Skad entra très jeune dans l’armée Ordenienne, il s’entraînait durement pour réussir, pour devenir un jour un soldat digne de ce nom. Il apprit les techniques, les théories et les stratégies de combat, ainsi que le maniement d’armes aussi diverses que variées. Un jour, lors d’un voyage en Lardanium, il rencontra un forgeron nain qui vendait des armes dans une carriole qui lui expliqua quelques astuces pour forger une bonne arme, équilibrée et étincelante. Il l’écouta des heures durant, mettant quelques instants sa mission de côté. A son retour en Ordenum, il se précipita chez le vieux forgeron pour connaître encore plus de choses sur cet art qui naissait en lui. Il regardait la manière de faire du forgeron Ordenien, différente de celle du nain, mais magnifique tout de même. Il contemplait chacun des gestes de l’artiste, chaque mouvement, chaque posture, chaque souffle, et dans sa tête essayait de les refaire, essayait de mimer le maître.

A l’école de guerre travaillait un forgeron, un ancien apprenti du vieux forgeron d’Ordenum, certes moins bon, mais plus disponible, et c’est auprès de cet homme que Skad commença son apprentissage, en parallèle à celui de la guerre. Soldat est un métier rude, où la discipline est de rigueur, où les erreurs ne sont pas pardonnées, où la vie des autres dépend d’abord de soi-même ; tout comme forgeron, l’expérience acquise jusque là servirait donc tout aussi bien à créer des armes. Les années passèrent et Skad ne pouvait plus rien apprendre auprès du jeune forgeron de l’école de guerre d’Ordenum, il se tourna alors vers celui qui l’avait préparé à ce métier, mais le vieux était décédé, et Skad dut apprendre seul ce qu’il ne savait pas. Un désir de devenir un grand forgeron l’empêchait de dormir chaque nuit, il souhaitait devenir célèbre, aussi réputé que les plus grands forgerons nains, de ce fameux Lanraaz, dont il avait quelque fois entendu parler, et qui lui rappelait vaguement quelqu’un. Il acheta la forge du vieil homme et décida de devenir, lui aussi, un artiste.

Les débuts furent difficiles, les échecs nombreux et les réussites rares, mais la technique entrait, et c’était une bonne chose. Chaque journée libre, chaque heure libre, il la passait à peaufiner sa technique, à travailler mieux, plus rapidement, plus efficacement, et le résultat fut plutôt satisfaisant, mais le métier était difficile et épuisant, la fatigue se ressentait en lui, en chaque parcelle de lui, on pouvait sentir la fatigue. En quelques mois, il eut de bons résultats et se forgea sa propre arme, une simple épée bâtarde, sa première grande réussite. Puis il continua à faire quelques armes, peu, lentement au départ, mais assez réussies.

Alors que sa forge commençait à ressembler à quelque chose, une pluie torrentielle dévasta la ville, détruisant la plupart des habitations, la plupart des magasins, les champs, les routes, tout fut balayé comme des insectes par la foudre. Après les pluies, les Ordeniens mirent tout en œuvre pour remettre les abris en état, mais la forge pouvait attendre, et Skad regardait les ruines de son palais, boueuses, sombres, inondées, dévastées. Les armes étaient rouillées, les charpentes trempées s’effritaient comme de la terre, des briques du toit coulaient les larmes sanglantes qu’éprouvait Skad devant un tel désastre. Mais sa volonté de reconstruire ce qui avait était perdu était si intense qu’il partit tout de suite à la recherche de bois ou de pierre pour rebâtir ce qui, pour lui, était un rêve de toute une vie…partit en fumée…