Dans cette chronique sera relatée l'évolution de Thyrias Leïthael après sa démission du poste de consul.

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Thyrias, comme à son habitude, se tenait face aux Elfes, non loin de l’arbre des murmures. Mais cette fois, personne ne savait pourquoi il avait convoqué l’ensemble des citoyens de Na’Helli. Et personne ne se doutait que ce serait la dernière fois. Le Chant du Renouveau allait apporter un grand changement au sein de la ville elfique. Légèrement en retrait par rapport à lui se tenait Kaeniel. C’était particulièrement inhabituel, le Juge n’avait jamais assisté à un des discours du Consul depuis trois ans, lorsque Taùrnil Nioren avait été tué dans un dramatique accident. De ce fait les rumeurs commençaient à aller bon train, mais elles s’estompèrent rapidement lorsque Thyrias leva la main pour réclamer l’attention :

Bonjour à tous.

Le silence s’établit alors complètement.

Comme vous le savez, la plupart des bâtiments de la ville sont très anciens. Si je vous ai rassemblé aujourd’hui, c’est pour la simple et bonne raison que nous nous devons de faire quelque chose. Les bâtiments ont presque tous été fermés, et nous ne pouvons pas nous en passer. C’est pourquoi Kaeniel est là aujourd’hui. Il sera chargé de prendre en main la reconstruction de la ville. Il est sage et saura bien mieux que moi où se situent les priorités dans ce domaine.

Immédiatement, un brouhaha s’éleva. Chaque Elfe voulait avoir son mot à dire, on entendait parler de l’université, des forges, et de tous les bâtiments qui pouvaient avoir plus ou moins d’utilité dans la vie quotidienne des Elfes.

S’il vous plait, calmez vous. Kaeniel vous écoutera, et il prendra la meilleure décision qui puisse être. Mais maintenant, je voudrais vous parler d’autre chose, et c’est la vraie raison de ce discours.

Le silence revint immédiatement, permettant à Thyrias de continuer :

Aujourd’hui sera la dernière fois que je vous parlerai en tant que Consul. Depuis la mort de Taùrnil, j’ai du faire énormément de sacrifices pour permettre à la ville de continuer à avancer. Aujourd’hui, je suis las. Tout cela est terminé pour moi. C’est pourquoi des élections vont être organisées, afin de placer deux nouveaux Consuls à la tête de notre ville. En attendant, je laisse l’intendance à Kaeniel. C’est pourquoi je lui ai demandé d’être présent aujourd’hui. Merci à tous ceux qui m’ont soutenu dans ma tâche, il est temps pour moi de tirer ma révérence.

Kaeniel s’adressera à vous un peu plus tard, pour le moment, pour célébrer mon départ, j’ai prévu une petite fête...

Il adressa alors un geste à deux Elfes qui étaient resté en retrait, derrière la foule. Ensemble, ils saisirent et retirèrent l’immense toile elfique qui masquait le somptueux buffet ordonné par Thyrias. La plupart des Elfes, encore sous le choc provoqué par l’annonce de celui qui était désormais l’ancien Consul de Na’Helli, mit un certain temps à se décider avant d’approcher les délices qui reposaient à l’ombre de l’Arbre des Murmures. Mais petit à petit, une joyeuse ambiance s’installa, chacun discutant de ce que venait de leur annoncer Thyrias et trinquant à sa santé.

Sans se douter que cette petite réception allait être le tournant de sa vie, Thyrias s’enfonça dans la foule pour retrouver ses amis.

Bousculée par la foule mais accrochée fermement à son frère, Kyra regardait Thyrias se rendre vers le buffet que peu de monde attirait. Elle n’avait pas saisi ce qui venait d’être dit. Thyrias quittait sa place de Consul ? Etait-ce possible ? Lui qui avait apporté tant de bien être à Na’Helli.

Elle posa son regard sur son grand frère et lui sourit. Elle pensa tout d’abord que sa décision n’était pas sure et qu’il pouvait changer d’avis, mais après tout il devait avoir de bonnes raisons…

Elle reprit ses esprits et croisa quelques uns de ses amis, dont Ilykam son ami d’enfance. La jeune elfe cherchait Thyrias dans la foule d’elfes qui discutaient de la démission du Consul et d’autres choses. Ses yeux bougeaient dans ses orbites aussi vite qu’elle le pouvait. Elle perdit patience et s’énerva après son frère qui éclata de rire. Elle partit vexée vers le buffet où elle prit un verre de jus de raisin. Se retournant pour repartir vers ses compagnons, elle heurta quelque chose de dur. Kyra releva la tête et vit alors une énorme tache de liquide répandue sur une magnifique robe blanche.

