Les oiseaux roulaient et les cailloux chantaient tandis qu'Oniel buvant se prélassait tranquillement face aux verts troncs des arbres maronnant. Il jetait des regards à droite à gauche, à gauche à droite, jusqu'a ce qu'il aperçoive, planté devant lui Polonëll. L'individu se tenait debout depuis déjà une dizaine de minute, à quelque mètre de l'alchimiste alcoolique... Il le regardait d'un air absent agitant bêtement la main en face du regard fuyant. Un cri empreint d’émotion aussi aigu que soudain jaillit de la gorge du magnifique jeune elfe :

- Ahhhh mais c’est affreux !!!

Polonell restait coi. Devant sa mine effarée, Oniel repris la parole un ton plus bas

- Non ce n’est rien… J’ai cru voir passer Aislinn

Cette blague digne d’un nain éméché eu malgré tout le mérite de faire pouffer le jeune elfe. Sentant le rire fortement éthylèné de son comparse, le noble ranger ne put réprimer son hilarité et s'esclaffa a son tour.

- Comment as tu pu confondre le glorieux ranger que je suis avec cette truite magique des lunes espèce de vil mage ?

Phrasant gaiement les deux elfes abandonnèrent néanmoins rapidement les métaphores sur le grand bavard du Caracal pour se concentrer sur un projet commun, le cheminement vers le repère des GdC. A peine une centaine de pas les séparait de ce lieu mais l'activité des Sentinelles dans le travaille de débroussaillage ayant été quasi nulle pendant de longues années, ce voyage en devenait presque dangereux pour nos deux amis. Ils s'engagèrent néanmoins sur ces chemins aventureux, le cœur vaillant et l'esprit serein... C'est alors qu'une vision les fit frémir, pétrifiant leur main sur leur bourse fragile en un geste défensif certain... Sylia était là ! La mine satisfaite elle marchait légèrement slalomant avec vivacité et adresse entre les branchages, comme pour échapper au regard d'une malheureuse victime, d'un amant éconduit ou d'un amoureux transit... Oniel murmura :

- Polo… Tu crois qu’elle nous a vus ? J’ai peur…
- A la tête qu'elle tire, je pense qu'elle a eu son compte pour aujourd'hui...
- Son compte !?!

Ses yeux vitreux étaient désormais fixés sur son compère dans l’attente d’explications. C’est alors que le ranger renchérit :

- Mais non sombre idiot… Son compte de pièces d’or… Un autre n’aura pas eu autant de chance que nous voilà tout.
- Ahhhhhh bon… J’ai cru simplement cru qu’un magnifique jeune noble était passé par là si tu vois ce que je veux dire
- Tssss, si c'est au magnifique jeune noble de la rumeur que tu penses, c’est que tu as surement trop forcé sur la bouteille... A la tête qu'il a, on voit a 100 mètres qu'il est impuissant…

A ces mots d'une hilarante pertinence, les deux compères échangèrent un regard dénué de lucidité et gloussèrent bêtement en parfaite synchronisation. Avec la délicatesse coutumière des elfes, les deux complices se jetèrent au sol dans un énorme fracas. Tapis sur une aire mousseuse, ils entendirent bientôt le doux cliquetis de l'armure de la fourbe consule... Le son allant en s'amplifiant, ils en déduisirent avec tristesse que la demoiselle s'approchait et risquait fort de les dénicher de la formidable protection que la nature leur fournissait et sous laquelle ils s'étaient élancés avec tant d'entrain et de légèreté. Polonëll donna un coup de coude à son compagnon d'infortune et lui murmura :

- On ne va pas s'en sortir de celle là... T'aurais pas une idée en stock ?
- On improvise !
- Tu parles d'une idée de génie...Tiens Syliaaaa… Euhhh…Tu… n’aurais pas vu mon espadon ? J’ai bien peur de l’avoir égaré au cours de cette balade champêtre…

L'elfette fraichement arrivé dans leur visuel les regarda d'un air suspicieux avant de demander :

- Euuuuh... il est dans ton dos nan ?
- Quelle clairvoyance ! Votre vivacité d'esprit m'étonnera toujours chère Sylia ! s’exclama alors Oniel d'un ton flatteur.

