Le coeur du problème. | |
Topic visité 442 fois Dernière réponse le 15/01/2012 à 12:42 |
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Le Chaman avait fait conduire l’Intendante du clan du Cerf dans une chambre inoccupée de la Tanière, au second sous-sol, là où Anastase ne viendrait probablement pas les déranger. Le Prince, malgré tout ce qu’il laissait paraître, ne semblait pas apprécier la Tanière et ses environs. Un peu trop sauvage à son goût, peut-être.
Lui mentir n’avait posé aucune difficulté au Chaman. La situation l’imposait. Et Anastase devait être en confiance. Si Elen échouait dans sa tentative, l’Olympien serait probablement mis à contribution. Et de manière fort peu sympathique. Dans son souvenir, Elen n’avait jamais vu Aileen aussi profond dans la demeure de son Clan, dans les quartiers des Loups eux-mêmes. La température en ces lieux était agréablement douce, toute l’année. C’était la partie de la Tanière que l’on chauffait le moins. Les couloirs étaient savamment éclairés par des globes emplis de lucioles que les Loups élevaient et soignaient de leur mieux. La chiche clarté et le mouvement incessant des insectes donnait au lieu une ambiance toute particulière. Elen invita d’un geste sa consoeur à s’installer sur le lit tandis qu’il se prenait pour lui-même une chaise en bois. Aileen s’assit silencieusement, légèrement tendue. Maintenant qu’Anastase n’était plus en vue, elle était un peu moins furieuse mais des relents de colère persistaient à lui tendre tout les muscles. L’elfe examina d’un rapide coup d’oeil les environs. Elle n’était jamais allée aussi loin dans la Tanière, se contentant d’en fréquenter la surface à l’occasion... L’intérieur était des plus étranges, mais pas désagréable... Elle trouvait amusantes les lucioles qui servaient à l’éclairage des souterrains. Elles donnaient un côté un peu surnaturel au lieu. Mais pour l’heure, ce genre de détail avait plutôt tendance à l’angoisser un peu. Et puis elle ignorait tout de la raison de sa présence à la Tanière. Elle en avait bien une vague idée, qui s’était quelque peu précisée suite à l’entretient avec le prince, quelques instants auparavant, mais pourtant elle craignait toujours un peu la suite. Depuis le temps qu’elle n’avait pas vu le Loup, dans quel état d’esprit se trouvait-il...? Surtout après tout ce qu’il s’était passé... Elen la scrutait, son regard bardé de cernes intensément braqué sur la jeune Cerf. Ses yeux avaient retrouvé leur aspect habituel, mais son corps marqué du bleu des anciens Elfes portait encore les stigmates de sa transe, de son esclavage et de sa lutte. Il avait peu récupéré depuis la tragique mort de No’Irin. Il se refusait tout repos et ne semblait trouver de réconfort que dans cet incessant labeur. - Aileen. Je suis heureux de te voir. annonça-t-il, avec un sourire légèrement forcé, tout en s’installant sur le siège qu’il s’était choisi. Tu m’as manqué. Comment vas-tu ? Elle lui rendit son sourire, osant à peine le regarder dans les yeux. - Hé bien, ça peut sembler difficile à croire, mais je vais plutôt bien. Demi mensonge. elle était furieuse, et peinée, aussi. Mais mis à part ça, oui, ça pouvait aller... Manisfestement, Elen, lui, n’allait pas aussi bien... Mais elle n’osa pas lui poser de questions à ce sujet. - Bien... C’est une bonne chose. Je me suis beaucoup inquiété à ton sujet, tu sais ? Elle baissa les yeux sur ses mains qu’elle tenait sur ses genoux serrés, penaude. - Je... Oui... Je m’en suis doutée, que tu t’inquiéterais, après qu’on se soit vu à l’entrée de Lardanium... J’aurais voulu t’écrire un message pour te dire que ça allait, vraiment, pas de simples mensonges