Le fameux jour était arrivé. Polonëll avait longuement hésité… A son enthousiasme débordant des premiers jours avaient succédés une certaine lassitude. Pourquoi ? Il ne le savait pas vraiment. Un sentiment de fatigue généralisée face aux incessants palabres, une envie de calme… Tout cela après seulement quelque jour de commandement, voilà qui ne présageait rien de bon. Il avait réfléchit quelque temps, songeant même à tout laisser tomber avant de se reprendre. Aujourd’hui, après de longues discussions, il se sentait prêt à relever cet important défi : devenir consul de Na’helli…

Il se trouvait dans le vaste bureau de sa cousine Sylia, pour une première passation de pouvoir en interne et en famille. Elle le regardait en souriant, heureuse d’enfin céder cette place qui l’oppressait. Assise derrière un imposant bureau de chêne, elle posait avec nostalgie les yeux sur le mobilier qui l’entourait, sur ce qui allait devenir son ex-lieu de travail…

« Bon cousin t’es prêt cette fois ?
- Moui
- Hmmm ? Que regardes tu comme ça ?
- Ben ton bureau
- Mon bureau ? Pourquoi donc ?
- Faut le vider nan ? »

Une légère rougeur teinta les joues de Sylia. Elle le regarda d’un air angélique avant de lui répondre d’une voix mielleuse.

« Ooooh ne t’inquiète pas pour ça… Je ferais ça ce soir, au frais… Parlons plutôt de tes nouvelles responsabilités…
- Ce soir ce sera mon bureau tu sais ? »

La future ex-consule s’agita imperceptiblement sur sa chaise, comme prise d’un léger malaise. Elle pencha la tête à gauche, à droite, à droite, à gauche et laissa échapper un sifflement de dépit avant de se reprendre et d’enchaîner sur une phrase à vocation convivialisante.

« Tu veux boire quelque chose ? Ca se fête de devenir consul non ? »

Quelle classe, quel talent ! Sylia était l’archétype même de la politicienne hors paire qui éludait les questions gênantes par des propositions potentiellement impossible à refuser. Mais Polonëll connaissait parfaitement sa cousine, au moins autant qu’il l’appréciait…

« Tu es bien brave Sylia… Mais… Il faudrait que je puisse ranger mes affaires non ? »

Il marqua une pause. La rougeur de sa cousine disparut pour laisser place à une certaine pâleur, de celle qui vous prend au plus mauvais moment.

« De plus… » Il vit Sylia se raidir sur sa chaise, prête à toute éventualité, prête à se défendre… Il esquissa un sourire et la fixa dans les yeux.

« De plus nous n’avons jamais achever notre conversation concernant le collier de l'arrière grand mère du père du frère du grand-père du cousin par alliance de la femme de Nippalür…
- Glurp
- Hum ? »

La situation virait au burlesque, bien loin de l’échange de pouvoir inter familial auquel on aurait pu s’attendre. Polonëll riait en son fort intérieur, jubilant de voir sa cousine ainsi gênée devant son entrain à découvrir le fruit de son travail caché.

Quelle abrutie ! Elle aurait dû prévoir le coup, mais non ! Durant ces quelques jours elle n’avait pensé qu’à la passation de pouvoir, à ce qu’elle dirait à son cousin et successeur avant de paraître une dernière fois devant la foule, au visage qu’elle présenterait, à son éventuel discours… Mais la considération des problèmes les plus concrets était passée à la trappe. Vider le bureau…

- Glurp, disais-je.
- Hmmmm ?

Plan B.

- Ecoute, non vraiment ça prendrait des heures rien que pour remettre les dossiers en ordre. Inutile que tu assistes à ça… Et je ne vois pas le rapport avec ton collier, là.

Polonëll se rapprochait dangereusement, tout sourire. Plan C, plan C… Sylia jetait des regards anxieux de tous côtés. Finalement devant la détermination de son cousin elle n’eut d’autre choix que de hocher la tête.

