C’était un sentiment auquel on ne pouvait échapper, après avoir poussé la massive porte en chêne et fait un pas dans la pièce, cette idée vous envahissait l’esprit. Il y avait comme une odeur flottant dans l’air et un goût acre qui s’insinuait dans la bouche. La pénombre multicolore qui régnait - seule une lanterne au verre de multiples couleurs que certains nains affectionnent pendait au plafond - et les vieilles tapisseries accrochées au mur ne faisaient que renforcer l’agression. Et la pièce centrale, le petit lit à baldaquin ou était allongé un nain aussi blanc que sa barbe achevait de faire ressentir immédiatement au visiteur que la mort planait en ces lieux.
Le conseiller Dwallin était assailli comme les autres par le sentiment de mort, et à cela venait s’ajouter une profonde tristesse. Lui qui avait été aux côtés du Roi depuis le début, lui qui avait côtoyer ce nain tant d’années, maintenant celui-ci bien que plus jeune que lui était sur le point de retourner à la montagne.
Il poussa un profond soupir en s’approchant du lit, et posa son regard sur le visage du souverain. Thror I n’avait sûrement pas été le plus grand des Rois, mais il avait aimé son peuple et ne s’était jamais laissé séduire par toutes les tentations qu’offre le pouvoir, et pour ça Dwallin avait conçu le plus grand respect pour celui qui avait fait de lui son plus proche conseiller.
Et aujourd’hui il n’était plus rien, de son statut de Roi il ne lui restait que le cercle de fer qu’on lui avait laissé autour de la tête, depuis quelques jours, les brèves périodes où il était éveillé, il les passait à délirer dans sa fièvre. Mais aujourd’hui, d’après ce que les médecins avaient dit la fièvre avait baissé, et Thror I avait à son réveil prononcé dans un souffle le nom de son vieil ami, que l’on avait donc fait venir aussitôt, peut-être devait-on y voir un signe d’espoir.
Dwallin se posta donc à côté du lit, posant son regard triste sur le visage livide de Thror, qui ouvrit les yeux en sentant la présence à ses côtés.
« -Enfin te voila. » Le Roi tenta un sourire qui se transforma en un rictus de douleur.
-Oui c’est moi, qu'y a-t-il ? As-tu des ordres à donner ?
Seule une quinte de toux franchit les lèvres royales. En retrait les médecins et maîtres des runes présents se regardèrent et l’un de ces derniers s’approcha de l’autre côté du lit.
-Prends ton temps, les montagnes ne vont pas s’écrouler, encouragea Dwallin.
Le malade referma les yeux et prit quelques grandes inspirations sifflantes. Dwallin fut pris de pitié à cette vision, bientôt remplacée par une sourde colère, et jeta un regard circulaire à tous les prétendus sages qui devaient soigner le Roi et qui restaient plantés là à le regarder, ils n’avaient encore rien fait depuis le début !
Mais un vague murmure le rappela à l’ordre, son souverain avait rouvert les yeux et tentait à nouveau de parler. Dwallin s’approcha encore espérant pouvoir entendre quelque chose. Mais une toux plus violente encore interrompit le Roi, et Dwallin s’écarta. Enfin le silence morne revint un instant, et Thror leva à nouveau le regard vers Dwallin… Tandis qu'un unique soubresaut laissait cette fois du sang venir souiller sa barbe blanche comme neige. Dwallin comprit que les yeux rivés sur lui ne voyaient plus, désormais.
Le maître des runes qui s’était approché retira délicatement la couronne de fer des premiers Rois et la posa sur le torse du défunt. Puis on lui tendit un petit pot de teinture dorée et il trempa l’un de ses pouces dedans, et dans un geste fluide dessina une rune sur le front de Thror.
Quand il retira sa main, Dwallin contempla le signe. Comme le voulait tradition, c’était la rune de mort.
Le peuple nain n’avait à présent plus de roi.
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Par Tagazog le 26/01/2006 à 19:18
Par Ulrich le 02/02/2006 à 17:23