pour te réconforter... Mais je n’en ai pas trouvé le temps... Et puis je ne savais même pas où tu te trouvais... Je suis désolée... J’aurais dû reprendre contact plus tôt... - Quelle folie aussi que de se rendre à la mer Émeraude. Pourquoi n’es-tu pas restée à l’abri, à Lardanium ? J’aurai pu venir te voir. J’aurai pu venir te chercher. Les choses auraient pu être tellement différentes... - Pourquoi venir me chercher ? Tu avais déjà tes propres problèmes... Et je n’ai pas vraiment eu le choix de partir pour la mer Émeraude ou non. De toute façon il fallait bien aller voir ce qu’il s’y tramait. Et puis, finalement, je ne regrette pas ce qu’il s’est passé, tu sais... Je m’étais imaginé le pire mais rien de tel n’est arrivé. Tu ferais mieux de t’inquiéter de toi... - Écoute, Aileen : je serais allé te chercher où que tu sois, pour peu que le destin ne m’en ait pas empêché. Promets moi, promets le du plus profond de ton âme : tu ne dois plus jamais prendre de tels risques. Le Chaman analysait les propos de Aileen, son esprit échafaudant mille et une hypothèses pour tenter de comprendre le lien singulier qui unissait la Cerf à l’Olympien qu’elle s’était choisi. Le Prince avait la réputation d’être un bon vivant, si l’on pouvait dire les choses ainsi. Qu’Aileen ait été un temps sous son charme n’avait rien d’étonnant, tout au moins cela n’étonnait pas Elen qui lui-même était déjà tombé dans les bras d’une belle Olympienne. Les sentiments dont faisait preuve Aileen tenaient plus du fanatisme aveugle que de l’amour véritable, il en aurait mis sa main à couper. Un enchantement, alors ? Probable. Les médecins incompétents de la Noblesse de Na’Helli sauraient certainement déceler la présence de la magie si on le leur demandait avec une bourse bien remplie de bon or. Mais briser le sort ? Certainement pas ! Le Loup n’avait aucune confiance en la Noblesse qui s’acharnait à lui donner raison sur ce point jour après jour. - Me le promets-tu ? demanda-t-il, d’une voix calme et posée, plongeant son regard dans celui de Aileen tout en rapprochant subrepticement sa chaise d’elle, sans un bruit. - Je suis désolée... Je te le promet... Est ce qu’il s’était rapproché ? Peut être, en tout cas elle n’arrivait pas à soutenir son regard bien longtemps... Elle se mit à fixer ses pieds sans trop savoir quoi dire ou quoi faire, toujours mal à l’aise. Elle était encore persuadée qu’Elen ne l’avait pas fait venir juste pour lui faire promettre d’être plus prudente et s’il n’était pas encore entré dans le vif du sujet, c’était sans doute pour une bonne raison. Mais laquelle ? Aileen, Elfe des lunes du Clan du Cerf
Intendante bien malgré elle ! ♥ |
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Aileen essayait tant bien que mal de deviner ses intentions, sans grand succès. Ses quelques conjectures hasardeuses se perdaient dans son angoisse sourde... Et d’ailleurs, pourquoi se sentait-elle aussi mal face à Elen ? Certes, il était devenu chaman... Mais il restait Elen.
Elle le connaissait depuis déjà plusieurs années et même si ces derniers temps avaient été particulièrement troublés, il ne pouvait pas être devenu si différent au point de l’effrayer... Si ? Ou alors, peut être que c’était ça, ce qu’on ressentait, face à un chaman, un vrai... Pas un simple intendant. Il lui semblait se souvenir que les chamans dégageaient une sorte d’aura caractéristique que tout bon elfe des lunes pouvait reconnaître. Peut être que c’était ça, alors, qui la mettait mal à l’aise... Et peut être aussi que c’était pour ça qu’elle ne parvenait pas à imaginer quoi que ce soit de ses plans..? - Tout va bien, Aileen ? fit-il, la voyant troublée et