Legends of Olympia : La Ballade des Mémoires - Le jour du rituel
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Le jour du rituel
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Dernière réponse le 19/03/2012 à 17:38

el Par Elen  le 15/03/2012 à 18:53

Précédemment
Juste avant et pendant ce temps...



Le Chaman passait le plus clair de ses nuits à la bibliothèque ou à l’extérieur de la Tanière. Il avait doublé les gardes devant les chambres des invités depuis la tentative d'assassinat à l’encontre d’Isa. Le Grand Pontife avait lui-même décidé de faire du zèle pour protéger la jeune femme. Une situation qui convenait parfaitement à Elen. Il ne plaçait en faction près de la chambre de l’Olympienne que des Loups de confiance, lorsqu’il ne s’occupait pas lui-même de la surveillance.

Durant la journée, il s’attacha à faire visiter la forêt à Isa : il l’avait emmenée au lac de l’Etoile, au pieds des remparts de Na’Helli, auprès des arbres à lucioles... Ce fut un ravissement pour lui. Le temps qu’il passait avec l’Olympienne filait avec une telle vitesse qu’il se demandait parfois si Luwö n’en avait pas accéléré le cours. Cela dit, même une éternité sans elle n’égalerait pas ces instants privilégiés en sa compagnie.

Une fois qu’il se fut lavé, qu’il eut déjeuné et revêtu sa tenue rituelle de Chaman, il se rendit au temple de la Tanière. Consulter Luwö faisait partie de ses attributions. Depuis le retour du Totem, le Chaman sondait aussi souvent qu’il le pouvait le lien entre le monde des Vivants et celui des Esprits. Les traces du passage de l’Ennemie se résorbaient peu à peu, et les strates se reformaient doucement. Bientôt, l’interdit qu’ils avaient été obligés d’ériger Calith et lui prendrait fin.

Il prit le temps d’encenser la pièce, s’imprégnant des effluves des plantes sacrées. Il utilisa un onguent afin de mettre en place son ancre, ainsi qu’il en avait l’habitude lorsqu’il décidait de se hasarder profondément dans le monde des Esprits. Il s’installa en tailleur au pied de l’autel, ferma les yeux et se lança.

D’abord les premières strates, insignifiantes, brumeuses, au sein desquelles on pouvait encore sentir les vibrations du monde des vivants. Puis venait l’obscurité des strates médianes, là où généralement les Elfes des Lunes se rendaient pour chercher les conseils de leurs Totems. Enfin, plus profondément encore, se trouvait le domaine des Esprits, lumineux, là d’où l’on ne revenait généralement pas. Elen avait eu de la chance deux fois, il ne tenterait pas Hadès plus que nécessaire : rien ne justifiait qu’il aille troubler la paix des esprits à présent.

Il arpenta sereinement les niveaux intermédiaires du monde des Esprits. Si Luwö avait quoi que ce soit à communiquer au clan, nul doute qu’il viendrait. Et tel ne fut pas le cas : le Chaman patienta mais rien ne se produisit. Aucune vision, aucune intervention. Rien.

Il décida qu’il pouvait remonter. Le Totem le contacterait bien une autre fois. Il s’appréta à faire le chemin vers la surface lorsqu’il sentit comme une résistance. Surprenant. Ce n’était pas du tout comme si quelque chose le retenait. Cela lui sembla plus être un accroc. Une petite barrière. Insignifiante. Il la força, sans effort ou presque.

Une fois à l’étage au dessus, il sentit une nouvelle résistance. Qu’une anomalie ait pu lui barrer la route, il le concevait. Mais lorsque deux d’entre elles se plaçaient sur son chemin, il pressentit que la complication n’avait rien de naturel. Il prit du recul. Prendre de l’élan lui permettrait de passer les obstacles qui se présenteraient devant lui. Il s’élança et...

Un loup. Il trottine, dans une forêt si dense que son regard est sans cesse arrêté par les troncs qui se font suite. Il entend un hurlement au loin. Il s’élance, vers l’origine du son. Il rejoint l’un de ses congénères : un animal massif, au pelage noir comme la nuit et... borgne ! C’est ce grand loup qui hurle. De douleur. Lorsqu’on l’observe mieux, ses pattes ont commencé à disparaître. C’est comme si on les effaçait de la réalité. Et le phénomène semble s’étendre peu à peu à l’ensemble son corps, comme si quelqu’un ou quelque chose cherchait à l’oblitérer. Bientôt, totalement escamotée, la créature s’évapore, laissant le plus petit seul.

Le paysage, jusqu’alors forestier, change, les arbres se consumant pour ne devenir que cendre. Puis une immense vague d’eau déferle et recouvre tout l’espace. Le loup nage. Emporté dans le rouleau d’écume, il roule sur lui-même, étouffé par le liquide, et échoue sur une plage. Sur celle-ci se trouve une renarde grise à la queue touffue et au poil luisant. Un bel animal, à n’en pas douter. Le loup se relève, et lèche le pelage de l’autre, empreint d’une certaine tendresse. La renarde colle son flanc contre le sien et...

Soudain, un nuage de feu cache les cieux, occultant les soleils jumeaux. Une averse de verre recouvre tout : la mer devient miroir et est bientôt camouflée par un immense manteau de poudre blanche. Et les deux animaux sont rapidement ensevelis.

A la force de ses pattes, le loup se fraye un chemin vers la surface, creusant et creusant encore. Les pattes blessées, il s’extrait de son tombeau de glace. Laissant des empreintes vermeilles sur son passage, le loup marche sans point de repère. Un être gigantesque glacé émerge du verre pilé. Il est semblable à un immense golem de cristal, doté de six bras. En son sein palpite un coeur noir. Le monstre le frappe à plusieurs reprises d’un bât de cristal.

Soudain, une majestueuse louve s’élance dans les airs, réduisant la gigantesque créature en une multitude d’éclats. Elle se rapproche ensuite du gisant, léchant ses blessures. Celui-ci, trop faible pour se relever, s’abandonne à ses bons soins.

Le paysage change. L’obscurité envahit les lieux, et le loup se retrouve seul dans un puits d’ombre mouvantes. L’une d’entre elles, colossale, s’élance vers lui. Le loup est frappé de plein fouet, et projeté au loin. Mais, soudain, un phoenix aux plumes ardentes s’élance contre la créature. Le loup assaille son adversaire à son tour, aidé par le puissant volatile. Alors qu’il porte le coup fatal, l’ombre déploie un tentacule ténébreux qui fouette l’air, frappant le phoenix qui se consume pour redevenir cendres et balafrant le loup, qui perd son oeil gauche.

L’obscurité s’estompe et il est de retour dans la forêt d’origine. La louve blanche se trouve auprès de lui, à la fois gracieuse et hésitante. Il l'entraîne à travers les bois. Ils sont poursuivis par un sombre volatile. Cependant, le loup se scinde en deux jumeaux et l’un d’eau s’attaque à l’oiseau tandis que l’autre poursuit sa course.

Et là, devant eux, se tient le grand loup borgne qu’il avait vu disparaître, qui les fixe de sa prunelle jaune. Le jeune loup s’incline devant le plus grand mais la louve, elle, ne l’imite pas. Loin de s’offenser, le grand loup borgne s’incline devant le couple. En observant mieux, une renarde git sous les pattes massives, incapable de bouger. Se tournant vers sa compagne de route, le loup plonge son regard dans ses prunelles d’ambre, étrangement familières. Et...


La lumière. Les senteurs entêtantes. Le Chaman émergea, avalant avidement une goulée d’air frais. Il ouvrit les yeux, retrouvant la silhouette familière de l’autel. Il s’appuya quelques instants sur la surface de pierre. Non pas qu’il se sentit fatigué, mais la transe l’avait plongé dans une intense perplexité.

- Qu’est-ce qui ne va pas ? Ce que tu as vu devrait te plaire, non ?
- Oh la ferme ! Je réfléchis ! Lança rageusement le Chaman, trop concentré sur ses pensées pour s’étonner de l’apparition de son mentor.

Kowü se tenait juste devant l’autel, du côté des priants, le fixant de son regard acéré. Sa houppelande, déchirée en maints endroits, lui parut bien plus défraîchie que lors des précédentes apparitions.

- Pourquoi réfléchir ? Les signes sont clairs. Ton mariage n’existe pas, aux yeux de Luwö. Tout le rituel est caduc parce qu’Elle l’empêchait d’être auprès de toi.

Le Chaman se releva brusquement, dépassa l’illusion sans y prêter d’attention, pour une fois. Il quitta la pièce d’un pas rapide, tandis que Kowü le metait en garde, une fois encore :

- Ne te perds pas, Elen ! Prends garde à...

Il ne prit pas la peine de s’arrêter pour entendre la suite, la voix étouffée par la distance. Il fallait qu’il parle avec Isa, immédiatement. Ou avec Aileen peut-être, avant l’Olympienne. Il gravit les marches quatre à quatre, rejoignant le rez de chaussée. Il s’engagea à toute allure dans le couloir qui menait à la chambre de l’Olympienne, sans vraiment savoir ce qui le poussait à se confier à elle de prime abord. Il dépassa la première chambre, à présent réaménagée, s’arrêta net devant celle de Isa, leva la main, ferma le poing, s’apprêta à frapper et...

Il entendit un bruit de pas, curieusement étouffé, comme si quelqu’un ne souhaitait pas être vu. Curieux. Suffisamment pour que le Chaman suspende son geste, tende l’oreille. L’autre s’éloignait. Il fit demi tour, et suivit l’origine des pas, aussi discrètement qu’il le put. Cela le conduisit dans la clairière.

Un rayon de Séléné et Adamant éclaira fugitivement la clairière, dévoilant un individu tout de noir vêtu. Le vent frais du matin agitait sa cape et ses cheveux. Alors que l’autre allait quitter la clairière, le Chaman l’interpela :

- Eh, vous ! Que faites-vous ici ?
- Je ne suis qu’une ombre... Lança l’autre, avant disparaître dans les bois.
- Stop ! Arrêtez-vous ! Cria le Chaman, partant à sa poursuite dans les bois.
Il s’élança, connaissant parfaitement cette partie de la forêt. L’autre ne lui échapperait pas. Mais il courait vite, le bougre ! Le Chaman accéléra l’allure, l’individu ne parvenant pas à le distancer, pendant que lui ne parvenait pas à le rattraper.

Soudain, le Loup stoppa. Il reconnaissait cette partie de la forêt : le domaine des Araignées. Progresser dans un piège pareil ne lui disait guère. L’autre s’était-il engagé dans le labyrinthe de sortilèges ? Il en doutait. Seules les Araignées connaissaient les chemins qu’il fallait suivre, et elles avaient disparues de la forêt depuis de nombreux Cycles.