Au début, elle sembla d’autant plus énervée, mais lorsque sa tête se releva, elle écarquilla les yeux : c’était Thyrias. Elle ouvrit sa bouche mais aucun son ne sortait à part un minable : « Désolée » à peine audible.

Elle paniqua un moment ne sachant quoi faire, son cœur doubla ses battements. Elle prit ensuite une serviette sur le buffet et essuya sans réfléchir la tache. Malheureusement, elle s’amplifia et Kyra rougit jusqu’à la pointe de ses oreilles regardant Thyrias avec de gros yeux.

Quelque temps plus tard...

Thyrias était sorti de la taverne passablement énervé. Cette Elfe totalement inexpérimentée allait considérablement le ralentir... Et puis il devrait veiller sur elle... Quelle plaie. Et Sylia, d'habitude si raisonnable et sage, qui l'encourageait comme si ça ne posait pas de problème. A quoi rimait tout ça ? Est-ce qu'il se pourrait que... Cela expliquerait alors ses réactions. Mais que viendrait faire Sylia là dedans ? Peu importe. Il y avait plus urgent.

Préparer le voyage, voilà ce qu'il y avait à faire maintenant. Vu qu'il ne partait plus seul, ses préparatifs ne suffisaient plus. De retour chez lui, enfin, à l'endroit où il avait décidé de vivre depuis sa démission du poste de Consul, Thyrias commença à rassembler tout ce dont-ils allaient avoir besoin pour affronter le désert. Son épée, bien sûr, mais aussi quelques armes rudimentaires, comme un lance-pierre et un bâton de combat, ça permettrait peut-être de former Kyra, afin qu'elle l'encombre moins. Il y avait aussi les rations de nourritures, il devrait en porter plus que ce qu'il avait prévu d'emmener pour lui seul. De toute façon elle ne porterait rien, mais même sans rien faire, Kyra aurait besoin de se nourrir. Maudissant le destin qui l'avait mis en présence de Kyra ce soir, il finit par se coucher. Elle avait intérêt à être prête, sinon elle resterait à Na'Helli. Elle ne connaissait rien en dehors de la forêt, et il comptait partir pendant plusieurs saisons. Qu'allait-elle faire, seule, loin de sa famille et de ses amis ? Elle voudrait rentrer au bout de quelques jours, c'était certain. Au premier animal sauvage rencontré son pseudo courage de ce soir s'évanouirait. Les serpents, les scorpions, voilà ce qui l'attendait. Mais elle ne pourrait pas... Et il s'endormit.

Quelques heures plus tard...

- ...ias ?
- Hmm ?
- Monsieur Thyrias...

Le jour se levait à peine. Et elle était déjà là. Thyrias ouvrit les yeux, surpris.

- Kyra... Bonjour... Mais tu ne pouvais pas attendre que je...

Il s'arrêta alors de parler, stupéfait.

- Qu'est ce qu'il y a Monsieur Thyrias ?
- Kyra... Tu comptes aller dans le désert habillée comme ça ?

Kyra vira alors au rouge vif. C'est dans une robe magnifique qu'elle s'était présentée à lui, voulant probablement faire bonne impression. Et de ce côté là, c'était plutôt réussi, elle était vraiment belle. Mais pour aller dans le désert... Embarrassée, elle tenta de répondre :

- Et bien... Euh... Je... J'ai pensé que...
- Tu as mal pensé. Dans le désert il faut pouvoir se déplacer rapidement, et avoir une tenue assez légère, la chaleur est étouffante là bas. Mais il faut aussi prendre des vêtements chauds, la nuit est parfois très froide... Et puis tu vas me laisser me lever tranquillement. Revient dans un petit moment, et habillée convenablement.

Ne sachant que répondre, Kyra s'éclipsa. Décidément, ce voyage allait être atypique. Penser partir en robe... Quelle idée... Sylia aurait pu lui expliquer qu'elle n'allait pas à un bal... Eau froide. La journée commence mal avec ce réveil inopportun. Thyrias passa ses vêtements et ferma les sacs qu'il comptait emmener tout en continuant à réfléchir. Elle était drôlement jolie tout de même habillée comme ça... Elle n'a pas sa place dans le désert. Bon je suis prêt... C'est parti.

Thyrias poussa la toile qui lui servait de porte et... se trouva nez à nez avec Kyra qui attendait juste devant.

- Je suis prête !

Cette fois-ci, elle était parée. Aucun doute, il y avait Sylia derrière tout ça... Mais pourquoi ?

- Je vois ça... Allons dire au revoir aux autres...
- Je... Je leur ai déjà dit au revoir...
- Et bien attends moi ici !

