnellement…
_ Quoi ?! Tu trouves qu’on a un air de famille peut-être ?
_ Euuuh… je… et bien…
_ T’as vu juste, c’est mon cousin ! »

A ces mots, l’elfe rouvrit les paupières et se redressa brusquement.

« Est-ce qu’il viendra aujourd’hui ? Selon vous ?
_ Hein ? Thyrias ici ? Humpf… je crois bien que tu t’es trompée de taverne ! J’me disais aussi…
_ Quoi donc ?
_ Que tu n’avais rien à faire là. Si tu veux voir Thyrias c’est pas ici que tu risques de le trouver ! Y a plusieurs… euh… sortes de tavernes, tu comprends ? »

Kyra hocha la tête, penaude. Afin de couper court à sa gêne, Sylia opta pour un de ces changements de sujet rapides dont elle avait le secret : avisant une serveuse qui s’en revenait le plateau vide, elle lui agrippa le bras et la tira vers elle sans ménagement.

« Dis donc, j’avais demandé une bière ! Il est sourd ton patron ou il me cherche ?
_ Ici on ne sert que de l’hydromel. Désolée… Bon, vous me lâchez ?
_ Non, j’ai soif. De la bière, et traîne pas… C’est d’accord ?
_ Lâchez-moi…
_ C’est d‘accord ?
_ Oui oui, ça va ! Je vous l’apporte ! »

La serveuse repartit en maugréant, sous le sourire satisfait de l’elfe. Kyra avait observé l’entretien sans mot dire. De l’admiration se lisait dans son regard, mais autre chose aussi… quelque chose de malicieux qui cadrait mal avec le personnage qu‘elle semblait être habituellement… Quelques instants plus tard la serveuse réapparut, une immense chope à la main. Elle la posa sur la table d’un air boudeur puis tourna les talons en les faisant claquer sèchement. C’est alors qu’une main délicate se referma sur son poignet…

« J’attends toujours mon jus de raisin ! »

La serveuse toisa Kyra, incrédule, et se dégagea sans la moindre difficulté. Elle s’esclaffa tout en secouant négativement la tête.

« Que de l’hydromel j’ai dit ! Hinhinhin, du jus de raisin… Du JUS DE RAISIN ! Hahaha ! Non mais je rêve ! HahahaAHAHA ! … … Mais qu’est-ce que ? AAAH ! Arrête ça ! Arrête ça tout de suite ! »

Doucement, lentement, les sourcils de la moqueuse commençaient à se figer, de petites tiges de glace apparaissant à leurs extrémités soudain blanchies. L’elfe aux yeux bleus avait entonné à voix basse une sorte de mélopée, l’air concentrée sur sa victime ébahie.

« Hop ! Sourcils gelés ! Quand j’étais petite j’adorais faire des bonhommes de neige… On continue ?
_ Non, stop…
_ Avec des glaçons, le jus de raisin ! »

Kyra sirotait déjà fièrement son dû depuis de bonnes minutes lorsque Sylia retrouva enfin l’usage de la parole.

« Euuh… au fait je t’ai pas dit : je m’appelle Sylia Leïthael. Mais appelle-moi Sylia tout court !
_ D’accord Sylia. Mais je dois y aller à présent, mon frère m’attend. J’espère que nous aurons l’occasion de nous voir à nouveau !
_ Ouais, j’espère aussi… A bientôt Kyra ! »

La frêle silhouette de l’elfe disparut tandis que sa nouvelle amie lui faisait un clin d’œil enthousiaste. Elles se reverraient…

J'aime la description de ce caractère et sa façon de penser...mais où donc vont l'emmener ses convictions si tranchées... vivement la suite.

« Mais non pas comme ça !!! Ptit cerveau stupide ! »
« Héééé me parles pas comme ça, je suis polie avec toi et je t’ai même pas encore gelé les sourcils !!! »
« Et j’dois m’estimer heureuse de ça ? »
« Tu insistes vraiment ? »

La jeune Kyra avait un bâton dans les mains ainsi que Sylia. Cette dernière, qui était en colère avec un visage de furie, se précipita pour redonner un coup à Kyra, qui l’esquiva de justesse. La petite elfe jeta l’arme à terre et croisa les bras, prenant un air triomphant et assuré.

« Alors ? Tu vas attaquer un petit être sans défense comme ça ? »
« Hummm laisse moi réfléchir petite tête… »

A ce moment même, Sylia fonça sur Kyra, qui elle, gela les sourcils de l’attaquante avant de sauter sur le côté. Elle tomba dans une flaque de bouillasse, mais heureusement sur le dos.

« Ahhh mais enlève moi ça !!! Kyra magne toi !!! »

L’accusé se releva avec du mal et un visage blasé.

« Fiche moi la paix ! »
« J’ne plaisante pas petite, aide moi !!! »
« Roooo mais arrête de te plaindre ! Tu m’attaques par surprise et je suis toute couverte de boue !!! Vais me faire encore disputer… »

Sylia se retourna et vit Kyra couverte de boue. Elle éclata de rire et se plia en deux, oubliant totalement ces sourcils. L’elfe toute sale serra le poing et doubla de colère. Elle s’approcha dangereusement de Sylia qui ne la vit pas venir. Elle lui sauta dessus et la plus agée des elfes se bascula en arrière. Kyra, fière de sa prise, se mit à cheval sur sa victime et eut un sourire sadique.

« Ah ah je t’ai eu !!! »
« … »

Cela sembla bizarre quand Kyra vu que Sylia ne répliqua pas. Elle retourna la tête de celle-ci et vit ses yeux fermés. La jeune elfe, apeurée, recula et se mit sur le côté. Elle paniqua et commença à pleurer. Elle regarda tout autour d’elle et, sans même comprendre comment cela avait pu se passer, elle replongea dans la boue mais cette fois ci, la tête la première.