Elen fit prudemment un pas en arrière, puis un second, fouillant la forêt du regard. Mais où s’était-il enfui, le fourbe ? Un craquement. Juste derrière lui. Il fit volte face et...

Il entendit une rapide incantation puis ses oreilles bourdonnèrent sous l’effet d’un terrible hurlement. Il sentit une énergie familière pénétrer son corps, tandis que la douleur diffusait à sa surface. Il eut tout juste le temps, avant de s’effondrer, d'apercevoir l’Efle encapuchonné disparaître derrière des buissons, avec un sourire narquois tandis qu’il achevait des gestes rituels.

L’Opalescencia lui parut tout à fait détestable à ce moment-là. Il tremblait : sa peau le brûlait. Il rampa, pour s’éloigner plus encore du domaine dangereux des Araignées. Les effets se dissiperaient bientôt, il le savait. Cette sensation, désagréable n’était que temporaire bien que, ayant déjà vu les effets du sortilège en question, il savait que la durée dépassait celle des sorts courants. Il s’adossa à un tronc, et attendit.

Qui était-donc cet inconnu ? Et que faisait-il à la Tanière ? Sa maîtrise de l’Opalescencia faisait indéniablement de lui un Elfe des Lunes, et plus probablement un Corbeau. La puissance d’un tel maléfice ne laissait aucun doute quant à l’appartenance à ce clan de mages. Que pouvait-il tant vouloir dissimuler pour s’en prendre au Chaman d’un camp allié ?

Les Titans se levaient lorsque les tremblements qui l’agitaient cessèrent. Bien sur, sa peau le brûlait encore, mais cela demeurait supportable. Il lui fallut quelques instants de plus pour trouver la force de se lever. Il tituba jusqu’à la Tanière. Si Isa le voyait dans un tel état, elle ne manquerait pas de s’inquiéter. Et elle ne devait pas l’apprendre aujourd’hui. C’était sa journée. Rien ne devait la gâcher. Aussi décida-t-il de rester sous le couvert des arbres, le temps que la jeune femme se lève et parte à sa recherche.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 15/03/2012 à 18:58

Les réveils d’Isa s’étaient succédés, presque identiques jour après jour. Mais son journal qui lui décrivait des journées plus radieuses les unes que les autres apaisait aussitôt toutes ses craintes et on la voyait toujours circuler dans la forteresse des Loups le sourire aux lèvres.
Quand Elen et elle ne se baladaient pas aux quatre coins de la Forêt des Cendres, elle participait volontiers aux menues tâches qu’on voulait bien lui confier. Mais il restait encore quelques heures par jour où elle pouvait profiter de l’immense bibliothèque pour en apprendre plus sur les Loups. Ce clan était loin d’être la horde de barbares que la plupart des Olympiens s’imaginaient et la richesse de leur savoir était une bénédiction pour ceux qui voulaient s’instruire.

Ce matin-là pourtant, quand elle découvrit que le jour de lecture était finalement arrivé, une grande excitation s’empara d’elle. Ses notes étaient autant de promesses d’une merveilleuse journée et elle ne voulait pas en perdre la moindre seconde.
Elle se hâta pour se préparer et rejoindre la salle commune. Après plusieurs jours de la même scène, les gardes savaient qu’elle leur demanderait invariablement si Elen était disponible et ils lui indiquèrent la clairière avant même qu’elle ait prononcé un mot.

Une fois dehors, trouver le Chaman n’était pas encore gagné. Des Elfes vaquaient à leurs occupations. Il était encore tôt si elle en croyait la position des Titans qu’elle devinait à peine à travers les frondaisons.

- Tiens !

La petite Erya qui s’était plantée à côté d’elle lui tendait une pomme. Isa la reconnut à ses yeux aux couleurs de cette union paradoxale entre un Elfe et une Olympienne.

- Merci Erya ! Où sont tes amis ?
- Pas encore levés, ils sont trop p’tits. Je dois attendre là...

Du bout de sa sandale, elle triturait une petite motte de terre, l’air de s’ennuyer ferme.

- Mais si tu veux je te montre où il est caché, murmura-elle en mettant l’une de ses mains libres en paravent sur le côté de sa bouche pour que les gardes n’entendent pas.
- Hum... Elen ? Est-ce que c’est loin ? Demanda Isa tout doucement en se penchant vers la petite.

Erya secoua la tête et vérifia du coin de l’oeil que les gardes ne la surveillait pas.

- D’accord, amène-moi. Mais tu me donnes la main, j’aurais peur de me perdre sinon...

La petite fille pouffa pour se moquer d’Isa et lui prit gentiment la main, l’air compréhensive. Après tout c’était une étrangère un peu tête en l’air, elle oubliait toujours plein de petites choses, alors pourquoi pas le chemin de la maison...
Traverser la Clairière des Ombres Cendrées pour arriver à l'orée des bois prit autant de temps que de manger la petite pomme. La petite avait pointé du doigt une direction mais les arbres dissimulaient plutôt bien ceux qui ne voulaient pas être trouvés.

- C’était par là. Souffla Erya en désignant de vieux troncs qui émergeaient de buissons denses et dont certains étaient réduits à de simples souches vermoulues.
- Bien.

Isa plia légèrement son bras derrière son dos de sorte que la petite fut obligée de marcher en partie cachée derrière elle. Elles firent encore quelques pas et se retrouvèrent rapidement dans la pénombre du sous-bois. Les Titans n’offraient guère de luminosité à cette heure matinale.
La jeune femme finit par regretter d’être venue avec Erya. On ne savait jamais ce qui pouvait errer dans la forêt. Elles n’étaient pas loin de la Clairière pourtant, mais les lieux avaient quelque chose d’inquiétant. Isa le sentait sans vraiment en comprendre la cause... Est-ce qu’on l’observait ?

- Elen ? Appela-t-elle.
- Il répondra pas si il s’cache... Fit Erya avec une logique imparable. Ses petites épaules se soulevèrent pour souligner l’évidence qu’Isa avait manquée.
- Oui c’est vrai, tu as raison. Il vaut mieux lui dire qu’on lui laisse la victoire, comme ça il sortira. Puis plus fort, en jouant le jeu de la petite sang-mêlé: - Elen, où es-tu ? Tu as gagné !

Le Loup s’était assoupi : la douleur, bien que soutenable, l’avait exténué. Les voix de la fillette et de Isa l’éveillèrent en sursaut. Aussitôt, il sentit une vague de brûlure dans tout son corps, plus faible qu’auparavant, mais belle et bien présente.

- Vu ! Lança Erya quand elle remarqua des buissons frémir non loin.
- Mais on n’avait pas dit qu’il avait gagné ? Dit Isa en s’approchant.
- Euh... Si... Admit Erya, déçue de ne pas pouvoir tricher un peu.

Il émergea des buissons, avec un sourire forcé, manquant de trébucher sur une branche. Décidément, la concentration n’était pas au rendez-vous.

- Bonjour Isa. Bonjour demoiselle Erya ! Fit-il en exécutant une parodie de révérence avec des gestes exagérés qui ne manquèrent pas de faire rire la gamine. Je m’étais assoupi...
- Bonjour Elen. Comme si la forteresse manquait de place pour un petit somme. Tu voulais faire l’école buissonnière, plutôt, avoue !
- Euh... En quelque sorte... Répondit-il, s’extrayant finalement du buisson, manquant une fois encore de chuter.

Isa attrapa son bras de sa main libre. Le Loup ne put réprimer une grimace sous ce contact douloureux. L’Opalescencia, quelle guigne ! D’habitude, le moindre contact entre elle et lui faisait battre son coeur à une vitesse folle. Mais ce maudit sortilège le privait de ces doux instants.

- Pas encore bien réveillé on dirait... La formule était essentiellement destinée à Erya, pour ne pas l’inquiéter.

Mais la réaction d’Elen fit perdre son sourire à Isa. Elle hésitait à le lâcher, de peur qu’il ne tombe. S’était-il blessé au bras, encore ?
Voyant que l’Olympienne ne serait pas dupe longtemps, et qu’il ne servirait à rien de lui faire la moindre cachotterie, il profita qu’on entendait maintenant les chahuts d’autres enfants dans la clairière pour éloigner la petite.

- Erya, regarde là-bas, j'aperçois Ethane, Yleth et Ronel. Tu devrais aller jouer un peu avec eux, tu ne crois pas ? Lui fit-il d’une voix douce.

La petite eut une moue boudeuse. S’amuser avec les grands c’était quand même plus drôle qu’avec les petits...

- Vous reviendrez après ? Qu’on puisse gagner nous aussi !
- Oui cet après-midi, on reviendra faire une partie de cache-cache, promis ! File maintenant ! La rassura Isa avec un grand sourire.

La gamine partit en trombe en appelant ses amis. Elle allait pouvoir les narguer d’avoir joué avec le Chaman en personne !

Isa lâcha doucement le bras d’Elen mais son regard attendait très clairement des réponses. Le Chaman se saisit de la main de l’Olympienne, se mordant la lèvre pour se concentrer sur la nature du contact et non pas sur ce qu’il éprouva. Cette main, la sienne, elle ne lui faisait aucun mal. Du moins tenta-t-il de se convaincre, tandis qu’il entraînait l’Olympienne dans la forêt, pour s’isoler un peu. Il stoppa net au pied du tronc d’un chêne de belle taille, rejeton probable ce celui qui trônait dans la Clairière des Ombres Cendrées.

- Tu as relu tes notes ?



el Par Elen  le 16/03/2012 à 10:44

Isa avait suivi en silence, sentant qu’Elen dépensait une énergie folle pour se recentrer sur lui-même. Son aura était perturbée, elle le sentait. Elle le côtoyait depuis trop longtemps pour que ce genre de choses lui échappent. Il ne s’agissait pas de mémoire mais plutôt d’instinct, associé à ses compétences dans les mystères de la magie.