Un peu de calme... Il me faut du calme... Thyrias s’éloigna rapidement.

Peu de temps après, les deux Elfes quittaient Na’Helli. Et un lourd silence s’installa. Il allait durer jusqu’au soir. Toute la journée, ils avancèrent dans la forêt. Thyrias progressait vite, et Kyra essayait de le suivre tant bien que mal. Une rapide pause pour se restaurer, et ils étaient repartis. Cela fait des heures que nous marchons… Je ne pensais pas qu’elle tiendrait si bien longtemps. Elle devrait bientôt craquer... Mais elle ne craqua pas. A la tombée de la nuit, Thyrias décida qu’ils avaient assez avancé pour cette première journée de voyage. Elle doit être épuisée... Et... Mais... Kyra semblait harassée. Cela faisait des heures que ses jambes la faisaient souffrir, mais elle n‘avait rien dit. Maintenant qu’elle s’était assise, elle avait du mal à contenir ses larmes.

- Mais... Pourquoi ne m’as tu rien dit ? On aurait pu faire des pauses, s’arrêter plus tôt...
- Non Monsieur Thyrias, mais...
- Kyra, voyons, tu ne vas pas continuer à m’appeler comme ça… Nous allons passer des semaines ensembles... Thyrias d’accord ? Tu te montres courageuse, mais si tu n’es plus capable de marcher dans les jours à venir parce que tu as trop forcé aujourd’hui, cela va poser problème...

Ecarlate, Kyra répondit :
- J’y arriverai...
- Très bien Kyra. Mais si ça ne va vraiment pas... Préviens-moi.
L’elfe détourna le regard et ne tarda pas à s’endormir, épuisée par les efforts de la journée. Thyrias songeur, finit à son tour par sombrer dans le sommeil.

Effectivement, la journée du lendemain fut difficile. Mais au plus grand étonnement de Thyrias, Kyra ne renonça pas. Elle est tellement déterminée... Je me demande ce qu’elle cherche à prouver... Thyrias choisit de s’enfoncer dans les profondeurs de la forêt, loin des sentiers qui auraient pu leur permettre de quitter la forêt rapidement. Il n’avait pas le choix, il fallait qu’elle devienne endurante et elle avait encore énormément de choses à apprendre avant de sortir de la forêt. Cette partie du chemin était infiniment plus facile que ce qui les attendait par la suite.

- Kyra... Ecoute.
- Et bien... Je n’entends rien...
- Tu es sûre ?
- … Je pense oui...
- Et ça ne te gène pas ?
Oui, tu commences à voir où je veux en venir...
- Et bien...
- Oui tu as raison. Aucun bruit. Aucun cri d’animaux. Pourtant nous sommes loin de Na’Helli maintenant.
- Mais… Ils ont du sentir un danger... Qu’est ce que c’est ?
- Te souviens-tu avoir entendu des cris d’animaux depuis notre départ ?
- Euh...
Kyra s’arrêta net, semblant stupéfaite.
- Non... ne me dit pas que...
- Et si. Nous n’avons pris aucune précaution depuis le départ... Les animaux nous fuient, nous sommes trop bruyants. Et il va falloir que ça change.

Et la formation de Kyra commença. Inlassablement, elle s’attelait aux exercices que Thyrias mettait en place pour elle, apprenant à se repérer, à pister, à chasser. Chaque jour, elle s’émerveillait des nouvelles choses qu’elle découvrait, et chaque jour Thyrias élevait un peu plus le niveau. Kyra devenait enfin une véritable Elfe.

- Thyrias ?
- Oui ?
- Et bien… Pourquoi on va par-là ? Jusque là je me disais que la forêt était immense, mais...
- Mais ?
- Bah... D’après les cartes, on devrait aller au sud-ouest… Et là on marche vers le nord...


Le visage du ranger s’illumina.
- Effectivement... Tu as mis un certain temps à t’en rendre compte d’ailleurs, enfin, à le dire tout du moins...
- Tu veux dire que tu nous perds volontairement depuis le début ?

Souriant, Thyrias continua :

- Non, je ne suis pas perdu… Toi par contre...
- Mais je te suis moi... répondit-elle, dépitée.
- Oui, sans où tu vas ! ajouta Thyrias, narquois.
- Mais puisque tu es là...
- Je suis là pour t’apprendre ce que je sais non ?
- Mais c’est pas une raison pour nous faire prendre la mauvaise direction !

C’était trop pour Thyrias. Il éclata de rire devant l’indignation de la jeune elfe, ce qui n’arrangea rien. Un instant plus tard, elle se précipitait sur lui les poings en avant. Toujours riant, il la repoussa tant bien que mal pendant quelques instants, avant de perdre l‘équilibre et de l’entraîner dans sa lourde chute. Malgré les coups qui continuaient de pleuvoir, Thyrias la serra contre lui, arrêtant net l’attaque de l’elfe.