espérant la perturber plus encore. Il se rapprocha un peu plus d’elle, comme pour la rassurer et d’une voix pleine de sollicitude, il poursuivit : - Tu peux tout me dire, tu le sais, n’est-ce pas ? - Je... Oui, ça va ! - Tu es sûre ? enchaîna-t-il, se rapprochant plus encore. - On dirait que tu trembles... continua-t-il. Il espérait que les mots provoqueraient ce frisson involontaire qu’il avait faussement décelé. L’esprit pouvait parfois jouer des tours. Et dans son état, Aileen ne remarquerait peut-être pas que le frémissement n’avait aucunement précédé son propos. Elle resserra ses poings sur ses genoux, baissant à nouveau les yeux. Est ce qu’elle avait tremblé ? Il l’avait vu... L’inquiétude laissa la place à la surprise : - Qu’est ce que tu veux que je te dise..? Amallya a dû te prévenir de ce qu’il s’est passé, de toute façon... C’était là qu’il voulait en venir ? Peut être bien, oui. En tout cas ça lui semblait plausible... Certes, elle n’aimait pas beaucoup parler d’elle mais elle ne pensait pas se montrer aussi troublée... Il se saisit délicatement de la main gauche de son interlocutrice, d’un geste lent et calculé pour qu’elle puisse imaginer ses intentions. Sa voix s’accorda avec la situation, douce, mélodieuse, presque un murmure, obligeant Aileen à se rapprocher de quelques centimètres pour l’entendre. - J’ai toujours demandé aux autres de veiller à ce que tu ne coures aucun danger. Je ne t’ai jamais quittée d’une seule semelle depuis que tu es entrée dans le Cercle. Mais vois ce qui t’es arrivée sitôt que je n’ai plus pu te protéger. il marqua une pause volontaire, s’assurant la pleine et entière attention de la jeune femme, avant de lui souffler : Je suis là pour toi, Aileen. J’ai toujours été là pour toi. Elle se sentit rougir alors qu’Elen marquait une pause. Et puis quand il eut terminé, elle retira vivement sa main de la sienne et se décala sur le lit où elle était assise, pour s’éloigner de quelques centimètres supplémentaires, consternée... - Elen ! Mais que... Qu’est ce que tu racontes ? Je ne comprends pas... Arrête ça... Tu... Tu me fais peur... Ses derniers mots, elle les prononça à peine tant ils se perdirent dans un murmure... Le Loup agissait de façon bien trop étrange, elle ne comprenait pas ce qu’il se passait. Qu’est ce qu’il voulait ? Et puis... Et puis il avait déjà Nil... Il adopta un air contrit, comme blessé qu’elle l’ait repoussé. Il savait bien que l’enchantement, si c’en était bien un, résisterait. Et qui plus est, Aileen, aussi troublée qu’elle puisse être, conservait une certaine résistance à l’idée qu’il puisse exister quelque chose entre eux. Une résistance naturelle, somme toute, si l’on considérait leur relation. - Je le sais : les choses n’ont jamais été idéales, Aileen... Mais tes yeux me soufflent que tu n’es pas totalement étrangère à ce que tu crois découvrir alors que tu le sais depuis toujours. Cherche au fond de toi. Ne ressens-tu pas ce je ne sais quoi de piquant qui imprègne l’atmosphère ? Ce trouble qui t’emplit à la fois de honte et de joie ? Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes Responsable de l'Éclat des Lunes ♥ |
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Aileen ne sut pas quoi répondre... Les mots du chaman lui semblaient étrangement familiers et résonnaient dans sa tête, l’empêchant de penser. Elle secoua la tête, continuant de fixer le sol, incapable de répondre autre chose que “Non...”. Elle ne s’attendait pas à maîtriser la situation en venant ici mais elle n’avait pas non plus imaginé tomber dans un tel état de panique. C’en était même trop. Elle ne comprenait pas cette réaction si vive qu’elle avait.