- Bien sûr, Elen.
- J’ai croisé un intrus à la Tanière, tôt ce matin. Je... Hésita-t-il : il avait promis à la jeune femme de ne plus la surprendre au petit matin. Je venais te réveiller. Quand il a compris que je l’avais repéré, il a pris la fuite. Et je l’ai poursuivi. Dans la forêt. Il m’a conduit droit vers le repère du Clan des Araignées, je t’en ai parlé dans le désert. Quand j’ai compris où je me trouvais, j’ai fait demi-tour. Évidemment il se tenait prêt et m’a jeté un maléfice avant de s’enfuir.
- Grands Dieux... C’est donc ça... Elle grimaça, se sachant sûrement impuissante. Elle tenta malgré tout :- Je peux t’aider ? A nous deux, on peut peut-être le dissiper.
- Non, non, tout va bien, Isa. Cela va... S’estomper tout seul. Je ne voulais pas t’inquiéter. Pour être honnête, je pensais que ce serait supportable quand tu te lèverais : je crois avoir identifié le sort. Il convoque un esprit qui perturbe le Finyë... Mais c’est fini. Tout ça n’en est que la résonnance... Tenta-t-il de la rassurer, lui adressant un sourire amer, avouant devant elle son impuissance face à la magie, tout Chaman qu’il fut.
- Attends, laisse-moi tenter quelque chose... Si tu te sens mieux, tu pourras mieux lutter contre les autres effets, d’accord ?
- Soit. Tu ne vas pas prendre de risque, n’est-ce pas ?
- Mais non, ne t’inquiète pas.

Isa murmura une prière à Aphrodite avant d’entamer l’incantation qui améliorait généralement ses acuités et renforçait ses instincts défensifs. Elle ignorait si la Déesse voudrait partager son don avec un Elfe des Lunes. Malheureusement elle sentit que sa mana restait dans son giron et ne s’associaient pas au Finyë d’Elen bien qu’elle essayât de l’y canaliser. Sa Grâce n’était pas prêteuse, cette fois... Elle baissa les yeux, dépitée. Pour une fois qu’Elen avait besoin d’elle, ses dons ne suffisaient pas.

- Rien à faire... Il faudrait prévenir Evonis. Si l’intrus est toujours dans les parages, il peut s’en prendre à d’autres personnes.
- Je ne penses pas. Il rôdait près de ta chambre... Et je crois qu’il faisait partie du Clan du Corbeau...

Isa resta silencieuse. Elle n’avait pas souvenir de ses visions mais d’après ses notes c’était préférable... Puis elle secoua lentement la tête.

- Il y a des gardes partout... Pourquoi... Son regard durcit rapidement. Si elle n’était pas une personne belliqueuse, on ne pouvait se permettre de pousser le bouchon trop loin sans qu’elle réagisse. Écoute, laissons-le venir, qu’on en finisse. Je ne peux pas mettre tout ton clan en danger alors que je ne sais même pas ce qu’il me veut ! J’irai dans les bois s’il faut, il me trouvera et on sera fixés !

Le ton va-t-en guerre de l’Olympienne surprit Elen qui se saisit de ses bras, l’imaginant déjà en train de s’enfoncer dans la forêt.

- Tu ne t’exposeras pas tant que je serais en vie, Isa.
- Je suis très sérieuse, Elen. Je ne suis pas une petite illusionniste de foire, ma grand-mère y a veillé. En pleine possession de mes moyens j’ai toutes les chances de le vaincre.
- Et s’il s’agit d’un Corbeau, il sera capable de te mettre en défaut. Voire tout simplement de te conduire dans un piège. La Forêt est dangereuse.
- Je ne le suivrai nulle part. Il s’expliquera ou je m’en irai. Mais s’il continue à jouer à ce petit jeu, il s’apercevra que je peux devenir aussi teigneuse que n’importe qui.

A son air soudain, catégorique et glacial, on n’aurait guère pu nier son lien de parenté avec Isandre. Cela provoqua un léger et instinctif mouvement de recul chez le Chaman.

- Je ne permettrai pas que tu prennes ce risque. Fit-il, niant d’un mouvement de tête, serrant les bras de la jeune femme malgré l’intensité de la douleur qui lui vrillait le cerveau. Non, je ne le permettrai pas.

Isa soupira. Elle ne pouvait de toute façon pas laisser le Loup seul au milieu des bois. Mais l’occasion, plus tard, se présenterait peut-être... Gardant sa petite idée dans un recoin de son esprit, elle changea de sujet et sa voix redevint plus douce :

- Pourquoi étais-tu venu ? Il y avait quelque chose d’important ?

Il maudit son honnêteté de tantôt, relâchant l’Olympienne. Il ne pouvait clairement pas lui raconter sa transe. Cela dit, rien ne l’empêchait de broder autour de ce qu’il avait vu :

- Je voulais te rassurer par rapport à une discussion que nous avons eu il y a quelques jours... J’ai sondé le monde des Esprits ce matin. Et Luwö m’a clairement dit que tu étais la bienvenue ici. Ajouta-t-il, affichant un sourire resplendissant.
- Au moins une bonne nouvelle alors ! Tu sais, Luwö ou les Dieux, je n’aime pas aller contre la volonté de ceux qui nous sont favorables. Je n’aurais pas voulu que ça te cause du tort. Mais parfois ce n’est pas facile de savoir ce qui leur fait plaisir et ce qui les dérange.
- Oh, cette fois, il a été plutôt clair... Tu peux rester avec nous autant qu’il te plaira. Je crois même qu’il souhaiterait que tu restes...
- C’est déjà beaucoup de chance d’avoir pu séjourner jusqu’à aujourd’hui. Elle poursuivit, interloquée : Que je reste ?
- Bien sûr. Pourquoi pas ? Tu serais l’ambassadrice de Lardanium auprès des Loups. Après tout, maintenant, tu commences à nous connaître !
- Ça n’est pas si simple... J’ai... Des obligations à Lardanium. Ma grand-mère qui est seule depuis longtemps, l’Étoile d’Abondance... Je pourrai revenir. Dans quelques temps peut-être.
- Je sais... Mais ce... Il ne termina pas sa phrase et il l’enlaça, malgré tout le mal que cela lui faisait. Ça me ferait plaisir de t’avoir avoir nous.

Isa ferma les yeux quelques secondes. Elle serait bien restée dans les bras d’Elen jusqu’à la fin des temps. Cela, elle s’en rappellerait. Toujours. Mais elle ne pouvait pas le lui dire. Elle repoussa le Loup doucement.

- Tu veux qu’on rentre ?
- Je veux fixer des souvenirs de nous et de la forêt dans ton esprit.
- Alors on peut se promener. Dans les environs, le temps que tu récupères.

Et si jamais cela lui donnait l’occasion de tomber sur le petit malin qui les harcelait, elle en profiterait pour régler le problème dans la foulée.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 16/03/2012 à 10:52

- Allons-y alors. Fit-il, marchant lentement, pour une fois.

Il ne souhaitait qu’une chose : profiter de la journée auprès de l’Olympienne. Passer un peu plus de temps avec elle. Qu’elle se rappelle la forêt. Que le songe des instants qu’ils avaient partagés soit aussi magique pour elle que pour lui. Et qu’elle se souvienne de lui, encore.

- Est-ce que nous pourrions aller voir Luwö ?
- Bien sûr. Je te conduis.

Il la ramena à la Clairière des Ombres Cendrées, puis la guida vers l’autel de Luwö, niché contre la racine gigantesque qu’ils avaient escaladée le premier jour. Là, trônait une statuette de bois gravée dans la racine, reposant sur un piédestal de pierre ajouté a posteriori et orné de diverses gravures. La représentation de Luwö glaçait généralement le sang des étrangers au clan : la gueule béante, la lentille jaune remplaçant son oeil droit. Celle-ci semblait fixer quiconque l’observait et souvent, les gens juraient avoir perçu la présence du Totem au sein de ce corps de bois.

- Isa, voici Luwö. Je crois que lui te connaît déjà. Le Chaman sentait fortement la présence de son Totem au sein de la statuette, qui semblait si vivante devant les deux visiteurs. Je crois qu’il veut te saluer.

La jeune femme fit un pas en avant, hésitante. Depuis quelques jours qu’elle étudiait les manuscrits de la bibliothèque, elle avait travaillé le Loup Ancien et réussi à préparer une courte prière de remerciements. Mais l’assurance qu’elle avait acquise en jouant des pièces de théâtre devant le Havre d’Aphrodite s’évapora sous l’oeil implacable de la statue.
Elle commença d’une toute petite voix à énoncer les mots de la langue ancienne qu’elle avait dû réapprendre le matin même :

Muata Luwö,
Ne o Isa Cestia, Elenn alemare.
Ne le noevo u i vam ralionäm u ne domaram me Kereth.
Ne adkarweno kuraminu lano ek ni dethn kre duth.
Iln o gavu kelo ot gavu oniira.
Emano, luwa eï Elen.


Durant sa prière, l’Olympienne crut ressentir des fluctuations d’énergie au sein de la gravure de bois. Comme une réponse dansante à ses voeux, l’énergie qui animait le lieu l’accompagnait, tel un cavalier conduirait sa partenaire sur un pas lent et gracieux. Si tant est qu’elle put le remarquer, la lueur prédatrice qui scintillait habituellement dans le regard de verre avait laissé place au regard chaleureux d’un père pour une jeune louve qui marchait pour la première fois sur ses pattes, encore maladroite et fragile.

Emue, Isa s’inclina devant la statue avant de reculer lentement pour revenir à hauteur d’Elen. Sans décrypter complètement les signes, elle fut à peu près certaine que Luwö se montrerait bienveillant envers sa prière et elle espéra qu’il allège la malédiction que l’intrus avait infligée à Elen.

Le Chaman s’inclina devant le Totem, le coeur empli de joie. Il était conscient qu’Isa n’avait pas ménagé ses efforts pour acquérir ces notions de Loup Ancien. Et ses pertes de mémoire rendait la chose encore moins aisée. Mais elle était pleine de ressources et ne se laissait pas facilement décourager. Nil en aurait-elle fait autant ?

- Ot luwa eï Isa. Ne anterearo u i kosam. Puis il ajouta, à l’intention de l’Olympienne. Tu vois ? Tu lui plais !

La jeune femme lui sourit timidement et voulut lui prendre la main mais elle se ravisa. Elle avait bien vu qu’il souffrait à chaque contact. Et puis cela ne se faisait peut-être pas devant Luwö non plus...

- Et toi tu triches, lui souffla-t-elle, à utiliser des mots que je ne connais pas encore ! Mais tu sais que cette fois je ne les oublierai pas ? Et j’irai chercher dans tes livres ce qu’ils veulent dire !

Elle paraissait aussi fière que si elle allait déjouer le complot du siècle. Savoir qu’elle allait enfin se souvenir de quelque chose lui donnait une assurance rayonnante et une allégresse que peu lui connaissaient.

- Je le sais. Et j’espère de tout coeur que tu comprendras. Lui assura-t-il, lui tirant la langue, amusé. Peut-être t’aiderai-je ! Que souhaites-tu faire, à présent ? Demanda-t-il, s’inclinant galamment devant elle.
- Un pique-nique à la Rivière Vive, ça te tente ? Je prépare tout et on y va ?