Sylia était debout et toujours morte de rire. La petite Kyra se mit debout tant bien que mal et ne sourit pas. Elle passa devant elle, sans faire attention à quoique ce soit.

« Allez petite Kyra ! Tu vas pas pleurer pour ça. »
« Je m’inquiétais pour toi et toi, tu trouves encore à te venger. T’es pas cool… », des petites larmes bordaient les yeux de la jeune fille.
« Rooo, j’suis désolée. Tu me pardonnes ? Ohhh pi tu m’as gelé les sourcils et tu sais que j’ai horreur de ça ! »
« Et c’est une raison pour me salir ? »
« Mais enfin, je faisais ça po… »

Au même moment Kyra resauta sur Sylia et elles tombèrent toutes deux dans la flaque. Elles se chamaillèrent pendant un long moment.

A la fin de la bataille, les deux protagonistes étaient allongés vers un ruisseau, les vêtements propres mais encore mouillés. Kyra s’amusait avec un petit renardeau qui lui mordillait doucement les doigts et Sylia taillait un morceau de bois.

Mais Sylia réfléchissait tout en tailladant son bâton avec une férocité croissante. Elle ne cessait de jeter des regards furtifs en direction de sa jeune compagne. Les deux elfes s’étaient revues de nombreuses fois depuis cette rencontre à la taverne et leurs retrouvailles se soldaient toujours par de franches parties de rigolade, si bien que désormais le simple fait d’apercevoir au loin la silhouette de Kyra suffisait à arracher un sourire à la guerrière. Indéniablement elles devenaient de plus en plus proches, or Sylia avait du mal à se faire à cette idée.

« Lissesul… Noble jusqu’à la moelle…
_ Qu’est-ce que tu grommelles ?
_ Et de un je ne grommelle pas : je pense, et de deux occupe-toi de ton louveteau. »

La jeune magicienne secoua vivement la tête, accompagnant son mouvement d’un petit rire cristallin.

« Tu as déjà vu beaucoup de louveteaux à poil roux, espèce de myope ?
_ Louveteau ou renardeau, toujours est-il que tu ferais mieux de le surveiller au lieu de dire n’importe quoi.
_ Parce que c’est MOI qui dit n’importe quoi ?
_ Et voilà, il se sauve… »

Kyra baissa précipitamment les yeux sur le renardeau : il n’avait pas bougé d’un pouce. Pelotonné sur ses genoux, il fermait les yeux de contentement, mi-endormi.

« C’est malin… Si tu croyais me faire peur aussi facilement c’est que tu me sous-estimes ! Je n‘aurais p… »

La guerrière interrompit son amie d’un signe de la main, jetant un brusque coup d’œil par-dessus son épaule. Elle se leva d’un bond et pointa un index triomphant vers le buisson le plus proche.

« Je t’ai vu Thyrias ! Alors comme ça on se planque pour espionner les jeunes elfes innocentes ? »

A ces mots, Kyra pâlit instantanément puis passa du blanc laiteux au rouge écarlate, paraissant à deux doigts de s‘évanouir. Sans un souffle, elle se mit debout tandis que le renardeau délogé s’en allait en feulant.

« Héhé… incapable de te faire peur disais-tu ? Il est joli mon cousin n’est-ce pas ? »

Naturellement, il n’y avait pas âme qui vive de l’autre coté du buisson. Lorsque Kyra le réalisa, le regard chargé de haine brute qu’elle envoya à l’elfe guerrière aurait suffit à déstabiliser Zeus lui-même. Sylia recula, regrettant d’être peut-être allé une brin trop loin dans la plaisanterie…

« Euh… Kyra… ce… c’était pour rire… Je… je m’excuse si tu veux… »

Mais la magicienne avait déjà levé ses bras, manifestement sur le point de déchaîner un élément sur sa cible désormais secouée de petits tremblements involontaires. Ses cheveux bleutés voletaient autour d’elle, embrassant la boule d’énergie qui commençait implacablement à se former entre ses mains.

« Ne va pas commettre un acte que tu regretterais par la suite… S’il… te plait… »

Un sourire suffisant se dessina aux commissures des lèvres de la petite elfe. Elle écarta les doigts en fixant Sylia droit dans les yeux. Aussitôt, l’énergie se matérialisa en un minuscule jet d’eau qui jaillit dans la figure de la guerrière au bord de la crise de nerfs.

« Hihihihihi ! Voilà ce que j’appelle faire peur à quelqu’un ! Tu aurais vu ta tête !
_ …
_ Hihihihahahahaha !
_ Je vais la tuer… »

Joignant le geste à l’affirmation, elle se jeta sur sa victime qui, renversée sous le choc, l’entraîna dans sa chute. Elles roulèrent toutes les deux le long du ruisseau et finirent par tomber à l’eau où elles se débattirent encore pendant de bonnes minutes. Finalement elles remontèrent sur la rive d’un commun accord. Kyra s’épongea le front, dubitative. Elle hocha la tête en direction de sa compagne d’un air dépité.

« A ce rythme là, nos vêtements ne sont pas près d’être secs ! »

Alors pour la toute première fois depuis qu’elle s’était décidée à ressortir de sa cabane, Sylia éclata d’un rire tonitruant qu’aucun doute ni aucune pensée hypocrite ne vint ternir au dernier moment.

Kyra ? Une noble ? Et alors ? Après tout elle-même portait bien le nom de Leïthael, à l'évidence il y avait des exceptions partout...