La demoiselle concernée les regarda, niaiseuse ou fachée, nul ne le savait... Mais la finalité de la chose fut qu'elle prit la fuite, sans doute décontenancée par la musculature saillante d'Oniel, et qu'elle laissa le mage et le ranger dans un état de profond soulagement, prêt à reprendre leur marche en avant !

Ca va Polo...C'est pas trop pourri.

Après ce délicat interlude mensonger, les deux amis reprirent leur marche.... à reculons, vérifiant avec précaution l'absence de Sylia derrière chaque parcelle de végétation qui les entourait. Ils fouillaient consciencieusement, attardant leur regard sur chaque brindille, détectant les moindres machiavéliques insectes, poussant même leur lourde conscience au plus profond des épais bosquets qui les encerclaient... La sueur perlait sur leur visage, la peur les étreignait, ELLE pouvait encore être là, ELLE pouvait avoir feint sa mesquine fuite, ELLE.... Oh... Soudain, dans la limite de leur perception auditive, un craquement se fit entendre... Leger, imperceptible, le son fusait tel un sifflement soudoyant et susurrant... Ils se figèrent alors et dans un grand hurlement Oniel se mit à sautiller sur place puis à pointer son doigt devant lui en s'écriant :

- Attention, là, une fougère qui marche !

Polonëll, peu convaincu par les capacités motrices d'une fougère, étudia la chose qui se mouvait devant lui avec plus d'attention... Et là, il comprit...

- Mais non voyons, c’est juste qu’en dessous il y a un Finrod Hydlograpod paniqué...

Et oui, c'était bien la crême des ranger qui était là les yeux écarquillés, couvert de feuilles. Il avait orné son armure de quelques conifères pour l'occasion et se déplaçait à quelques mètres d'eux, à grands bons forcés pour échapper à leurs regards inquisiteurs. Interloqués, les deux amis restèrent sans voix. Leur idole, leur maitre, lui qui n'avait jamais peur de rien, lui qui ne cédait jamais (sauf parfois à la fougue des géants), et bien lui, se retrouvait aujourd'hui dans un état de dépravation jamais atteint, même par Aislinn... Il posa son regard sur eux, puis, avec un cri rauque, il leur sauta dessus en hurlant :

- Planquez vous, ils vont tous vous tomber dessuuuuuuuus ces grands fouuuuuus !

Les deux elfes furent aplatis aux sols par la force démoniaque de cette bête de guerre... Ils ne comprirent pas vraiment ce qu'ils leur arrivaient tant ce fut brutal, vif et incohérent... Mais bientôt l'elfe se releva, il leur adressa un sourire dénué de joyeuseté avant de leur dire d'une voix calme mais pesante :

- Bah me regardez pas comme ça les gars... Je ne fais juste que parfaire mon entraînement d'esquive grenade.

Il prit une grande inspiration et ajouta la voix emplie d'émotion

- J'vous l'dis moi, ils m'auront pas deux fois ces pourris...

Dans son regard brillait néanmoins une étrange tristesse... Quelle pouvait en être la cause ? Il regardait sans cesse dans la direction qu'avait prise Sylia, les yeux larmoyants et en proie à une étrange frénésie ... Ces paroles se firent bientôt de plus en plus rapides, ses coups d'œil devinrent de plus en plus fréquent et bientôt, sans même que les deux compagnons n'aient pu répondre à son flot de parole, il termina :

- Bon désolé... euuuh... J'ai mes crêpes aux fromages qui m'appellent!

Ils virent Finrod s'enfoncer dans l'épaisse végétation et la masse de muscle disparut à la suite de la consule. Les deux elfes se regardèrent alors avec un regard vide de toute compréhension, la voix de la sagesse leur ayant soudain disparu...

- Ben ça à plutôt l'air d'être vrai... dit alors Polonëll d'une voix trainante
- Quoi donc ?
- Ben... Les rumeurs...
- Aaaaaaaaaah... Les rumeurs... Oui oui... En effet...

Après ce dialogue mystérieux et dénué de tout sens métaphysique, ils reprirent leur chemin, prêt à affronter les tourments, l'aventure, les intempéries, ainsi que leur compagnon de voyage, la tête tourné vers l'avenir, la musculature bandé et les sens en alerte...

