Alraïk Deltarod | |
Topic visité 746 fois Dernière réponse le 01/06/2009 à 20:26 |
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[Attention, ce texte contient certaines phrases, et certains termes pouvant choquer, je demanderais donc aux personnes sensibles ou trop jeunes de prendre garde au contenu.]
« Deux chiens galeux, incapables d’enfanter, atrophiés et stériles, aux allures d’aristocrates. Une chance, une bénédiction d’après eux. Foutaises ! Un foutu rejeton né des envies bestiales d’un bâtard insatisfait. Un enfant de putain, mis à bas dans une grange, laissé sous un perron… d’après moi. Grand-belle fut mon enfance, ma jeunesse et mon éducation, sous la tutelle de prestigieux précepteurs, m’inculquant tout le savoir-vivre nécessaire à un noble de mon acabit. Tout me fut enseigné afin que je ne manque de rien, comment s’habiller, monter à cheval, se tenir à table, en société, détourner les propos afin de dire ce que l’on pense de la manière la plus compliquée possible… rien ne fut laissé au hasard, j’eu même droit à de nombreux cours d’escrime, avec, dit-on, un maître d’armes plus que renommé. Quelle importance. Cette toile de soie a laissé place à un chanvre au gout amer. Ma vie onirique et cousue de fil blanc se déchira le jour de ma seizième année. Arrivant à un âge où l’on devient un homme, où la maturité nous saisit de sa fichue étreinte empoisonnée, mes parents décidèrent de m’avouer que je ne venais de nulle part… pas du ventre de celle que j’appelais « mère » en tout cas. Probablement étais-je le fils non désiré d’une catin engrossée par un clochard… dans le meilleur des cas. Les deux escrocs qui m’avaient élevé m’avouèrent que leurs tentatives de donner naissance à un enfant étaient vaines, et que j’étais pour eux la preuve que les miracles existent. Mais quel miracle ! Je n’ai pas en tête tous les souvenirs de ce jour-là… et je ne sais pas vraiment comment ai-je réagi à cet aveu, mais il me semble que quelques portes furent claquées, devant les supplications pitoyables d’une usurpatrice inféconde. Peu de temps après, je quittai cette demeure, laissant derrière moi un rêve duquel j’aurais probablement aimé ne jamais me réveiller. Ainsi commençait ma nouvelle vie, une vie de casernes, de camps, de cicatrices, de sang et d’acier. L’on pourrait me demander pourquoi un changement si brutal, et pourquoi avoir abandonné une vie si merveilleuse pour m’enrôler dans la soldatesque et ne devenir qu’un simple morceau de viande, se sacrifiant pour un monde en lequel je n’avais plus de raison de croire. Il s’agissait là tout simplement du moyen le plus simple d’obtenir une solde, un toit, et du pain. Mais que l’on se rassure, je ne mis que très peu de temps avant d’éprouver le regret d’une couche confortable, de soupes chaudes, et d’interminables journées à s’allonger dans les hautes herbes par un soleil de plomb. Tout ici était si différent, si difficile, et je ne voyais le monde qu’avec ma part de jeune noble ignorant, alors qu’il m’aurait fallu ouvrir mon œil latent d’enfant de catin… ce que je fis dés que je compris que le monde n’était pas un champ de hautes herbes dans lequel l’on se reposait avant de lire un long ouvrage sur la vie d’un artiste enterré depuis des décennies, mais un champ de bataille boueux et poisseux, couvert de sang et de cadavres, sous une pluie torrentielle, par une nuit sans lune où seule régnait la loi du sang. Ainsi commencèrent de longues années militaires à servir une cité, une nation, et un monde que le temps avait fini par me faire relativement apprécier. Les premières années furent difficiles, et mes quelques et pitoyables connaissances d’escrime et d’équitation n’avaient plus aucune utilité devant la réalité des combats qui m’attendaient. Les premiers temps de mon apprentissage me donnèrent de telles nausées que je ne concevais pas de continuer ainsi toute ma vie, aussi, à maintes reprises, décidai-je d’abandonner ce choix, selon moi, trop rapidement entrepris, afin de m’en retourner à une vie moins tumultueuse, au calme à faucher d’imposants champs de blé doré. Quelle pitoyable imbécile je faisais alors. Une vie minable à trimer dans la bouse et le lisier pour ne manger qu’à peine, et mourir de froid, de maladie ou d’une façon toute aussi piteuse sans ne jamais voir gloire, honneur ou prestige. Puis les années passèrent, comme elles devaient passer, le temps faisait son office, peu à peu mon expérience grandissait dans le domaine du sang et de la mise à mort, et nombreuses furent les escarmouches dont je fus membre. Ne me souciant ni des stratagèmes à employer, ni foncièrement des objectifs à atteindre. Mon esprit, mon corps et mon âme ; tout mon être, ne se concentrait plus que sur l’adversaire se trouvant devant moi, faisant obstacle au prochain. Les champs de batailles devenaient mes exutoires, mes lieux de prières, mon toit, mon pain et mon vin. La pitié n’animait en rien les sanglants moulinets que faisait ma lame, tranchant, découpant, broyant la vermine sans ne jamais rompre son macabre rythme. Cette période de ma vie fut des plus désordonnées, ne sachant plus qui j’étais, qui je servais, qui