Cette histoire fait suite aux Chroniques du Crépuscule. En cas de non-compréhension des lignes qui vont suivre, veuillez faire comme tout le monde et lire le début avant de lire la fin. Merci.

J'ouvrai les yeux, en proie à un conflit intérieur. J'aurais voulu pouvoir rester à jamais dans ce rêve, mais un monde bien réel faisait valoir ses droits sur mon esprit, forçant Morphée à me libérer de son étreinte.
Sous un ciel bleu d'azur, je contemplai les restes de ceux qui avaient provoqué mon ire. Des corps calcinés, de la toile brulée et de l'herbe roussie au feu de ma vengeance trônaient à présent au milieu de la clairière. Passé les premières secondes à observer cette nature morte, mon estomac commença a élever des protestations et son contenu alla bientôt rejoindre la verdure environnante. Si c'était le prix à payer pour avoir vengé mes amis, je payais volontiers, voire en abondance...

Après avoir fait le tour du campement à la recherche d'objets récupérables, je me rendis à l'évidence: seuls ceux qui étaient tombés sous mes lames pouvaient avoir quoi que ce soit de valable en bon état, et je me résignai à fouiller leurs corps. Quelques pièces d'or, un lance-pierre et une paire de dés furent tout ce que je pris sur ces cadavres. Avant de quitter l'endroit, j'avisai une courte prière à Hadès afin que leurs âmes ne trouvent pas immédiatement le chemin du repos éternel. Puis, je repris le chemin du village elfique, histoire de récupérer un peu de chocolat. Après tout, ils en auraient sûrement moins besoin que moi là où ils étaient.

Trouver les réserves ne fut pas une tâche aisée, comme si avant leur trépas brutal, ils s'étaient protégés des larcins éventuels. Une fois mon stock dûment refait, je restai un moment à méditer mes choix. Feu la chef avait raison sur un point: je ne pourrai plus jamais vivre paisiblement en Lardanium. Si l'Impératrice était réellement derrière ce "plan d'Assainissement de la Race", je serais à jamais inquiété à cause de mes yeux. Les Rebelles? Pourquoi pas, après tout, j'avais tué de l'olympien à tour de bras la nuit précédente. Quatar, peut-être? Non. Ce que j'avais accompli était un meurtre, pas un crime (bon, d'accord, DES meurtres). Ordenum? Pas sûr, cette cité a des liens étroits avec la capitale impériale. Olympia? Ma foi, l'idée de poursuivre ma route en temps que vagabond ne m'enchantait guère, mais c'était sûrement la moins mauvaise solution.

Je récupérai une cape de voyage qui semblait avoir été épargnée par le chaos des jours précédents et la passai sur mes épaules. Elle présentait l'avantage de ne cacher que partiellement mes armes, offrant ainsi à d'éventuels bandits le choix de me laisser tranquille ou de tenter leur chance. Au point où j'en étais, l'idée de mourir me laissait froid.

Il se passa un peu de temps sur les sentiers. A ne croiser que des animaux, j'en étais venu à croire que j'étais le dernier être vivant à marcher sur deux pattes. je pensai depuis plusieurs jour à retourner à la vie sauvage quand je fis la rencontre d'un véritable Sauvage. On recevait pas mal d'idée préconcues à propos des Hommes Sauvages à l'Ecole de Diplomatie, autant de la part des instructeurs que des autres élèves. Pour ce que je croyais en savoir, ils étaient vêtus de peaux de bêtes, lorsque leur toison ne les couvrait pas assez naturellement, avaient des yeux rougeoyants et passaient leur temps à jouer les pickpockets en caressant les arbres. J'avais d'office écarté toutes les rumeurs qui leur donnaient des dents comme des poignards , deux mètres de haut minimum et des serres de charognards à la place des doigts, considérant ces dernières comme pusillanimes ou axées sur la désinformation de base.

La personne que j'ai rencontré ce jour-là avait une apparence assez normale, voire banale. Il avait l'air d'un paisible vieillard à la barbe grise et aux cheveux aussi disciplinés que les miens. Ses vêtements de voyage usés correspondaient bien au reste du personnage et il gardait en permanence un demi-sourire sous ses moustaches d'argent. A l'éclat bleu pétillant de ses yeux, je sus qu'il ne pouvait pas s'agir d'un Olympien. Il n'avait pas non plus le type elfique et sa taille ne correspondait ni à celle des Nains, ni à celle des Géants. Par élimination, j'en vins donc à penser que j'étais en face du premier Sauvage de ma vie.

J'avançais sur le chemin et continuais tout droit, n'accordant audit Sauvage qu'un regard qui se voulait relativement dissuasif. Je l'avais déjà dépassé lorsqu'il se mit à rire nerveusement daat ns mon dos. Ce petit rire se mua vite en un grand éclat qui pliait le vieillard en deux, ses mains serrant son ventre qui menaçait sans doute de trahir une prostate trop fragile.

Ce manège dura pendant une bonne minute avant que l'esclaffé ne reprenne son souffle devant mon air plus agacé qu'autre chose. Toujours le sourire aux lèvres, il s'exclama:

_Eh bien, l'ami! Ne fais pas cette tête-là! Ta métamorphose d'Olympien est très réussie, tu sais. Les épaules carrées, l'air buté et prêt à sauter à la gorge du premier venu...Oui, mis à part les yeux, tout est là! Dis-moi, tu es allé les voir pour pouvoir prendre leurs traits aussi précisément? Comment s'appelle celui qui t'a inspiré cette tête de hérisson?

C'en était trop, le vieux avait dépassé les bornes! Passe encore qu'il critique mon allure générale, après tout, j'avais sans doute l'air un chouillat tendu, mais qu'il se permette de parler comme ça de mes cheveux!!! Et puis c'était quoi, d'abord, cette histoire de métamorphose à la mords-moi-l'dieu?

***Aparté capillaire: nouvelles du front.
Ce matin, le royaume de la Raie à Droite avait subi un revers douloureux sur le front face à plusieurs factions rebelles venues du Sommet du Crâne. Il n'est pas impossible que le royaume perde le contrôle du cuir chevelu sur cette région si l'empire de la Raie à Gauche profite de cette faille pour tenter de renverser la nation rivale. ***

_Ender Darklighter, répondis-je avec une pointe de froideur dans la voix( d'accord, disons un stalactite...).

_Dis donc, il a un nom drôlement long et mal formé, ton modèle, reprit-il sur un ton badin.Et ton nom, à toi?

_JE SUIS Ender Darklighter, sombre truffe! Et je ne comprends pas un traître mot de tes marmonnages! Si tu ne veux pas voir un Olympien en colère, passe rapidement ton chemin.

Le visage buriné de mon interlocuteur passa par un bon nombre de couleurs avant de devenir livide. Ses yeux s'arrondirent en me fixant plus intensément et sa main esquissa un geste compliqué qui fit réagir mon corps avant que mon cerveau n'ait le temps d'intégrer quoi que ce soit...