Ça ne devait pas être très loin et les sentiers dans les bois, bien que parfois dissimulés, ne présentaient pas de difficultés pour Elen. Il pourrait s’y reposer le temps que son corps récupère du maléfice et l’eau lui serait peut-être bénéfique s’il supportait de s’y baigner.

- Excellente idée ! Il ajouta, sur le ton de la confidence : Je pourrais t’apprendre à nager comme cela ?
- Ah voilà ! Ça nous donnera l’occasion !

Ils retournèrent à la Tanière prendre quelques victuailles. Isa alla chercher de quoi se changer et ils purent se mettre tranquillement en route. Elen la conduisit ensuite directement à la Rivière Vive, par des sentiers faciles, à l’endroit quils avaient déjà fréquenté où l’eau s’écoulait sans guère de courant.

Bien décidé à se baigner avant de manger, il déposa le sac contenant leur encas au sol. Donnant l’exemple, il retira la cape de sa tenue de Chaman, ôta la bure qui composait la tenue officielle qu’il portait, se retrouvant torse nu, un pantalon noir couvrant la partie inférieure de son corps. Ayant omis de se munir de sa culotte courte, il demeura dans cette tenue. Le vent jouant sur sa peau lui causait un véritable supplice. Cependant, savoir qu’il ne partagerait ces instants qu’avec elle et personne d’autre le rendait fort enthousiaste.

Isa alla se changer rapidement derrière de grosses souches. En revenant vers le Loup, elle vit que sa peau pâle, à peine bleutée, affichait quelques traces violettes, comme des hématomes en toute fin de guérison. Elle enragea d’être dans l’obligation d’attendre simplement que ça passe.

Prenant sa main, il l'entraîna dans l’eau douce et fraîche de la rivière, l’air parfaitement ravi. Il la conduisit vers le centre du bassin, jusqu’à ce qu’elle ait de l’eau jusqu’au-dessus de la poitrine. Il avait étrangement froid, la sensation de brûlure amplifiant la celle de fraicheur. Cela restait supportable. Il se tourna vers l’Olympienne, lui adressant un sourire.

- Tu te sens mieux dans l’eau ?

Elle en doutait, à voir la chair de poule apparaître sur le torse et les épaules d’Elen - étant bien plus grand que l’Olympienne, l’eau ne lui arrivait qu’au-dessus de la taille. La rivière était certes fraîche, mais les Titans chauffaient encore suffisamment pour que la baignade n’incommode pas ceux qui n’étaient pas particulièrement frileux.

- Ne t’inquiète pas pour moi. Ces vulgaires tours de passe-passe ne nous gâcheront pas la journée ! Minimisa-t-il, lui tenant toujours la main.
- Bon alors... Montre-moi ! Elle savait que quoi qu’elle dise, de toute manière Elen n’en ferait qu’à sa tête.
- As-tu déjà vu des grenouilles nager ? Demanda-t-il, le plus sérieusement du monde.
- Euh... Je suppose... Fit-elle en haussant un sourcil.

Isa n’avait pas de souvenirs flagrants de nage de batraciens mais elle connaissait au moins l’animal alors ce n’était pas très dur à imaginer.

- Alors retiens bien, et je sais qu’aujourd’hui tu le peux : tu peux imiter les grenouilles, avec tes jambes. Elles nagent la brasse. Elles seront de bons exemples.

Lâchant sa main, il lui fit une démonstration des mouvements de jambes, en démultipliant les gestes. Il tourna plusieurs fois autour de l’Olympienne pour qu’elle puisse observer de tout son saoul et bien comprendre la technique.

Ensuite tu repousses l’eau avec tes bras, en prenant garde à bien garder les doigts joints. Tu peux garder la tête à l’air libre. Dit-il, lui faisant démonstration des mouvements de bras, s’éloignant un peu puis revenant vers elle. Je peux te porter, si tu veux pour que tu puisses t'entraîner sans craindre de couler !
- Attends... Fit-elle, un peu perdue dans toutes ces explications. Les jambes déjà... Tu me tiens ?

Elle présenta ses mains à Elen pour qu’il les lui tiennent à fleur d’eau. Elle s’éloigna assez pour que ses bras soient tendus et testa sa flottaison en remplissant bien d’air ses poumons. Hésitante, elle releva une jambe et constata qu’elle restait légère dans la masse liquide... L’autre jambe suivit lentement. Elle avait un peu peur de couler, aussi remit-elle un pied au fond à quelques reprises.

- Tu dois pousser avec tes jambes, en cisaillant l’eau. Expliqua-t-il, lui adressant un sourire plein d’encouragement.

Elle tenta de faire comme Elen lui avait montré, mais sa première tentative trop crispée la fit boire la tasse avant qu’elle ait fait deux mouvements. Elle se remit vite debout pour respirer et lâcha Elen pour dégager son visage de ses mèches trempées. Celui-ci ne la quittait pas des yeux, comme fasciné par le moindre de ses gestes. Rien n’aurait pu le forcer à détacher son regard de la future sirène.

- C’est dur ! Si je ne respire pas je coule, et si je respire je coule aussi ! Quelque chose devait lui échapper... - Je recommence... Ne bouge pas !

Relever ce petit défi l’amusait, finalement. Elle avait juste un peu peur qu’Elen décide de corser la chose en l’amenant là où elle n’avait plus pied. Elle renouvela l’expérience en essayant de coordonner un peu mieux le brassage des jambes et sa respiration. En forçant un peu plus, elle s’aperçut qu’elle restait bien à l’horizontale.

- C’est comme ça ?
- Oui. Fit-il, très fier d’elle. Détends-toi et ce sera parfait. Il ne peut rien t’arriver. Je suis là, je te tiens.

Pour l’aider à s’habituer aux déplacements dans l’eau, il reculait tandis qu’elle exécutait les mouvements avec ses jambes. Ses doigts glissés entre les siens, rien n’aurait pu les lui faire lâcher. Attentif, il veillait à ce qu’elle ne coule pas. Une fois passés les premiers instants de panique, elle se débrouillait très bien, lui sembla-t-il. Peut-être avait-elle déjà nagé par le passé, mais qu’elle avait tout simplement oublié. D’après lui, ce que l’esprit omettait de retenir, le corps s’en souvenait.

- Tu vas voir, d’ici quelques minutes je te bats à la course ! Dit-elle en riant.

Elle s’arrêta après encore quelques bonnes brassées pour se reposer. Pourtant habituée aux longues marches, elle s’étonna que la résistance de l’eau soit si fatigante.

- J’essaie toute seule ? Tu me surveilles hein !

Pour autant, elle ne lâchait pas les mains d’Elen et regardait le fond qui lui paraissait immensément loin, au bout de longues jambes qui semblaient onduler dans le faible courant.

- Il faut alterner les mouvements de jambes et de bras, voilà le secret. Elle semblait prête à dépasser ses appréhensions, prenant confiance en elle. Il se tiendrait prêt à la rattraper, au cas où. N’oublie pas, les bras, comme ceci. Ajouta-t-il, en faisant une nouvelle démonstration, tout en marchant.

Elle hocha la tête doctement. Quand Elen lui montrait, c’était d’une simplicité enfantine. Elle refit le mouvement des bras sans décoller les pieds du sol, avec les doigts bien joints, comme il avait dit.... Ça semblait faisable...

- Je te suivrai. En cas de besoin, je te rattraperai.

Elle poussa du bout de ses pieds pour se propulser en avant. Mais au moment de bouger les bras, l’air lui manqua et, sans le soutien d’Elen, elle bascula tête la première et ses mains battirent en tout sens, bien loin de la technique adéquate.
Et il la rattrapa presque immédiatement, comme promis. Elle se raccrocha à lui en toussant.

- A force de boire la tasse, je vais couler à pic !
- Tu vas surtout ne plus avoir soif pour le restant de la saison ! Dit-il en lui adressant un sourire goguenard.

Elle reprit son souffle et se remotiva pour l’essai suivant. Elle mima :

- D’abord les jambes comme ça, après les bras comme ça. Puis les jambes, puis les bras. Et on ne s’affole pas !

Elle s’élança plus doucement cette fois et sentit la résistance de l’eau sur les bras qui lui permit d’avancer. Elle s’enfonça un peu sous la surface mais elle respira un grand coup et la flottaison fut plus correcte.

- C’est... Bien ? Demanda-t-elle d’une voix entrecoupée par sa respiration saccadée.
- Tu te débrouilles très bien. Répondit-il d’une voix douce. Redresse les fesses, reste bien droite, et tu seras parfaite !

Elle s’exécuta, du moins comme elle put quand elle réalisa soudain :

- Mais... Je... N’avance... Pas !



el Par Elen  le 17/03/2012 à 11:13

Elle était toujours plantée devant Elen, à s’épuiser sans bouger d’un pouce. Il sourit, amusé par sa remarque. Trop concentrée sur ses mouvements, elle n’avait même pas remarqué que le Loup se déplaçait lui aussi, suivant sa progression d’un oeil attentif.

- Tu avances. Je te suis... Je suis ton garde fou contre une nouvelle gorgée d’eau !
- Oh !... D’accord !... Je suis cont....

A force de parler, elle perdit la synchronisation et ses forces l’abandonnant elle ne surnagea pas plus longtemps. Elen ayant anticipé, elle se retrouva rapidement tout contre le Chaman, enlacée. Ses bras enroulés autour de l’Olympienne, il l’avait instinctivement attirée contre lui alors qu’il lui aurait suffit de simplement la faire émerger.

- Sauvée ! Fit-il, simulant un soupir de joie. Très fier des progrès de son élève, il lui adressa un regard plein d’admiration. Il l’encouragea d’une voix sincère : - Tu es très douée, tu sais ? Tu sauras nager à la perfection avant même d’y avoir songé !

Elle avait bien gagné le droit de se reposer. Il frissonnait légèrement : l’eau lui semblait plus froide qu’elle ne l’était réellement. Les brûlures se calmaient peu à peu malgré tout ; l’eau aidait sans doute. Cependant, loin de la douleur, chaque fibre de son être concentrée sur l’Olympienne, il ne pouvait s’empêcher de s’enivrer de la présence de l’Olympienne, lui lançant régulièrement des oeillades bienveillantes.

- On réessaiera tout à l’heure ? Là je suis toute...

Elle agita faiblement ses bras à la surface de l’eau. Ses muscles ne travailleraient pas davantage avant d’avoir repris des forces.