- Peux-tu le nier ? fit-il dans un murmure, plongeant son regard dans le sien avec une tendresse toute affichée tandis qu’il tendait la main vers elle, comme pour l’inviter à s’en saisir. Elle se sentait tellement... Mal... C’était étrange, comme si un souvenir lointain essayait de ressurgir sans y parvenir, lui interdisant toute réaction. Elle fixa la main d’Elen, sans comprendre. Et puis elle se leva brusquement et recula, à deux doigts de perdre l’équilibre. - Mais qu’est ce... Pourquoi ? Tu... Elle se rendit compte qu’elle était à deux doigts de crier. Elle n’arrivait pas non plus à aligner deux mots, bien trop troublée par les mots et les gestes du loup. Arrête ça ! Qu’est ce que tu veux ? Arrête ! ARRÊTE !! Le cri résonna dans la chambre. Aileen faisait ce qu’elle pouvait, mais elle n’arrivait pas à reprendre le contrôle. Une tempête de sentiments contradictoires et d’images sorties de sa mémoire se déchaînaient dans sa tête, sans logique aucune... Et Elen se tenait là, et elle ne comprenait toujours rien. Elle se sentait comme une enfant prise dans un conflit qu’elle ne pouvait pas comprendre. - Aileen... Tu sais que je ne te ferai jamais le moindre mal ? Il s’adressait à elle sans violence, comme indifférent à ses réactions. Il sentait bien que si un charme éventuel possédait le pouvoir d’ouvrir son coeur à Anastase, la porte resterait entrebaillée pour quiconque se montrerait assez malin pour s’engouffrer à l’intérieur. Et il comptait bien contrer l'envoûtement par l'envoûtement lui-même. Il fallait qu’il montre à Aileen à quel point ses sentiments, peut-être réels à présent, provenaient d’une source aussi absurde qu’irréelle. - Tu as confiance en moi, n’est-ce pas ? demanda-t-il, sa main toujours tendue, en invite à la jeune femme. - Comment tu peux dire ça ? Je ne comprends pas... Laisse moi ! Laisse moi tranquille... Elle se sentait abandonnée, sa tête était sur le point d’imploser, comme prise dans un étau. Elle recula encore de quelques pas, comme effrayée par la main d’Elen et puis son dos rencontra le mur de la chambre. Lentement elle se laissa glisser au sol et ramena ses genoux contre elle, prenant sa tête entre ses mains. - Laisse moi tranquille... Ses mots sonnaient creux alors que son esprit abandonnait la lutte. Trop de choses l’envahissaient soudainement. Sentiments, images, sensation de familiarité... Qu’Elen parte, c’est tout ce qu’elle voulait, qu’il lui laisse le temps de reprendre ses esprits, si seulement elle en était capable... D’un coup, elle se sentait tellement fatiguée... Tellement lasse... - S’il te plait... fit-il, se levant sans un bruit. Ne résiste pas à ce que te souffle ton coeur. poursuivit-il, s’avançant vers elle à pas de loup. Reviens moi, Aileen... Il se campa à un pas d’elle, s’accroupissant, l’air compatissant, son visage et son regard n’exprimant que tendresse, non feinte cette fois-ci, car il s’agissait bien de cette tendresse fraternelle qui les avait liés. Il tendit une nouvelle fois la main vers elle, toute proche de celle de la jeune femme, effleurant sa délicate peau. Elle devait choisir. Aileen releva la tête vers le loup. Sans même qu’elle s’en rende compte, ses yeux s’étaient emplis de larmes pendant qu’il s’approchait. S’était-elle perdue en chemin ? Peut être... Mais la réponse lui sembla venir d’elle même, sans qu’elle y réfléchisse. Comme une évidence. - Je ne suis jamais partie... Je suis là... Il se saisit délicatement de la main de l’Intendante, et l’aida à se relever, doucement, précautionneusement. Il l’étreignit, plaçant la tête de la cerf contre son coeur, qu’elle pouvait à présent entendre battre à un rythme régulier. Baboum... Baboum....Baboum... Il caressa tendrement sa chevelure, avec des gestes lents. Il agissait avec elle comme si elle avait été faite de porcelaine, fragile et précieuse. Et pourtant, il la savait si pleine de couleur, de joie et d’innocence : la Aileen qu’il connaissait. Baboum... Baboum... Baboum... - Si tu es partie. Tu m’as laissé... Tu m’as abandonné... Tu as abandonné tout ce qui nous liait, mon Aileen. Pourquoi ? Pourquoi m’as tu laissé, si seul, sans toi... - Je suis désolée... Tellement désolée... C’est tout ce qu’elle était capable de dire, immobile, tout contre Elen. Encore une fois, cette sensation familière... Mais elle en avait assez de lutter. Elle était bien, là. Baboum... Baboum... Baboum... - Je ne voulais pas... Je ne partirai plus... Je suis... Désolée... Elle ne pensait ni à Nil, ni à Anastase... Elle ne pensait plus à rien. Il s’écarta de quelques centimètres, posant sa main contre la joue de l’Intendante et plongeant intensément son regard de le sien. A présent que les choses avaient fonctionné comme il l’entendait, il hésitait à pousser l’expérience plus loin. Il voulait qu’elle se libère sans heurt, et surtout, il ne voulait pas la perdre : l’amité de la Cerf lui était précieuse. - Vrai de vrai ? demanda-t-il, pour gagner du temps, lutant contre cette partie de lui-même qui lui murmurait de ne reculer devant rien. Penaude, Aileen hocha rapidement la tête. Oui, vrai de vrai. Elle se sentait tout de même un peu honteuse... Elle se demanda fugitivement ce qu’il adviendrait de Nil... Si elle savait... Mais elle n’alla pas plus loin, elle n’avait plus la force de lancer son esprit dans d’autres tourments... Pas tout de suite. Elle était fatiguée... Il devait en finir. Elle devait comprendre, réagir. Il laissa glisser sa main contre la joue de la jeune femme, il effleura sa nuque, poursuivit le long de son dos et la posa sur l’une des hanches de la cerf. Bouboum, bouboum, bouboum ! Il se pencha, avec une lenteur toute calculée, son visage se rapprochant du sien, leurs regards mêlés dans une osmose irréelle. Aussi délicat et fragile qu’un bouton de rose, l’instant s’épanouit, sembla durer une éternité puis... Aileen, Elfe des lunes du Clan du Cerf
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Aileen recula d’un pas vif, s’arrachant à l’étreinte du loup.