Soudain, comme prit d'une mystérieuse illumination, Oniel se tourna d'un bond vers le ranger et lui dit d'une voix basse et conspiratrice :

- Mais dis voir Polo... C'est quoi déjà un Hydlograpod ?

Polonëll écouta d'un air attentif et consciencieux la question du mage... Le génie du personnage se reflétait bien dans cette question d'une pertinence sans égal... Mais qu'était ce qu'un Hydlograpod, quelle était donc cette bête qui avait si vilement été associé au nom du grand et auguste ranger caché ?

- Euuuuuuuuh....

Un début de réponse émouvant pour tenir l'auditoire en haleine, un début puissant et profond, plongeant l'esprit dans la grandeur de la réflexion et dans l'exponentiation de la connaissance... Un « Euuuuuuuh » qui amenait de manière dynamique et claire l'explication à cette immense interrogation existentielle...

Polonëll laissa s'échapper ce « Euuuuuuh » en un parfait mouvement de lèvre, posant un regard dénué de sa lucidité coutumière sur Oniel, comme pour faire ressentir de manière prématurée à celui-ci l'intensité de la réponse qu'il allait apporter.... Un semblant de voyage dans le futur émotionnel pour cette alchimiste avide de connaissance...

- Euuuuuuuuuh...
- Oui ?
- Ben c'est une longue histoire tu sais...
- Oooooh, j'en suis dejà tout ému....

La larme à l'oeil, le jeune Oniel ressongeait aux longues histoire de ses parents, celles qu'ils lui racontaient le soir, avant qu'il ne s'endorme, avant qu'il ne plonge avec son petit air simplet dans le monde des rêves... « Le vilain petit canard », « La belle et le nain », « Le petit chaperon vert », et bien d'autres contes et légendes elfiques pour enfant, qui a chaque fois l'endormait, un sourire niais illuminant alors son visage ronflant...

- Bon... Prépare toi alors... c'est une belle histoire...

Le mage pencha alors un peu la tête, prêt à recevoir le terrible secret de l'Hydlograpod, prêt à s'en imprégner, prêt à profiter d'un récit magique et grandiose, l'oreille dressée, les sens en éveil...

- Et bien vois tu... Il y a bien longtemps, alors que Kaeniel jouait encore dans les jupes de sa mère, alors que moultes boulets n'étaient pas encore né dans notre belle forêt, alors que les soleils brillaient sur la plaine d'Olympia...
- Euuuh, comme maintenant pour les soleils nan ?
- ...
- Oups, j'crois que j'ai dit une connerie...
- C'pas un truc rare chez toi...

Malgré cette réflexion à l'antithèse du constructif, le jeune ranger poursuivit son histoire, la commençant par une longue et ennuyeuse introduction, propre à rebuter n'importe qui... sauf Oniel... Ce jeune exalté de conte en tout genre restait passionnément attentif aux inepties polonienne...

L'Hydlograpod était une petite créature fantastique, né dans l'esprit d'un elfe plein d'une imagination débordante. En fait, pour être plus précis, il s'agissait DES Hydlagropodes... Ils vivaient tous ensemble dans un petit village inconnu, caché de tous, habitants dans des champignons creusés... On en avait recensé 99 dans les multiples aventures écrite par le sage Cul'Ifford et, bien sur, on observait la présence de leur chef, le Grand Hydlograpod... Il était là pour les guider dans leur quête de la survie face à un vil mage olympien et son rat...

Oniel écouta, l'air absorbé par cet amoncellement de petits récits, clignant des yeux comme pour mieux accepter la terrible vérité... Maintenant il savait, et il se dit alors en son fort intérieur qu'après ces longues année passées dans l'ignorance, il pourrait enfin répandre la douce et bonne légende, et lorsque enfin il aurait rencontré la femme qui lui donnerait plein de laids petits Oniel, il pourrait leur raconter ces contes merveilleux...

Message subliminal : nous sommes des dieux

*regarde autour d'elle, se rend compte qu'il y a du monde... et fuit*

Message subliminal : surtout moi

*regarde autour de lui, se rend compte qu'il y a du monde et attend des prières a son égard*