- On s’assoit là ? Elle désigna le bord du bassin où l’on pouvait avoir les jambes dans l’eau, assis sur de gros galets. Sauf si tu veux m’épater avec une démonstration de nages compliquées ! Mais je te regarde, c’est tout !
- Moi ? T’épater ? Après l’exploit que tu viens d’accomplir ? Non, non, je ne prendrai pas le risque de te décevoir en faisant moins bien que toi !

Elle se mit à rire et reprit avec un petit air espiègle.

- Quel flagorneur tu fais ! Avoue juste que tu as faim et que c’est l’heure du casse-croûte, je comprendrai tout à fait !
- Oh... Euh... Non, non... Seulement, imagine que je coule à pic ! Tu te rappelleras toute ta vie de l’événement ! Expliqua-t-il, sur le ton de la plaisanterie, tout en la libérant. Et toi, tu as faim ?
- Je vois, le Chaman du Clan des Loups est soucieux de sa réputation. Et bien moi je crois qu’en rentrant à la Tanière, je vais aller voir Evonis et lui demander de me raconter quelques petites anecdotes bien croustillantes sur vous, Grand Chaman !
- Evonis m’est fidèle ! Jamais il ne me trahira ! Même sous la torture ! Avança-t-il, se dirigeant lentement vers les galets indiqués par l’Olympienne.
- Qui parle de torture ? Tu n’imagines pas tous les moyens qu’une femme peut déployer pour obtenir ce qu’elle veut ! Fit-elle pour plaisanter, de la voix suave dont les Soeurs d’Aphrodite enchantaient leurs visiteurs, ne manquant pas d’occasionner un rosissement des joues de son interlocuteur. Puis elle reprit de façon tout à fait normale : Et oui, je goberais un ogre tout rond je crois ! On n’a pas idée de faire autant d’efforts pour avancer de dix toises !
- Bien, bien ! Je vais te chercher à manger, gente Dame !

Le Chaman sortit de l’eau, s’étira puis s’en fut chercher le sac contenant les provisions. Il le déposa derrière Isa, puis s’installa tout à côté d’elle, les pieds dans l’eau, songeur. Quel couard il faisait !

- Allez je fais le service !

Elle avait pris quelques petits pains et des tranches de viande rôtie dans les cuisines. Elle les répartit généreusement et en tendit un à Elen. Le voyant à ses pensées, elle glissa, l’air très sûre d’elle :

- Un Chaman ne réfléchit pas l’estomac vide.
- Merci, Isa. Il mordit à pleines dents dans le pain. Tu te plais ici ?
- Bien sûr Elen ! C’est un endroit magnifique ! On a bien fait d’y revenir.
- Je veux dire, ici, à la Tanière...

Elle avait imité Elen avec son propre casse-croute. Elle prit le temps de mastiquer et d’avaler tranquillement la bouchée avant de répondre. Mais elle pouvait tourner ça comme elle voulait, la réponse revenait toujours au même.

- Oui je m’y plais. C’est... J’ai un peu l’impression d’être au Havre. Enfin... Pas vraiment mais...

Evidemment les deux endroits n’avaient rien à voir entre eux. Mais Isa s’y sentait en famille. Ce qu’elle ne pouvait décemment pas dire à Elen.

- En tout cas, je ne te remercierai jamais assez de m’avoir invitée et de m’avoir fait partager tout ça.

Elle regarda furtivement Elen et une pensée éclata dans son esprit, telle une bulle contenue depuis trop longtemps. On y était, à ce fameux jour qu’elle avait prédit dans ses notes, celui où ce serait trop tard...



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 17/03/2012 à 12:34

- Elen... Il est temps que je rentre à Lardanium. Je partirai demain.

Jamais le Loup ne lui parut plus diminué que lorsqu’elle annonça cette nouvelle. Même lors de leur précédente séparation, au Pilier Nord, leur rendez-vous pour la réparation du Pilier Sud lui avait permis de moins mal vivre l’idée d’éloignement. Ses retrouvailles avec Nil avait certes aussi beaucoup aidé. Mais à présent les cartes avaient changé du tout au tout. Il espérait plus que tout qu’elle diffère son départ. Mais les choses n’iraient pas en ce sens.

- Je sais... Murmura-t-il.
- Alors raconte-moi ce que tu vas faire de beau, quand j’aurai fini de t’encombrer ?

Elle essayait de parler d’une voix légère mais elle la trouva pourtant bien altérée.

- Je ne sais pas... Répondit-il simplement, se penchant en arrière pour regarder les cieux.

Il repensa à leur jeu : trouver des formes dans les nuages. Trop troublé par l’annonce du départ de la jeune femme, il ne parvint pas à imaginer quelque forme que ce fut dans les quelques moutons blancs paissant dans les pâturages azurés. Posant ses mains derrière lui pour se stabiliser, ses doigts rencontrèrent par inadvertance ceux de Isa. Elle déplaça sa main aussitôt et l’utilisa pour mieux tenir le pain qu’elle mordillait maintenant sans grand entrain. Il eut un pincement au coeur lorsqu’elle rompit ce contact. Lorsqu’elle partirait, cela lui occasionnerait une sensation bien pire encore que celle qu’il venait d’éprouver.

- Pourrais-je t’accompagner ? Demanda-t-il en se laissant bercer d’une douce utopie.
- Avec ce qui se passe en ce moment, ça ne serait pas prudent. Je ne leur fais plus confiance.

Elle parlait bien sûr des Impériaux mais il était inutile de le préciser. Dans son intonation, on sentait une rupture douloureuse avec cet Empire qu’elle avait de plus en plus de mal à reconnaître.

- Je suis prêt à prendre le risque... Ajouta-t-il, se tournant à demi vers elle. Cela ne m’effraie pas.
- Et moi je préfère te savoir en sécurité avec ton clan. Je reviendrai si tu me le permets. Plus tard.

Plus tard ? Cela lui semblait trop long rien qu’à l’entendre. Il avait Luwö de son côté ! Pourquoi Hadès ne tentait-il rien ? Lui dire, lui faire comprendre ! Elle était loin d’être sotte. Et quelque part au fond de lui, il sentait qu’elle désirait plus que tout rester. Pourtant, après ses cogitations, il demeurait un grand doute : et si elle le repoussait ?
Il hocha la tête. Sans un mot. Sans la quitter du regard.

Elle esquissa un sourire tendre, soulagée qu’il n’insiste pas.
Ils méritaient mieux que de se faufiler comme des criminels, à avoir peur de leur ombre à chaque pas. Ici au moins ils pouvaient se voir sans épée au-dessus de la tête. Elle reviendrait un jour, elle l’espérait de tout coeur. Mais elle ne pouvait plus rester. Maintenant que ses sentiments avaient vraiment éclos, qu’elle savait qu’elle... Qu’il aurait été déplacé de s’attarder plus longtemps.

- Cela te plairait-il de remonter au sommet du Grand Chêne, qui surplombe la Tanière ? Lui demanda-t-il soudainement, sortant de ses pensées.
- Oui j’aimerais beaucoup. Ce soir peut-être ? J’aimerais trouver un joli endroit pour... Tu sais.

Il hocha la tête, lui adressant un franc sourire. Il s’attaqua une fois encore à l’encas qu’ils partageaient, pour éloigner ses idées noires. Lorsqu’elle s’éloignait de lui, ne serait-ce qu’un instant, il se surprenait à avoir d’étranges pensées quant à l’avenir des Elfes. Un sombre avenir, voilà à quoi il songeait généralement. Dont il pourrait bien être l’auteur. Mais lorsqu’elle se trouvait auprès de lui, la file de ces idées folles s’interrompait. Il essayerait, au moins, de profiter au maximum des derniers instants qu’ils partageraient.

- Auras-tu besoin d’aide ? Si je peux...
- Normalement non... Il me faudra juste un peu de place. On verra si le Chêne a des branches aussi grosses qu’on le dit !
- Tu as vu sa taille ? Elles ne peuvent être qu’immenses !
- Tatata, je veux des preuves ! Fit-elle pour plaisanter. J’ai aussi promis une partie de cache-cache à Erya, elle ne me pardonnera jamais si on y coupe.
- On dirait qu’elle s’est trouvée une grande soeur, cette chipie !
- Cette chipie ? Elle est mignonne ! A moins que tu insinues que je suis une chipie et qu’on se ressemble ?

Isa plissa les yeux, l’air calculateur. Suivant la réponse d’Elen, il risquait d’y avoir des représailles !

- Moi ? Insinuer ça ? Jamais... Fit-il, feignant l’innocence. Tu t’es sentie visée ? Poursuivit-il, plein de malice.
- Je sais bien que les hommes prennent toujours des moyens détournés. Assena-t-elle avec une moue entendue. Pas comme nous, les femmes !

Elle se pencha et d’un geste rapide, ramena de sa main libre une giclée d’eau vers Elen, pour l’arroser.

- Hey ! Protesta-t-il, avant de l’imiter. Tu vas voir toi !

Il la trempa à son tour, sans grand ménagement, les yeux pétillants d’allégresse. Elle éclata de rire et essaya de se protéger, sans grand succès.

- Et après c’est moi la chipie !
- Parfaitement ! Il lui tira la la langue en une longue grimace, espiègle. Et tu n’as encore rien vu !

A la grande surprise de l’Olympienne, il se releva d’un coup et se saisit d’elle, la soulevant du sol, interrompant la collation. Il la porta vers l’amont de la rivière, au dessus de la cascade, une idée visiblement en tête. Isa aperçut le surplomb et se mit à hurler :

- Haaa ! Non ! Je ne sais pas nager !!
- Je suis sans pitié ! Dit-il, imitant ensuite un rire sadique.

Il recula de quelques pas, tenant fermement l’Olympienne. Il échangea brièvement un regard avec elle, comme pour lui signifier : ”Attention, tiens-toi prête !”
Puis il s’élança et sauta !
Le temps d’un battement de coeur, deux tout au plus, elle n’eut le choix qu’entre un nombre très limité d’options : continuer à hurler ou prendre sa respiration. Mais l’excitation du plongeon, cet étrange mélange de peur et d’envie, lui fit tout simplement oublier de se décider. Elle fit, mal, un peu des deux tandis que ses bras enserraient le cou d’Elen.

PLOUUUF !



el Par Elen  le 18/03/2012 à 01:08

Il prit appui sur le fond, et se projeta vers la surface, la tenant toujours dans ses bras, jusqu’à ce qu’ils ré-émergent. Il les maintint ensuite tous deux en suspension en bâtant vivement des jambes. Sans se départir de son air taquin, il échangea un regard avec l’Olympienne, content de sa revanche.
Elle toussa un bon coup avant d’éclater de rire.