- Elen, non. Il faut... Il faut qu’on arrête là... Tu es marié, et je... Elle s’interrompit au milieu de sa phrase. Trop de fois elle avait déjà eu cette impression... Pourquoi tout lui semblait si familier ? Cette impression de faire une grosse bêtise, elle l’avait déjà ressentie avant. - Qu’est ce qu’il se passe, Elen..? J’ai... J’ai l’impression d’avoir déjà vécu tout ça... C’était... Avec Anastase..? Encore une fois, la surprise se peignit sur son visage. Elle l’avait dit, finalement... Mais pourtant, quelque chose lui échappait toujours... Il se sentait proche de la résolution, cette fois-ci. Elle se rapprochait de la réponse. Elle devait la trouver seule. Mais il pouvait encore l’y aider. Il adopta un air désespéré. Un sentiment qu’il connaissait bien, depuis quelque temps. Le feindre n’en fut que plus aisé... - Je t’en supplie, Aileen, rappelle toi. Ne m’abandonne plus... Reviens moi... Reviens vers nous... la supplia-t-il, ouvrant ses bras comme pour l’accueillir une nouvelle fois contre lui. - Non, je... Attends, Elen, attends... Ca ne va pas... Je ne sais pas quoi, mais... Ça ne va pas... Elle recula encore. Son malaise grandissait de nouveau alors qu’elle essayait de se souvenir...Se souvenir de quoi, d’ailleurs ? Avait-elle la moindre idée de ce qui clochait ? Une petite voix lui disait que oui, elle le savait... Elle tourna le dos à Elen, sans raison apparente, toute à ses pensées. Les mots d’Amallya lui revinrent en tête... Elle l’avait plusieurs fois sommée de revenir... Tout comme Elen le faisait. Mais elle allait rester, elle en était certaine, maintenant. Alors pourquoi se sentait-elle toujours aussi mal, comme si un détail pourtant terriblement important lui avait échappé... - Aileen je t’... Elle retint son souffle en l’entendant. ...apprécie vraiment. Tu es mon amie. Je suis tellement inquiet. Cet Olympien... Je ne sais pas ce qu’il... Reviens nous... S’il te plait... Reviens nous... Nous avons besoin de ton aide... Nous ne nous en sortirons pas sans toi... Elle croisa les bras, toujours dos au Chaman... Elle y avait cru, un instant... Elle avait cru qu’il dirait ces simples mots... Qu’elle n’avait jamais entendu... De la part de personne, même pas d’Anastase, alors qu’il avait prétendu tant de choses à son sujet. Et il lui avait menti... Tant de fois, il l’avait fait, sans hésiter une seule seconde, depuis le début. Et elle l’avait cru... Quelle idiote... Elle se sentait blessée, maintenant. Tellement blessée... - Tu nous es précieuse, Aileen. Ton amitié, ta bonté, tes sourires et tes joies sont des lumières dans ce monde dont nous ne pouvons pas nous passer. Elle se retourna vers lui. Sa déclaration d’amitié l’avait fait sourire... D’un sourire un peu triste, mais tout de même sincère. - Elen... Je crois que... J’crois que j’ai fait une bêtise... - Je ne le sais que trop bien. Il se rapprocha d’elle, posant ses mains sur les frêles épaules de son interlocutrice, l’air grave, son regard braqué avec intensité dans le sien, comme s’il s'apprêtait a énoncer une sentence : - Il t’a tuée avec ton coeur. Elen, EdL
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Le poids des mots qu’il venait de prononçer l’accabla. Voilà ce que l’on attendait de lui. Cette phrase résonnait dans son esprit, comme une douce musique. Voilà ce que l’on attendait d’un Chaman. Voilà tout ce qu’il lui restait. Aileen ne mesurait pas à quel point les mensonges qu’il lui avait dit plus tôt avaient été bâtis à partir de cette réalité qui était devenue sienne...