- Très bien, si tu insistes. Mais pas ce tiroir-là. Y a des dossiers ultraconfidentiels.
- Tiens donc ?

Le sourire du futur Consul s’élargit encore d’avantage tandis que sa main se tendait vers ledit tiroir. Sylia laissa faire, mais plissa les yeux comme pour se préparer à encaisser un choc.

Clac !

Polonëll ouvrit. Sylia s’était levée et avait habilement contourné le bureau, côté opposé à son cousin.

- Mais, mais…

Il avait haussé les sourcils, puis les avait froncés, et rehaussés ensuite, face à un contenu des plus inattendus.

- Surpris ?
- Mais ce sont des…
- Des dossiers ! Je te l’avais bien dit !

La Consule avait profité du répit pour ouvrir un autre tiroir, dans lequel ses mains étaient plongées. Elles en ressortirent encombrées de bijoux, tous disparus mystérieusement au cours des dernières saisons.

- Cinquante/cinquante ! Cria-t-elle avant de filer à la vitesse de l’éclair, emportant une bonne moitié de son larcin, laissant Polonëll maître de son nouveau bureau.

On le savait bien, que les consuls opprimaient leur peuple... Jusqu'à leur voler des bijoux de famille!
Ah, c'est beau, la démocratie Na'Hellienne!

Il y a deux heures, il débordait de parchemins, de plumes, d'encre et d'ouvrages divers et variés. Désormais, il était vide, et brillant. Kyrion passa un dernier coup de chiffon sur un rebord de son bureau, se pencha, l'inspecta sous tous les angles et se redressa, fier autant qu'on peut l'être, le plaisir du travail accompli.
Il se rassit une dernière fois dans le fauteuil sur lequel il avait passé des jours et des nuits entières. C'était donc vraiment la fin. Cela lui manquait déjà. Surtout le prestige que lui conférait le titre de consul auprès de la gente féminine, pensa-t-il avant de reprendre ses esprits. Du moins, il devait par respect pour son peuple, ne pas occuper une place pour laquelle il n'aurait de temps à consacrer. Il poussa un soupir et se leva, prit le dernier paquet de dossier qu'il avait et sortit de son bureau. C'est à ce moment que Sylia, criant de confuses paroles en direction de son bureau, décida de lui rentrer dedans, laissant s'échapper des bijoux à terre tandis que Kyrion laissait tomber ses parchemins.

-Sylia ! Tu pourrais faire attention!
-Ah la poisse! C'est pas mon jour...

L'attention de Kyrion fut soudain attiré par un des objets qui était tombé des bras de Sylia.

-Le diadème de la famille Norien ! On le croyait disparu !
-Hein que ? Non, tu dois te tromper Kyrion, dit Sylia en ramassant le plus possible d'objets à terre. Aide-moi plutôt avant que Polonëll n'arrive.
-Non je suis presque sûr, c'est leurs armoir.. !
-Elle est dans ma famille depuis... super longtemps, coupa-t-elle en lui prenant le diadème des mains. Sur ce... La cérémonie de passation est bientôt, faut que j'aille m'habiller.

Elle lui fit un grand sourire, très légèrement -pour ne pas dire totalement, mais il faut cependant souligner l'effort de Sylia et c'est pourquoi nous laisserons le "légèrement"- faux et géné, et elle repartit encore plus rapidement qu'elle ne lui était rentrée dedans, tandis que Polonëll tout sourire arrivait.

-Qu'est-ce qui lui prend... Elle pourrait au moins m'aider à ramasser mes parchemins.
-Une affaire urgente... lacha-t-il en rigolant.
-S'habiller ? C'est bien de Sylia qu'on parle ?
-Comme quoi, la charge de consul peut changer les gens...
-A mon avis, il y aura toujours une partie de Sylia qui ne changera pas.
-A qui le dis-tu !
-Bon tu m'aides à ramasser mes dossiers ?
-Euh, je... désolé, je dois aller me changer aussi. Dace arrive tiens ! Tu lui demanderas...