- J’ai eu peur ! Lança-t-elle à Elen avec un faux air de reproche .
- Allons bon ! Tu as vraiment l’air effrayée ! Se moqua-t-il, ironique.
- C’est parce que là je tousse, regarde ! Kof Kof ! Fit-elle. C’est ça quand on essaie de noyer les gens !

Il prit un air faussement apitoyé, caressant tendrement sa joue. Après tout, il avait les mains libres, vu comme elle s'agrippait à lui !

- Ooooh.... Pauvre, pauvre, pauvre Isa... Le vilain Chaman te fait des malheurs !

Elle était à bout d’arguments et Elen n’avait pas l’air de vouloir se laisser tourner en bourrique. Elle se remit à rire.

- Tant pis ! Je me vengerai autrement une prochaine fois !

Elle lâcha Elen d’un seul bras et testa si elle arrivait à flotter... Le fond lui paraissait vraiment très loin cette fois. Doucement, elle desserra l’autre des épaules d’Elen et se mit à nager vers la berge. Elle n’allait pas bien vite et ses mouvements perdaient régulièrement leur coordination, mais elle avait bon espoir d’avoir rejoint la rive avant qu’il ne fasse nuit...

- Et je vais arriver... Première ! Et... Tout le monde le saura... à la Tanière ! Cria-t-elle tandis qu’elle s’éloignait vaguement.
- Te voilà devenue sirène !

Il s’élança, à sa suite. Il la rattrapa en crawl et la dépassa, l’éclaboussant à dessein lors de son passage près d’elle.

- Aaah ! Tricheur ! Emploi d’armes non autorisées ! Je vais l’dire à la Juge ! Menaça-t-elle d’une voix haut perchée, comme une enfant.

Il lui tira la langue, de loin.

- Elle ne pourra rien pour toi, cette partie de la forêt est sous ma juridiction !

Elle fit une moue boudeuse avant de tenter l’impossible. Riposter ! D’un ample mouvement du bras, elle ratissa à la surface une grande gerbe d’eau vers Elen. Ce qui lui valut fatalement de couler, sans voir le résultat de son attaque. Elle sentit des mouvements d’eau autour d’elle, et des mains autour de sa taille, tandis qu’on la propulsait vivement vers la surface. Le Chaman avait plongé et nagé jusqu’à elle.

- Tu m’as mouillé ! Je vais devoir te condamner pour ça !
- Bon d’accord, je me rends ! Je plaide coupable ! Je... J’attendrai d’avoir pied avant d’essayer de m’échapper, promis !
- Et voici venir la sentence ! Continua-t-il, faisant fi de sa semi-reddition.

Il ne devait jamais savoir ce qui le poussa à agir de la sorte, la seule certitude qu’il eut fut le feu soudain dans son visage après qu’il eut déposé un tendre baiser sur la joue de l’Olympienne, avant de la relâcher. Avant de se raviser, il avait envisagé une toute autre punition. Les solides barrières des convenances l’avaient condamné à cet acte manqué. Décidément, il perdait vraiment la tête ! Il lui tourna le dos, pour tenter de dissimuler son émoi.

Isa en resta coïte. Non pas que le geste d’Elen fut hautement improbable, au contraire. Il n’était que dans la lignée de ce qu’elle avait déjà écrit dans son journal. Elle était son amie, sa petite soeur... Un pincement au coeur douloureux emplit sa poitrine. Elle relâcha une partie de l’air de ses poumons et se boucha le nez pour ne pas perdre le reste. Elle se laissa couler doucement, les yeux ouverts. Il lui faudrait quelques secondes pour se reprendre. A l’air libre au-dessus, les formes et les couleurs étaient étranges, déformées. Elle n’avait pas souvenir d’avoir déjà vu le monde sous cet angle. Elle s’y sentait bien, finalement, dans toute cette eau qui l’enveloppait, la cachait...
Mais le manque d’oxygène se fit bientôt sentir. Elle battit des jambes pour remonter, son bras libre s’agitant un peu à la manière d’un chien maladroit.
Elle reprit son souffle et barbota à la surface. Elle devait reprendre son rôle pour que rien ne vienne troubler leur complicité...

- Vous êtes bien sévères chez les Loups !

Il fit volte face, plongeant son regard dans le sien, silencieux. Une force invisible le poussait à se rapprocher d’elle, inlassablement. Il se mordilla la lèvre inférieure, hésitant sur la réponse convenable. Bientôt tout près d’elle, incapable de mettre de l’ordre dans ses idées, il contemplait son visage aussi rayonnant que l’aube.

- Ah tu vois ! Tu ne dis rien, c’est que j’ai raison !
”Vas-y...” Le poussa une voix familière.
- Tu...
- Je n’ai plus très chaud... Dit-elle avec un léger tressaillement des épaules.On retourne sur l’herbe ?

Il l’entendait à peine, bouillant intérieurement. Ses mains se glissèrent lentement sur la taille de l’Olympienne, tandis qu’il s’affranchissait de la distance qui les séparait. Il déglutit, frissonnant. Il écarta d’un geste une mèche de cheveux humides de son front puis, poursuivant sa course, il caressa sa joue du dos de sa main. Sentait-elle le martèlement de son coeur dans sa poitrine ?

- Elen ? Ca va ? Tu trembles...
- Toi... Toi aussi... Murmura-t-il, dans un souffle, son visage se rapprochant inéluctablement du sien.
- Retournons au bord, je...

Son regard se voila d’inquiétude. Elle sentait Elen fébrile. Entre ses transes à l’improviste et le maléfice qu’elle sentait toujours actif, elle ne pouvait pas s’empêcher d’imaginer le pire. S’il lui arrivait quelque chose au milieu du bassin, jamais elle ne pourrait le sortir de là.

Elle le ramena à la réalité, son coeur battant encore la chamade. Il demeura encore quelques instants enlacé, son regard plongé dans le sien. Finalement, il se sépara d’elle, amer. Et la voix de son mentor ne fit que remuer le couteau dans la plaie :

”Tu n’es qu’un lâche !
”Et toi un salopard !” Renvoya-t-il, brisant définitivement ce qu’il restait de l’instant dans sa tête, se renfrognant.
”A ta guise.”



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 18/03/2012 à 08:53

Ils retrouvèrent la berge, le Chaman gêné d’avoir manqué une telle occasion de témoigner son sincère penchant pour Isa. Ce Corbeau ! L’envoûtement à lui seul avait déjà gâché une bonne partie de la journée ! Si l’autre avait souhaité lui ruiner ses espoirs, il n’aurait pas agi autrement ! Décidément, il haïssait la magie de son peuple, insaisissable et implaquable.

Isa récupéra le sac et alla s’asseoir sur l’herbe à un endroit semi-ombragé qui serait peut-être plus doux pour Elen. Il s’installa à côté d’elle, évitant de croiser son regard, certain que cela le trahirait.

- Tu te sens mieux ? Tenta-t-elle.

Elle ne devait plus materner Elen, mais même lui ne pourrait pas prétendre que cette fois il ne méritait pas un peu plus d’attention.

- Oui, oui... Ça passe... Répondit-il, évasif. Et... toi ?
- Plus qu’à sécher ! Lui dit-elle avec un sourire en tordant sa chevelure dégoulinante sur le coté. Dire que j’ai enfin appris à nager !
- Tu n’imagines même pas à quel point je suis fier d’avoir pu être ton professeur !
- Ça, le Loup ancien, l’astronomie elfique, des tas de légendes... Tu m’en as montré, des choses ! Ce fut un séjour bien rempli.

Il hocha la tête. En effet, il l’avait entraînée en de nombreux lieux enchanteurs de la forêt et il garderait un souvenir impérissable de chacun de ses instants qu’ils avaient partagés. Il serait leur mémoire. Pour toujours. Et à jamais.

- Tu... Tu ne regrettes pas ? Je veux dire... Tu sais.

Il ne restait à la jeune femme que les dessins de Dalhia et ses notes. Autant dire si peu malgré tous leurs efforts. Elle se sentait frustrée, volée, d’une certaine façon. Elle ignorait comment Elen le vivait, maintenant qu’il savait.

- Si les Dieux me proposaient d’oublier tout ce que nous avons vécu ensembles, je refuserai. Dit-il, avant d’ajouter dans un sourire : Catégoriquement.

Elle lui sourit, rassurée et s’étendit sur l’herbe, les bras croisés sous sa tête. Il l’imita, sa contenance retrouvée. Ils badinèrent encore plusieurs heures, le temps qu’ils soient secs. Plus tard, ils retournèrent à la Tanière et croisèrent Erya qui les attendait de pied ferme, bien décidée à avoir sa revanche. Quelques parties de cache-cache plus tard avec les enfants du Clan, ils dînèrent avec les autres dans la salle commune puis il fut temps de retourner au Grand Chêne pour ne pas manquer le coucher des Titans.

Comme lors de la précédente ascension, il lui montra le chemin, l’encourageant. Elle l’avait déjà fait une fois, elle pouvait recommencer. Une fois le tronc passé, il la guida dans le dédale de branches, prenant garde à la placer au plus près du tronc, là où se trouvaient les tronçons les plus larges. Finalement, il atteignirent la branche qui les avait accueillis le premier jour.

- Tout va bien ? Pas trop fatiguée ?
- Facile ! Aux prochains jeux olympiques, je pourrai m’inscrire sans problème avec tout l'entraînement sportif qu’on a ici !
- Regarde...

Il l’invita à redécouvrir les paysages de la forêt et des alentours. Le temps clair leur offrait une vue dégagée sur de longues distants : ici les montagnes de Zagnadar, là-bas toute l’étendue de la Plaine Basileus, à l’ouest l’Arbre des Murmures et au sud la poussière du désert qui masquait les monts de la Désolation. Il souhaitait qu’elle fixe ces images dans son esprit, tant que la luminosité ambiante le lui permettait.

Elle regardait partout, lançant parfois des coups d’oeil à Elen, ravie. Elle ne savait pas ce qui s’était passé la première fois, pas exactement du moins. Mais elle sentait des émotions particulières naître ici et l’envahir doucement. C’était vrai que l’endroit invitait aux confidences. Et puis il était merveilleux d’être à côté de quelqu’un, profiter de chaque instant sans avoir peur de se trahir. Elle ne s’était jamais sentie aussi libre.

- Je dois attendre les premières étoiles pour commencer. Et finir avant que les dernières ne disparaissent à l’aube. On a encore un peu de temps.

