Histoire d'un exil volontaire | |
Topic visité 180 fois Dernière réponse le 27/04/2006 à 12:31 |
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Heinrich était vêtu de l’ample toge commune aux olympiens. Il fendait la foule sans véritablement chercher à éviter ceux qui ne s’écartaient pas. Les coups d’épaules qu’il donnait ou recevait ne lui faisait même pas lever la tête. Derrière lui parfois les insultes pleuvaient mais il s’en moquait, d’ailleurs pour la plupart il ne les entendait même pas. Bientôt il arriva sur une grande place au centre d’Ordenum et devant lui se dressait une grande bâtisse, l’Ordenuma Librarium, les archives des Chevaliers Noirs. L’olympien traversa la place et se retrouva face à la petite porte qui se trouvait sur le côté de l’édifice et qui menait autrefois à ses quartiers.
Il poussa la porte et il se retrouva dans la même pièce qu’avant. Rien n’avait changé, pas même l’endroit où il avait pris l’habitude de méditer voire de prier. Il s’approcha alors du petit renfoncement et se laissa tomber à genoux, portant les mains contre son front, paume contre paume. Soudain, comme un éclair traversant son esprit il se souvint d’une fois où le seigneur Slash l’avait surpris ici-même. Faisant volte face il se retrouva haletant mais avec en face de lui, un simple mur de pierres froides. Se décontractant il s’approcha de l’unique table de la pièce. Il y déposa un parchemin de quelques lignes. Il sortit alors et se dirigea vers les portes de la ville. Partout il entendait parler de la rumeur galopante qui voulait que deux Chevaliers Noirs aient quitté les Loups d’Ordenum. Bien que cela intéressait tout le monde, personne ne se souciait réellement de savoir ce qui leur arriverait ou même s’il fallait ou non les rechercher. Sortir de la ville fut donc une formalité pour l’ancien soldat de Slash. Ne restait qu’un parchemin dans ses anciens quartiers… |
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Vingt jours, cela faisait vingt jours qu'Heinrich était venu pour la dernière fois dans la bibliothèque, dans ses anciens quartiers. Le parchemin qu'il avait laissé était toujours là sur la table au centre de la pièce, semblant ne pas avoir bougé d'un iota. La seule lumière dans la pièce provenait du soupirail dont le verre était brisé, résultat de la haine que vouaient désormais à Heinrich certain citoyens d'Ordenum.
Un étourneau vint atterrir sur le rebord de la minuscule fenêtre et inclina la tête de gauche à droite, comme s'il observait l'intérieur de la pièce. Sautillant sur la pierre il s'avança et se glissa par là où le verre était brisé. Regardant dans tous les sens de manière saccadée il s'immobilisa ensuite avant de lancer un petit piaillement. Seul l'écho de la pièce lui répondit. Renouvelant son petit cri à plusieurs reprises, il perçut bientôt d'autres piaillements, moins forts mais plus aiguës. Le moineau s'envola alors dans la pièce pour venir se poser sur une poutre du plafond. La jonction de deux poutres porteuses abritait en effet son nid. Les oisillons piaillèrent de concert en voyant leur mère arriver, se poussant les uns les autres pour avoir la becquée le premier. L'étourneau adulte s'avança et commença à nourrir ses petits. D'extérieur on ne voyait que trois petites têtes dégarnies qui poussaient des cris stridents, le bec grand ouvert que leur mère prenait soin de remplir. Trois petites têtes, on aurait en effet eu du mal à les voir. Toutefois le vieux chat de gouttière qui dormait sous le bureau était loin d'être sourd... Ses yeux s'ouvrirent doucement et ses oreilles se dressèrent en avant. En le voyant, on aurait juré le voir plisser les yeux de malice. De sa démarche féline il longea le bureau, la tête levée. S'écartant sur la gauche, il grimpa nonchalamment sur une pile de vieux vêtements avant de faire un petit bond sur la chaise. Le vieux bois grinça et la paille craqua. Le chat s'immobilisa. Tout devint figé. Le chat se recroquevilla lentement. Le silence se fit quelques instants puis le piaillement des oisillons reprit, inconscients du danger. Le vieux matou se détendit et leva à nouveau la tête. Cette fois, il vit la queue de l'étourneau s'agiter au-dessus du vide. La langue de l'animal passa sur ses babines, signe annonciateur d'un bon repas. Grimpant sur le dossier de la chaise, il n'eut qu'un petit bond à faire pour se trouver sur un petit meuble, il grimpa ensuite sur une colonne de vieux parchemin et un autre petit bond l'amena sur l'armoire. Rampant du mieux qu'il put, il ne se trouvait alors qu'à quelques centimètres de la poutre. Le nid l'attendait au bout de celle-ci et pour le moment, les oiseaux semblaient ne pas avoir perçu sa présence. La proie du chat était l'étourneau adulte, c'est celui qui donnerait sûrement le meilleur dîner. Au pire il se rabattrait ensuite sur les petits et peut être prendrait-il même le temps de "jouer" un peu avec eux comme le font si souvent ceux de son espèce avant de dévorer leurs prises. L'animal était maintenant sur la poutre, il avançait doucement, silencieusement, pas à pas. L'étourneau, occupé à réorganiser quelques peu les brindilles qui confectionnaient son nid, lui tournait le dos. A peine quarante centimètres séparaient maintenant les deux animaux. Le chasseur se campa sur la poutre et roula légèrement des épaules, ronronnant presque d’avance. Une petite brise se levait dehors et l’étourneau s’ébroua, appréciant les douces chaleurs de cette période de l’année. Quelle belle journée devait-il penser ! Vif comme l’éclair, le chat bondit, toutes griffes dehors. Dans un réflexe l’étourneau tenta de s’envoler mais vint se heurter sur la poutre transversale qui coiffait le nid. Se hissant sur ses pattes arrières le chat le rattrapa avec ses pattes avants et l’enfourna du mieux qu’il put entre ses crocs. La réception fut toutefois autrement moins évidente. Les pattes du chat ne trouvèrent rien à quoi s’agripper et celui-ci bascula dans le vide, relâchant l’oiseau sous l’effet de la peur. Le félin tomba sur le bureau et fit s’envoler de nombreux parchemins avant de s’enfuir tout penaud par le soupirail. La pièce redevint silencieuse, les parchemins voletant encore à gauche et à droite. Puis tout retomba sur le sol…tout… y compris le parchemin d’Heinrich. La face écrite de sa main s'était posée au verso, la face apparente laissa entrevoir un étrange signe, une écriture que peu d’Olympiens connaissaient, l’écriture elfe ! Les lettres semblèrent rougirent doucement puis de plus en plus fort. Un elfe aurait pu lire sur le parchemin : «Foyer incandescent» Au moment où les lettres devinrent jaunes le papier s’embrasa et la pièce fut quasiment instantanément baignée de flammes. La fournaise se répandit rapidement dans le bâtiment, menaçant l’ensemble de l’édifice. La seule chose de vivant qui survécut, fut un étourneau, obligé d’abandonner ses petits dans un enfer de chaleur. Pour les Olympiens qui désiraient sauver des livres ou autres ouvrages, il n'y avait alors plus un instant à perdre ! |