Polonell repartit dans la direction opposée à celle de Sylia laissant seuls Kyrion et ses parchemins, ainsi que Dace qui arrivait sans se douter de ce qui s'était passé.

-Pour être consuls, ils sont là, mais pour m'aider...

HRP// Il n'y a aucune oppression a volé les bijoux des familles nobles de Na'helli cher Nygaël ^^. Et c'est pas moi, c'est Sylia!

Dace avancait au milieu du couloir dans un désœuvrement inhabituel, aussi surprenant que l'élégance de ses vêtements, de toutes évidences, on n'avait pas laissé le choix au Consul de sa garde robe.
Face au tapis de parchemins qui lui faisait obstacle il fut contraint de s'arrêter.

"- Vous avez subi une tornade ?
- Quelque chose dans ce genre oui ... Le surnom est bien trouvé. Tu pourrais peut être m'aider, non ?
- Je ne préfère pas, il semblerait que ce soit des affaires personnels, si je tombais sur ces fameuses gravures que votre frère cherchait, ce pourrait être gênant pour vous.
De plus je dois encore rédiger mon discours de remerciement, j'estime évidement que je vous doit la première place dans celui-ci mais la suite de l'ordre est plus difficile à départager. "

Dace le regarda avec un sourire angélique, et sauta gracieusement par dessus la joyeuse pagaille de rapports avant de s'éloigner nonchalamment.

" - Tsss, vraiment trop gentil pour ce travail ... et trop franc. La politique est l'art des secrets et des mensonges." se dit Kyrion en se demandant si le papier qu'il ramassait avait bien pu un jour lui appartenir, lorsque soudain l'idée qu'il était encore seul à ranger lui percuta violemment la cervelle.

" - Attends , ca aurait quand même pas été une excuse subtile pour s'éclipser çà ? "

En détail, il se remémora le sourire bienveillant de l'elfe blond, ses mots prononcé avec une voix mélodieuse.

" Non, impossible ! " conclut-il en chassant la désagréable idée.

Quelques heures passèrent durant lesquelles Polonëll eut tout le loisir de se pencher sur sa presque nouvelle fonction. Encore quelques autres longues heures et il serait consul de Na’helli. La même question lui revenait sans cesse : comment en était il arrivé là ? Il écarta à nouveau cette réflexion de ses pensées, décidant de se tourner résolument vers l’avenir. Un avenir au service de Na’helli… Il songea aux nombreuses concertations, aux infinies contestations, aux dialogues et aux discours qui l’attendaient… C’était un choix, il fallait désormais l’assumer pour le mieux…

Il acheva de se vêtir de sa plus noble tenue d’apparat, tunique de soie ciselé de fil d’argent aux armoiries de sa famille, cape sombre rejetée en arrière, épée à la poignée polie et rutilante glissée dans un fourreau artistiquement découpé… En bref une tenue à ne pas porter trop souvent, mais pour l’occasion, l’effort était nécessaire…

Il allait paraître devant ses parents, son frère et tout le peuple de Na’helli… Il était donc préférable de se donner bonne contenance.

Se sentant enfin prêt, il avança résolument vers la porte et l’entrouvrit, se décidant enfin à rejoindre les différents acteurs de la cérémonie.

Kaeniel, Kyrion, Sylia et Dace attendait dans un petit salon, discutant paisiblement en attendant le jeune ranger. Les dernières transmissions de consignes, des conseils, des aides… En apercevant sa cousine, Polonëll ne put s’empêcher de la complimenter avec un grand sourire. Elle était belle, radieuse, élégamment vêtu… En un mot noble…

« Le grand jour est arrivé me semble t’il…
- Il te semble bien… Pas trop stressé cousin ?
- Je survivrai…
- C’est un bon point… »

Les pouvoirs de consuls allaient être transmis par Kaeniel, au cours d’une cérémonie officielle à laquelle était convié tous le peuple de Na’helli… Le moment approchait inexorablement…

« Il est temps… » Kaeniel se leva, regardant les elfes présents autour de lui avec attention « Ce soir, Na’helli aura de nouveaux dirigeants… Montrez vous aussi digne que vos prédécesseurs… ».