Elle n’avait pas envie de se presser. Chaque seconde leur appartenait pleinement et ils en disposaient à leur guise.
Il s’installa sur la branche, confortablement, l’invitant à prendre place auprès de lui. Elle vint et laissa pendre ses jambes dans le vide. Sa besace, alourdie par certains contenants qu’elle avait dû emporter pour ses incantations, reposait à coté d’elle.
Des oiseaux pépiaient, non loin d’eux, heureux. Elen ne pouvait s’empêcher de songer qu’après son rituel, elle devrait s’en aller. Sous les lueurs déclinantes du jour, la forêt vibra d’une multitude de couleurs. Les Titans déteignaient d’abord sur les cieux flamboyants puis se diluaient dans la vive verdure originelle. Séléné et Adamant étincelaient déjà, à l’opposé, entraînant dans leur course l’encre des cieux et les premières étoiles.

Isa se laissait ensorceler par le spectacle. Elle n’aurait pu rêver endroit plus inspirant pour son rituel. Aussi près des étoiles qu’ils étaient, les Dieux ne pouvaient que l’entendre.

- Hum... Isa... Avant ton rituel... J'aimerais...

Elle tourna vers lui son visage encore émerveillé.

- Je... Je voulais te dire...



el Par Elen  le 19/03/2012 à 01:35

"Oh et puis zut !"

Il ne se laissa pas le temps de réfléchir. Sa main droite se plaça en soutien sous son menton, ses doigts caressant sa joue. Le Loup l'embrassa timidement, du bout des lèvres, les yeux clos. Ô comme il avait espéré cet instant ! Sa main libre, plus exigeante, se coula sur une hanche d’Isa et frôla ses vêtements.

Le temps s’arrêta. Elle ferma les yeux, incrédule. Que se passait-il ? Rêvait-elle ? Etait-ce un songe qu’Aphrodite lui suggérait, à la fois complice et perfide ? Cela avait l’air si vrai pourtant. Son coeur s’emballa. Rouvrir les yeux pour en être sûre. Et si le mirage s’estompait ?...

La main termina sa course posée au bas du dos de l’Olympienne, tandis qu’il s’écartait, la regardant à nouveau. Lentement les paupières de la jeune femme se relevèrent, son regard couleur de miel se figea dans celui d’Elen, tout près... Il portait mille questions et autant de doutes. En cet instant de perplexité, il la trouva plus délicieuse que jamais, le goût suave de ses lèvres encore sur les siennes.

- Je... Je voulais... J’aimerais... Il fallait que tu... Bredouilla-t-il, intimidé par sa propre audace.

En revanche, le regard qu’il lui lançait ne mentait pas : ses yeux émeraude ne brillaient que pour elle. Il donnait l’impression qu’elle seule existait, rendant le paysage tout à fait superflu. Mieux encore, il lui semblait qu’elle magnifiait tout ce qui l’entourait. Depuis qu’il l’avait aperçue ce jour-là, dans les ténèbres des Enfers, son image n’avait cessé de le hanter, resplendissante et vivace.

Elle leva doucement sa main et posa un doigt sur les lèvres d’Elen quelques secondes.
Toutes les lignes de son journal virevoltaient dans son esprit. La façon laconique du Loup d’éviter de parler de son épouse, son ton évasif dès qu’il s’agissait d’évoquer ses futurs projets, sa proximité qu’elle s’était entêtée à ne voir que telle une tendresse fraternelle... Avait-elle provoqué tout ceci ? Depuis des jours... Elle déglutit et ses mains devinrent glacées.

”Prends garde à ce que tu souhaites, tu pourrais bien l’obtenir” Aurait dit sa grand-mère, rarement à court de sorties assassines.

- Je pars demain Elen. Et sa main retomba mollement, libérant la bouche du Loup.

- Je sais... J’aimerais tellement pouvoir t’en dissuader...

Il souriait, comme soulagé. Elle ne l’avait pas repoussé. Elle n’avait fait que lui rappeler l’inéluctable départ du lendemain. Cela lui sembla tellement irréaliste ! Lui plaisait-il réellement ? Ou ne voulait-elle pas le froisser ? Pourtant, les faits étaient là : loin de s’être débattue, elle avait été captivée par son baiser.

Elle secoua la tête lentement avant de fixer l’obscurité qui se répandait au-dessous d’eux. Il devait bien comprendre que c’était impossible...

- Je ne prétends pas deviner ce que tu penses à mon propos. Je t’aime, Isa Cestia. Trouva-t-il le courage de dire.

Ce qu’elle pensait n’avait aucune importance. Pourtant à Lardanium il était fréquent qu’un couple marié ait des amants sans que cela ne fasse scandale, tant qu’une certaine forme de discrétion respectueuse était conservée. Mais l’on n’était pas à la Cité Blanche. Elle n’allait pas s’installer à Na’helli pour être la maîtresse du Chaman, ou Zeus savait quel autre arrangement incongru... Le Clan s’avérait être une structure familiale assez traditionnelle, somme toute. Elle n’y aurait jamais sa place.

- Tu aimes Nil’nelia aussi. Fit-elle en déployant un effort colossal pour que son ton reste neutre sans toutefois avoir le courage de le regarder.Il n’y a que cela qui doit compter.
- Je l’ai aimée... Corrigea-t-il, conscient que ce temps était révolu, et ce depuis son enlèvement par Gourlx, béni soit ce damné Nain. C’est de ça dont je voulais t’entretenir ce matin.

Pouvait-il lui dire textuellement que Luwö bénissait ses sentiments à l’égard de l’Olympienne ? Il ne l’imaginait pas croire qu’il avait interprété les signes à son avantages. Pourtant, cela laissait une place certaine aux doutes.
Isa, tourna finalement la tête vers lui mais ne savait plus quoi penser. Elle s’en voulait de n’avoir rien vu auparavant alors qu’elle avait cultivé ses propres sentiments presque inconsciemment au gré de leurs rencontres. Mais il n’y avait personne dans sa vie et aimer quelqu’un ne lui paraissait pas être une vilenie, si personne d’autre qu’elle ne risquait d’en souffrir. Elle n’aurait jamais cru qu’il pouvait en être de même pour Elen.

- Je suis désolée...
- Pourquoi ?
- Je... Je ne voulais pas m'immiscer dans ta vie. Pas comme ça du moins. Pas en détruisant autre chose de plus... Légitime.
- Je t’ai introduite dans ma vie parce que tel était mon souhait. Je suis trop vieux pour que tu puisses te sentir responsable. Plaida-t-il afin de réduire le poids de la situation pour la jeune femme. Si tu veux bien de moi... Je veux bâtir un futur avec toi.

Peu lui importait les difficultés : il ne se sentait vivre qu’auprès d’elle. Elle représentait le contrepoids à la noirceur du monde que Nil n’avait pas réussi à devenir. La jeune femme lui était aussi vitale que l’eau. Si quelqu’un lui retirait Isa, la trame même de son avenir serait déchirée. Et les visions que Luwö avait bien voulu lui donner d’elle se corrélaient avec ce qu’il ressentait. Cela faisait bien longtemps que leurs vies ne formaient qu’une seule et même ligne.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes

olymp Par Isa Cestia  le 19/03/2012 à 08:39

Elle l’observa longuement, pesant ses sentiments à l’aulne de sa culpabilité. Pourrait-elle vivre loin de lui maintenant qu’elle savait ? Sa main alla chercher délicatement la nuque d’Elen. Dans un souffle ténu alors que son regard dardait au contraire une assurance rare, elle murmura :

- Je le veux aussi.

Ivre de bonheur, Elen joignit ses mains dans le dos d’Isa. Il déposa tendrement un baiser au creux de son cou. Puis un autre à peine plus haut. Il progressa avec douceur jusqu’à la commissure de ses lèvres, en passant par la peau rosée de ses joues.
Prise dans un filet câlin, Isa tourna son visage pour que leurs baisers se rejoignent et se laissa submerger par ces sensations qu’elle n’avait connues qu’une unique fois si fugacement et que sa mémoire avait laissé filer.
Il se colla tout contre l’Olympienne, laissant l’une de ses mains s’égarer sur la taille de la jeune femme. L’autre se posa sur une des frêles épaules, raffermissant leur étreinte. Ses lèvres s’entrouvrirent et sa langue se glissa prudemment par l’ouverture, tâtonnant à la recherche d’une compagne.
Isa frémit, effarouchée par le Loup qui l’enlaçait plus étroitement. Mais la confiance qu’ils avaient tissée et la prévenance dont il faisait toujours preuve lui firent dépasser sa retenue instinctive. Comme pour sceller leurs promesses, elle répondit aux espérances d’Elen et goûta ce bonheur nouveau.
Il finit par rompre son étreinte, plongeant tendrement son regard dans celui de l’Olympienne. Il s’empara de sa main, soupirant d’aise. Il semblait vraiment ravi que les choses tournent ainsi. L’avenir l’effrayait moins, à présent qu’il savait qu’elle en ferait partie. Il lui adressa son plus beau sourire.

- Pourquoi a-t-il fallu que tu sois aussi charmante ?

Elle rit doucement et se leva pour s’écarter du bord de la branche. Celle-ci était assez large pour qu’elle puisse disposer le petit brasero à ambre, le parchemin tracé de glyphes et la pile de feuillets de son journal. Elle s’assit en tailleur et vida la braise qu’elle conservait dans une petite coque d’acier recouverte de plusieurs épaisseurs de cuir dans le récipient en fer. La résine fossilisée, à son contact, commença à se consumer et répandit le parfum qu’affectionnaient les Dieux.

Le Chaman l’observait, fasciné tant par le rituel que par les gestes bien rôdés de l’Olympienne. Elle connaissait son affaire : l’habitude avait rendus ces préparatifs naturels. D’après ce qu’elle lui avait décrit, ce rituel fixait cette journée dans sa mémoire. Elle ne se souvenait que de cette succession de journées spéciales, dominées par les étoiles et les astres. Plus que jamais, il souhaita la libérer de son fardeau.

Isa inspira profondément pour rejoindre un état de communion avec les énergies magiques et sa dévotion envers les Entités qui régissaient l’Ordre Divin, représentées par la voûte céleste scintillante.
Mais elle ne pouvait s'empêcher de glisser des regards au Loup qui l’observait. La joie de partager ce moment si particulier avec lui et leur étreinte récente la déconcentraient quelque peu. Sa gorge se serra. Elle ne devait pas faire d’erreurs. Il était impensable que le rituel échoue pour une stupide maladresse !
Elle ferma les yeux et entama les prières associées à certaines incantations magiques. Le profane n’aurait su démêler les unes des autres.
L’ambre rougeoya plus fortement dans le brasero. Le grésillement intense lui fit relever les paupières. Il était temps pour l’acte de foi : les feuillets devaient être brûlés un à un, jusqu’au dernier.
Sa main trembla légèrement lorsqu’elle présenta la première page aux courtes flammes qui parcouraient les fragments couleur d’or rouge... Et si ça ne fonctionnait pas ? Risquer de tout perdre... D’habitude elle n’avait guère de scrupules à détruire des pages de froides ’instructions, les résumés de longues marches harassantes ou des caprices de son irascible grand-mère. Au tout début, lorsque Maître Yanos eut arrêté de la guider, elle s’était trompée; deux fois, sans doute de date lui avait-on dit. Mais sa vie de servante, aussi répétitive que fastidieuse, lui permettait ce genre de bourdes. Cette fois par contre, elle mesura rudement la confiance qu’elle devait avoir envers les Dieux. Elle lança un regard plein d’appréhension à Elen.

