Cette nuit-là, Dormammu avait rêvé de sa mère, défunte. Puis de sa belle-mère, qui avait pris sa place dans le coeur de son père. Trahison, avait-il pensé à l'époque.
Faltine, son père. Il se revoyait à ses côtés, enfant, dans un champ à l'est de Zagnadar. Il était midi, ils cheminaient tranquillement vers la maison sous un soleil de plomb.
"Dormammu...", fit Faltine en s'arrêtant.
L'enfant ne reconnut pas la voix de son père. Il leva des yeux plissés vers son visage en contre-jour, incapable d'en deviner l'expression.
"Papa?
- Viens, Dormammu, viens à Quatar. J'ai à te parler."

Danger.
Ce sentiment éveilla la conscience du Géant de l'Air, et il s'extirpa de son rêve comme on fuit la tanière d'un loup.

Au matin, Dormammu se chargea de provisions et quitta Zagnadar. A ceux qui lui demandèrent où il allait - ils étaient rares - il répondit avec un mélange d'amusement et d'apréhension : "Vers ma destinée".


Après quelques jours de marche, il arriva à une chênaie, et décida de s'y arrêter quelque temps pour faire le point. L'obscure Quatar n'était plus qu'à quelques lieues.
Ce voyage n'était-il pas folie? Tout cela à cause d'un rêve. Mais non; ce n'était pas un simple rêve, il le savait bien. Quelqu'un l'avait contacté, il devait savoir qui et pourquoi.

D'autres individus partageait cet endroit avec Dormammu. Dica, un Nain, accompagnait Damahira, une Elfe. Pour ce qu'il en savait, ces deux races étaient pour le moins... incompatibles.
Ce qui suscita son intérêt, et le poussa à faire connaisssance. Mais seul Dica lui répondit, l'Elfe semblant plus que méfiante. D'autres Géants arrivèrent, et le groupe passa une soirée fort amicale.
Mais bientôt Dormammu retournerait à sa quête. Oui; il était temps de repartir.

Il longea la lisière de la Forêt Oubliée en direction du nord. Il croisa prudemment des membres de Bandeaux Sombres, qui se contentèrent de l'observer tels des prédateurs.
Alors il l'entendit. La voix.
La femme était drapée de noir; une mèche de cheveux masquait son oeil gauche; tout en elle évoquait le mystère. Les Bandeaux Sombres s'adressaient à elle en l'appelant "Prime Générale Shadow".
Dormammu s'approcha et lui dit sans détour :
"Salutations, Olympienne. Nous avons... à parler."
L'humaine sourit malicieusement. L'erreur était commune, elle ne la releva pas.

Il ne fut pas aisé de traverser la Forêt Oubliée avec les yeux bandés, mais c'était un souci bien mineur au regard de la situation dans laquelle le Géant s'était mis. Le bandeau lui fut retiré une fois à l'intérieur de Quatar, et il put s'entretenir avec Shadow.
Il commença par lui donner la raison de sa présence. La Générale fit mine de ne pas savoir de quoi il parlait. Etait-ce par amusement? Ou un simple test?
Par ailleurs, la présence d'un Lutin parmi les Bandeaux Sombres gênait Dormammu. Ces créatures plus qu'étranges ne lui inspiraient aucune confiance.
Alors il décida de lui parler comme elle lui avait parlé : par la pensée. Son affinité avec l'Air lui permettait de ressentir, deviner parfois les intentions d'autrui. Mais Shadow était une authentique télépathe. Elle perçut sa demande et ouvrit un canal psychique.

De ce qui s'échangea entre eux ce jour là, aucune oreille n'en perçut davantage. Du moins... aucune oreille mortelle.

Dormammu repartit le lendemain, les yeux non bandés. Il reprit le chemin de Zagnadar, murmurant le nom de son prochain objectif :
"Hardaway."