Dace et Polonëll inclinèrent doucement la tête devant le juge puis se regardèrent, échangeant un sourire légèrement crispé. Ils allaient devoir gouverner ensemble, et ce malgré leur divergence d’opinions et de caractères… Le jeune ranger sentit alors la main de sa cousine sur son épaule, le poussant vers l’extérieur de la pièce, vers le peuple de Na’helli, vers le consulat…

L'arbre des murmures... Une fois de plus, le grand magnolia serait témoin d'un tournant de l'histoire de Na'Helli. Depuis des millénaires, les Consuls s'étaient succédés à la tête de la cité des Elfes, au rythme de leurs existences. Et pour une fois, le changement de Consuls n'était pas provoqué par le décès du précédent, et la cérémonie se préparait avec beaucoup plus d'entrain qu'à l'accoutumée, d'autant plus qu'il y avait de nombreuses raisons de faire la fête.

Les évènement qui avaient animé la vie des Elfes durant les derniers mois du Consulat de Sylia Leïthael et de Kyrion Hir-Minual avaient été très profitables à Na'Helli. A partir de grandes difficultés, les Elfes avaient su tirer un profit maximal. La cité était en paix et la récente victoire sur le golem ainsi que la petite affaire du père Notwell s'étaient avérées extrêmement fructueuses. Deux grands chantiers venaient d'être lancés, le Sanctuaire de la Forêt, au nord de la ville, et l'amélioration des bâtiments de l'université de magie qui permettrait la conception de nouveaux sortilèges.

Une nouvelle ère débuttait pour les Elfes, et Sylia et Kyrion en étaient les architectes. Après des périodes difficiles, des combats interminables, des quêtes impossibles, les Consuls sortant avaient su mener les Elfes à la prospérité.

Face à la foule, attendant que les Elfes fassent silence, Kaeniel méditait sur ces récents évènements.

Elfes,

Vous connaissez tous la raison pour laquelle nous sommes réunis aujourd'hui. Sylia et Kyrion, après un travail acharné, ont décidé de se retirer. Devant vous tous, je souhaite les remercier et les féliciter pour ce qu'ils ont accompli. Lorsqu'ils sont arrivés à leur poste, Na'Helli allait mal, et la décadence nous guettait. Il y a eu des rebellions, des émeutes, mais ils ont su s'imposer et remettre de l'ordre dans notre belle cité. Grâce à eux, les altercations entre les Elfes des Lunes et les Elfes Nobles ont fortement diminué.

Après plusieurs combats, après des guerres sanglantes, le conflit avec les géants a été résorbé, au moins temporairement. Sigdil la Rebelle, notre voisine, n'est plus un problème. Les Olympiens, nos ennemis séculaires, ne sont pas une menace. Nous sommes en excellents termes avec les Hommes Sauvages.

Nous sommes forts, et nous avons su nous imposer sur Olympia. Tout cela, nous le devons à Sylia et Kyrion. Mes amis, au nom de tout notre peuple, merci, votre travail s'achève ici.

Mais notre vie continue, et même si nous sommes dans une situation favorable aujourd'hui, il reste énormément de travail. Une importante restructuration dans le fonctionnement de notre ville doit avoir lieu. Dace Tanuil et Polonëll Hal'Uechïr en seront les artisans. Ils ont déjà commencé leur travail, mais c'est maintenant que tout commence réellement.

Les Sentinelles seront restructurées, afin de les adapter à Na'Helli telle qu'elle est devenue. Nous allons continuer à améliorer notre ville, afin de pouvoir enfin rivaliser avec les peuples les plus avancés. Sylia et Kyrion ont posé les fondations de la grande Na'Helli, Dace et Polonëll l'édifieront.

Dace Tanuil, Polonëll Hal'Uechïr, vous êtes désormais les Consuls de Na'Helli. Votre nom est dorénavant écrit dans l'histoire.
Que les festivités commencent !