Il comprit en partie ce à quoi elle songeait : elle ne voulait pas perdre ce qu’ils avaient vécu. Cependant, si une telle chose se produisait, il ne ferait aucun doute que le Loup ferait tout pour qu’elle éprouve encore les sentiments qu’ils avaient partagés quelques minutes auparavant.

- N’aie pas peur... Luwö habite cet arbre... Il veillera à ce que tout se déroule au mieux.

Elle hocha la tête mais son estomac restait noué. Les feuilles tombèrent en cendres, page après page tandis qu’elle reprenait ses prières. Puis tout fut fini. A la grâce des Dieux, ou de ce qui voudrait bien lui accorder Sa bienveillance.

- Voilà. Dit-elle simplement, en considérant le tas grisâtre qui répandait encore quelques volutes de fumée.

Elle sourit à Elen. Il n’était plus temps de s’inquiéter. D’une voix qu’elle voulut légère, elle lança :

- Et maintenant, je veux tout savoir sur toi !
- Avant toute chose... Fit-il, se relevant.

Il l’aida à ranger son matériel puis il glissa une main dans une poche, à peine visible sur son uniforme de Chaman et en sortit un petit papyrus confectionné par son clan, plié en deux. Il le lui tendit, le tenant de ses deux mains, comme un objet précieux. Elle le prit délicatement, l’air étonné.

- Qu’est-ce que c’est ?
- Au cas où... Ouvre-le.

Elle déplia la page pour découvrir son contenu. Il s’agissait d’une esquisse, faite à l’aide de divers pigments, de la vue depuis le sommet de l’arbre lors d’un coucher des Titans. Le papyrus, fragile, semblait ancien et précieux, probablement tiré d’une des réserves de la bibliothèque. Un elfe pauvrement vêtu enlaçait une jeune femme à la robe d’étoiles, qui semblait flotter dans les cieux. Une annotation, finement calligraphiée servait de légende : “Elizadora ot Ereinlen” suivit d’une brève ligne de texte en Loup ancien.
Les yeux d’Isa pétillèrent en découvrant l’illustration.

- C’est magnifique, Elen. Qui est-ce ?
- Il s’agit d’un couple légendaire : Ereinlen, dont j’ai l’honneur de porter le nom, et Elizadora, la “douce reine du firmament”. “Fille des cieux drapée d’un manteau d’étoiles, elle m’apparut. Douce comme la nuit et timide comme le crépuscule, elle m’accorda le précieux éclat de son regard. Et à jamais mon coeur devint sien.” Traduisit-il.
- Le Soleil heureux aimant la Reine aux étoiles... Murmura-t-elle en retrouvant ses notions de Loup Ancien.Ainsi c’est ton nom véritable. La comparaison au conte pêche un peu de mon coté, je crois.

Elle sourit au Loup. Son attention la touchait et qu’ils se retrouvent là, à l’instar d’autres personnages mythiques la charmait indéniablement.

- C’est pour que tu te souviennes de nous... Toujours. Expliqua-t-il, lui faisant face, saisissant l’un de ses mains.

Il l’enlaça tendrement, pour chasser les dernières traces des incertitudes consécutives à son rituel, embrassant son front.

- Je n’oublierai pas. J’en suis sûre.

Elle en était convaincue. Personne ne pourrait lui enlever ces instants avec Elen. Elle rangea bien à l’abri dans sa besace le parchemin précieux.



Par Google  

el Par Elen  le 19/03/2012 à 17:38

- Que souhaites-tu savoir ? Fit-il, revenant à la première préoccupation de l’Olympienne.
- Tout ! Dit-elle avec entrain. Tu n’es pas une dame alors je peux déjà te demander ton âge ! Et puis ta couleur préférée ! Et... Le plus gros animal que tu aies abattu à la chasse ! Et... Aaaaaabsolument tout !

Elle se mit à rire et l'entraîna au bord de la branche où ils pourraient se rasseoir. Se laissant guider, lui rendant un sourire radieux, il hésita intérieurement : son âge ? Si cette information n’effrayait pas l’Olympienne, alors le reste de sa vie semblerait bien dérisoire en comparaison.

- J’ai eu quatre-vingt douze ans cette année. Murmura-t-il, la fixant droit dans ses yeux d’ambre merveilleux : elle avait aussi sa réponse quant à la couleur préférée.

Aussi put-il les voir s’écarquiller.

- Grands Dieux ! Trois fois mon âge ! Mais... Evidemment, tu es encore jeune alors... Je m’étais toujours demandée.

Elle se souvenait de sa soirée à Zagnadar où mille questions avaient effleuré sa conscience mais où ils étaient tous les deux bien trop épuisés pour qu’elle les lui pose.

- Alors en fait... Je suis plus vieille que toi ? Toute proportion raciale gardée. Et cela lui paraissait très étrange.
- Je ne crois pas que cela fonctionne comme ça, tu sais ? Ces années qui ont passées, je les ai bien vécues.
- Oui... Forcément...

Elle qui n’avait que huit misérables jours de souvenirs chaque année - et encore, depuis son adolescence à peine - comparés à cent ans de vécu : un gouffre, rien de moins. Elle n’avait jamais envisagé les choses sous cet angle.

- Donc... Ca risque de faire beaucoup, de tout me raconter. Fit-elle avec un demi-sourire pour cacher son trouble.
- Pas tant que cela, en vérité...

Il lui narra son histoire, du tout au tout, sa vie dans les moindres détails, ses errances avec Kowü, ses parents, le clan, les Sylphes, tout ce qui avait constitué son existence. Il s'interrompait parfois dans son récit pour répondre à l’une ou l’autre de ses questions. Il lui narra en détail sa lutte contre l’Ennemie, la mort de la Reine. Puis il lui parla d’elle, telle qu’il la voyait : intègre, douce, passionnée, innocente, forte et ce besoin qu’il avait ressenti dès leur rencontre, celui de toujours la protéger. Séléné et Adamant parcouraient les cieux, pendant ce temps, contemplant le couple complice perché.

- C’est incroyable... Murmura-t-elle lorsque la voix d’Elen s’estompa. Je comprends mieux à présent.

Elle s’était blottie contre son flanc, écoutant son histoire comme autant de glorieuses épopées, tout ce qui avait forgé le Chaman tel qu’il était aujourd’hui. Avec ses doutes sur l’avenir des Clans et sa volonté de se battre, ses envies d’une famille où il tâcherait de faire mieux que ses propres parents. Et encore beaucoup d’autres complexités dont Isa discernait désormais le fuseau de raisons.

- Et il te reste tant à faire !

Lui serait-il possible d'emboîter le pas au Loup sur le chemin d’une destinée aussi dense ? Quelle place aurait-elle dans tout cela ?
Elle lâcha un soupir. Il n’était pas encore temps de s’en inquiéter. Demain, sa route l’éloignerait du Chaman et la ramènerait vers la Cité Blanche. Son regard morne se tourna vers le nord où la capitale olympienne trônait. Elle imaginait déjà la déchirure, chaque matin, de se réveiller avec les images de cette nuit enchanteresse à ses côtés, et de ne comprendre qu’ensuite qu’il était si loin...
La fatigue la prenait. Devait-elle retourner à la Tanière ? Elle se sentit un peu misérable. Là-bas, Nil’nelia ne se doutait probablement de rien. Elle aurait l’impression de se faufiler chez elle comme une voleuse. Mais si elle restait au Chêne sacré pour ne récupérer ses affaires qu’à l’aube avant de partir, Elen resterait aussi et ce serait bien pire !

- On devrait peut-être rentrer... Fit-elle, indécise.
- Soit... Mais dis-toi que la prochaine fois, ce sera ton tour !

Lui aussi voulait en savoir plus sur la vie de la douce Olympienne pelotonnée contre lui. Il sembla très sérieux lors de sa demande, conscient que chaque parcelle de souvenir qu’elle était parvenue à préserver devait lui sembler bien plus précieux que le moindre souvenir du commun des mortels. Mais plus que tout, il aspirait à tout savoir d’elle. Et peut-être qu’il pourrait la sauver... Peut-être...

Et d’ici quelques saisons, il le savait, il ne pourrait s’empêcher de chercher aussi à prolonger l’existence de Isa, comme il avait cherché à le faire pour sa première fiancée. Il refuserait de la perdre pour les bras puissants de Hadès, tout Dieu qu’il fut. Et un nouveau bras de fer s’engagerait.

- D’accord, la prochaine fois. Lui dit-elle, le regard scintillant sous les Lunes.

Une nouvelle promesse de se revoir. Elle ne savait pas quand mais elle aurait hâte d’y être.

Ils redescendirent du Chêne Sacré pour retourner dans la forteresse du clan. Elen la conduisit obligeamment à sa chambre, des échanges de regards brefs et intenses les accompagnant tout au long du chemin. Sur le pas de la porte, le Chaman se pencha en avant, pour l’embrasser tendrement du bout des lèvres.

- Bonne nuit, Isa. Puisse Luwö te bercer durant ton sommeil.
- Ny kre eve nyo ninu, Ereinlen. Chuchota-elle à son oreille.
- Anmuata, gelnelu Olimpi. Répondit-il, du même ton, déposant un baiser sur sa joue.

Le Loup s’éloigna, à regret, la porte se refermant derrière lui. Le lendemain, elle se souviendrait. Au moins, cela, ils le savaient tous deux. Et il irait la chercher, où qu’elle puisse se trouver, si elle ne lui donnait aucune nouvelle. Le Chaman marcha lentement vers l’extérieur de la Tanière, accélérant le rythme de ses pas petit à petit, jusqu’à ce qu’ils deviennent une course. Cette nuit encore, les étoiles seraient sa couverture...

[...]

Au matin, les nouvelles alarmantes sur des bandes impériales en marche vers la Forêt des Cendres changèrent malgré tout leurs plans.



Elen, EdL
Chaman du clan du Loup au conseil des Lunes
Responsable de l'Éclat des Lunes