- Thyrias qu’est ce que...
- Arrête Kyra... Il fallait que tu passes par là pour progresser... Tu es douée tu sais, tu as vite progressé…
De nouveau rougissante :
- Et euh... Bah... Merci...
- Bon il te reste encore pas mal de choses à apprendre, mais c’est en bonne voie. Le combat par exemple… Il fit une pause, avant de conclure : ta petite démonstration d’il y a un instant n’était pas vraiment très convaincante...
A ces mots, elle le regarda de nouveau, piquée au vif, le repoussa violemment et s’éloigna en pestant après lui.

Le ranger la regarda s’éloigner, un large sourire aux lèvres. Elle se débrouille pas si mal après tout.

Un pigeon arrive à tire d'aile.

Bon voyage Monsieur Le Consul et bon courage à vous Dame Kyra. Grâce à vous nous avons eu un festin fabuleux et je tenais à vous remercier personellement.

Starv.

La jeune elfe était maintenant vexée. C’est malin ! La dernière fois qu’elle avait fait la moue c’était à son frère Aërandir et son ascension avait duré un mois entier... Les dires de Thyrias l’avaient, pas blessée, mais énervée. Il la prenait pour une petite fille noble qui n’y connaissait rien. Pourtant, elle venait de lui prouver que malgré sa musculature et sa vie quotidienne, elle avait les capacités pour être aussi bonne... même meilleure que lui !
Elle avança donc dans la forêt sans trop savoir où elle se dirigeait. Fière comme pas deux, elle continua et n’entendit que ces pas. Ceci l’inquiétait de plus en plus. Puis dans un moment de panique elle se retourna rapidement. Thyrias la suivait. Il haussa un sourcil.

-Ah... vous êtes là…

Elle se détourna, n’attendant pas la réponse de l’elfe. Elle s’enfonça dans les boisés sans savoir où il était. Tout d’un coup, elle se souvint de la conversation qu’elle avait eu avec son entêtement soudain… Où étaient ils ?

-Heu...
-Oui ?
-On est où ?, dit-elle d’une voix tremblante.
-Hé bien, juste à la lisière de notre somptueuse forêt, juste au sud de Na’Helli.
-Bah... Je le savais !, répliqua-t-elle en souriant. Donc maintenant... On va plein sud !

L’ex-consul approuva d’un signe de tête. Elle attendit qu’il prenne les devants et le suivit de près...

Quelques jours après, Kyra commençait à ressentir une fatigue qui pesée sur ses petites épaules. Mais elle adorait ça ! L’aventure, le plaisir d’apprendre de nouvelles choses, la nature et surtout le silence. Les discussions entre les deux elfes étaient brèves et directes.
La nuit descendit doucement sur l’horizon. Il n’y avait que des vastes étendues d’herbe avec quelques ruisseaux et des arbres en garniture. Thyrias s’arrêta, mais Kyra, ne faisant pas attention, le heurta. L’elfe jeta un œil au dessus de son épaule et découvrit la mine fatiguée de la jeune apprentie.

- Bon, hé bien on dormira ici cette nuit. Je vais chercher du bois pour le feu, prépare notre repas s’il te plaît.

Kyra s’exécuta sans dire un mot. Elle sortit de son sac quelques fruits ainsi que des légumes. Elle attendit sans bouger que Thyrias reviennent.
Ses yeux fixaient les flammes qui dansaient, elle ne remarqua pas le retour de Thyrias. Elle resta un moment immobilisé puis releva les yeux sur l’elfe, elle lui tendit ce qu’elle avait extrait du sac.

- Kyra ça va aller ?

Comme si elle venait de se faire pincer, elle sursauta. Son visage tombait et ses yeux étaient tous petits.

- Oui je suis juste fatiguée mais je tiens., dit-elle d’un ton assuré, fronçant les sourcils et souriant.

Elle croqua à pleines dents dans la carotte. Le repas dut silencieux jusqu’au moment où il ouvrit la bouche.

- Où sont les gourdes ?
- Oh excusez moi j’ai oublié de les sortir.

Elle agrippa son sac et le tira vers elle, faisant tomber tout ce qu’il contenait. Elle prit une gourde pleine la lui donna. Il la remercia d’un signe de tête et d’un sourire. On pouvait voir sa rougeur à la lueur du crépuscule et à la lumière qui émanait du feu crépitant. Elle finit sa carotte et rangea les affaires tombées plus tôt. Repus de ce qu’ils avaient avalé, ils s’endormirent.