je devais écouter, ou ne pas écouter. Le monde autour de moi n’était plus qu’une ombre intangible, dont je ne me souciais guère, ne vivant plus que par et pour les batailles et les combats, dont je me sortais miraculeusement toujours vivant. L’on me félicita de nombreuses fois pour mon implication dans la sécurité de nos terres, et je fus même affublé de quelque surnom élogieux. Foutrebleu, si ces chiens savaient ce que je pense aujourd’hui de leurs récompenses, de leurs remerciements et de leurs surnoms, ils me pendraient au bout d’une corde, les tripes à l’air. Et puis arriva un moment où ma conscience décida de se réveiller, et m’envoya sa plus belle francisque en travers du visage… inutile. Toute ma vie de foutu bâtard, d’enfant de catin, était jusqu’à maintenant inutile. Un simple pion sur l’échiquier d’un monde dont je ne comprenais pas la signification, sans repère, sans lanterne, et sans guide, je ne pouvais plus que me cantonner dans mon propre monde de destruction et de mort. C’est ainsi que commencèrent quelques années de réflexion et des pensées, loin des tambours de guerre, cherchant ma propre philosophie de vie, mes propres principes, ma propre notion de la justice, de l’équité et de la loyauté. La sauvagerie et la barbarie qui m’animaient alors s’évanouirent peu à peu, laissant place à un sentiment de vie gâchée et perdue. Il me fallait rassembler les morceaux en miettes de mon esprit ravagé, et en extraire ce qu’il y avait de meilleur… même s’il n’en restait pas grand-chose. Je trouvais alors la sérénité dans de longues et interminables marches, en conflit, et pourtant en pleine union, avec mon esprit. Peu à peu, je devenais quelqu’un, et développais une philosophie de vie, mais surtout une personnalité, je n’étais plus l’engeance d’une catin, ni l’enfant adoptif d’une riche Maison, ni même le fils désemparé de la guerre. J’étais moi, simplement moi, l’engeance de mon expérience, l’enfant de mes dogmes, le fils de mon propre monde. C’est à cet instant que je décidai de ne plus être l’arme de l’empire, la lame aiguisée d’une nation dont les principes m’échappaient, ne plus obéir et recevoir les ordres, tel un infâme molosse idiot et stupide, les ordres, maintenant, je les donnerais… Mais de mon intérêt nouveau pour la politique naquirent la connaissance et la compréhension, enfin je voyais clair, tout n’était qu’amas de valeurs hypocrites et infondées, de faux-semblants, et de fine dentelle. La dure et percutante réalité se noyait derrière un voile doucereux de discours écrits avec le sang des naïfs bâtards de mon espèce. Quelle ironie…avoir servi ces foutues charognes tant d’années, pour maintenant constater à quel point leurs préceptes et leur foi cachaient une soif inextinguible de reconnaissance et de puissance. Basse extrace, vous et vos doctrines finirez sous les crachats qui couvriront vos épitaphes. Les choses devaient changer si le monde voulait changer. Ainsi ai-je décidé de changer les choses, afin de permettre au monde de changer un peu. Mes quelques années d’expérience en temps que soldat au sein de l’empire m’avaient offert une dextérité et une habileté en combat non négligeable, et mon ermitage m’avait, quant à lui, permis de développer une façon de penser précise et stable, qui me permettrait de garder les yeux rivés sur un objectif qui m’était parfaitement clair. Les paladins…. La fière armée de Lardanium, la milice organisée, pleine d’honneur, de droiture et de loyauté….quelle bande de joyeux poltrons. Ces soulards soumis, rêvant de destinée héroïque en prônant une parole qu’ils ne comprennent qu’à peine, et dont la pertinence profonde leur échappe parfaitement… ces enfants de cul-bénis trainant leur viande sur les champs de batailles, pour montrer leur foi et leur vertu, tranchant des têtes au nom des Dieux, n’assumant en rien les conséquences envisageables de leurs actes. Les peuples d’Olympia méritent un avenir plus grand, dont les marches ne seraient pas enjolivées de mensonges et de codes d’honneur... C’est ainsi que je décidai de former une troupe de combattants, ne se battant ni pour l’honneur, ni pour la reconnaissance, ni au nom de quiconque, mais simplement pour la liberté de vivre sur une terre aimée." |
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HRP: Le meilleur texte de mon point de vue qui ait été posté ici. Brutal, concis et incisif, c'est une écriture qui ressemble au tranchant d'un couteau.
Pas de fioriture, ça tape et ça fait mal, mais le résultat est très joli. Un peu cynique et pas à mettre dans toutes les mains cela dit, l'avertissement au dessus n'était pas volé :P |
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Hrp : Ton texte aurait gagné en lisibilité si tu avais placé quelques retours à la ligne et peut être un peu plus aéré ta chronique. Voila pour la forme.
Pour le fond, tu as un très bon style, qu'on pourrait qualifié de sauvage et de tranchant, comme le dit si bien Sayan. Je me suis régalé en la lisant ![]() |
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HRP: Très riche et parfaitement rythmé à mon sens. Je me suis régalé. Bonne continuation, chien galeux ![]() |