Aileen resta silencieuse, baissant les yeux vers ses mains... Elle se sentait vide... Vide de toute émotion... Elen avait raison. L’olympien avait joué avec elle, sans se soucier un seul instant de ce qu’elle ressentait... Et Elen lui avait montré la vérité, en agissant comme lui l’avait fait... -Je sais pas ce qui m’a prit... Sa voix s’était brisée, presque réduite à un murmure. Elle ne comprenait plus les sentiments qu’elle avait eu... Elle regrettait tellement tout ce qu’elle avait dit, fait ou même pensé... Seule Amallya l’avait vu, la Femme Sauvage avait tenté de la prévenir mais elle avait ignoré ses avertissements... Pourtant elle aurait dû se douter qu’elle n’avait pas complètement tort... Anastase s’était joué d’elle, comme un enfant aurait joué avec une poupée de chiffon. - Tu n’étais pas toi-même... Ce n’est pas ta faute... Il resta un instant figé devant elle, puis il l’enlaça, amicalement cette fois ci, pas plus de quelques instants, comme un frère bienveillant l’aurait fait. Elle se laissa faire, trouvant un peu de réconfort dans ce simple geste. Enfin il s’écarta d’elle et lui demanda : - Pardonne-moi, s’il te plait, si je t’ai effrayée... Je n’avais pas le choix... Il ne me l’a pas laissé. - Tu n’as pas à t’excuser... Je... Je n’ai pas eu le choix non plus... Merci, Elen... Tu as été plus clairvoyant que moi... Il lui adressa un sourire, franc. Elle était la première à lui attribuer cette qualité : la clairvoyance. Les autres n’avaient vu en lui que quelqu’un de hâtif, impulsif, incapable d’agir autrement que sur l’instant. D’autres pensées se mêlèrent à celles-ci, plus crues, plus sauvages, plus sombres : - Que souhaites-tu que je fasse de lui ?.. Son sourire s’élargit et ses yeux se plissèrent. A le voir ainsi, s’il avait possédé un museau, on aurait pu croire qu’il retroussait ses babines, tel un loup excité par la perspective d’une chasse... Aileen le fixa un instant avant de comprendre à quoi Elen pensait. Elle soupira. Même si elle était maintenant au fait de la vérité, ses sentiments n’avaient pas disparut... Pas encore, du moins... - Laisse le partir... Qu’il retourne dans sa ville poussiéreuse. Qu’il y reste à jamais... Le Loup sembla un instant déçu, puis il s’inclina devant elle. - Il en sera fait selon tes désirs, Intendante Aileen... Mon amie... Il se redressa et poursuivit, avant de faire volte face et quitter la pièce : - Repose-toi... Tu en as besoin... Cette fois, nulle tristesse dans le sourire qu’elle lui rendit. -Toi aussi, repose-toi ! prit elle le temps de lancer alors qu’il sortait. Lui aussi en avait besoin... Une fois seule, elle considéra le lit et s’allongea, scrutant le plafond de la petite pièce. Elle se sentait toujours aussi vide, mais, étrangement, plus paisible aussi... Quelle heure pouvait-il être ? se demandait-elle en contemplant la chiche lueur des lucioles... Et puis elle sombra dans le sommeil sans même s’en rendre compte. Un coeur ouvert par un charme est une porte dont on a perdu la clef... Aileen, Elfe des lunes du Clan du Cerf
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